Je n'avais pas entendu parler de ce livre avant d'en lire des critiques sur Babelio. La quatrième de couverture invoque le « brio d'un
Philip Kerr ». Même s'il s'agit d'une enquête policière en temps de montée du nazisme, prétendre se placer au niveau de l'auteur de la trilogie berlinoise est un pari osé. Pari tenu ?
Chez Kerr, Bernie Gunther est un commissaire de police à Berlin dans les années 30, qui ne sait pas résister aux femmes. Volontiers cynique et provocateur, il a l'art de déplaire tout en rencontrant de hauts responsables nazis.
Chez Massimi, l'action se passe à
Munich en 1931. Sauer et Forster, le duo d'enquêteur, se partagent la tâche. A Forster de manier l'humour et d'en rajouter dans les remarques acides ; à Sauer d'être le policier célibataire obsédé par la « vérité ».
Et la vérité sera complexe à trouver quand ils sont appelés à mener une enquête sur la mort par arme à feu d'une jeune femme de 23 ans : Angela Raubal. Un suicide du à un chagrin d'amour ou au carcan imposé par son tuteur ? Un meurtre ?
Angela dite Geli est la nièce d'une personnalité politique montante, aux portes du pouvoir :
Adolf Hitler. Il était même son tuteur légal et elle vivait avec lui dans un appartement cossu. Hitler est dévasté par la mort de la jeune fille à qui il était attaché, très attaché.
Geli s'est semble t-il emparé du revolver Walter de son oncle pour se tuer. La volonté de la direction de la police est de classer rapidement l'affaire, grâce à un rapport sommaire du médecin légiste.
Le duo d'enquêteurs note pourtant des incohérences. Geli, vive, souriante, passionnée, n'avait a priori pas de raisons de mettre fin à ses jours. Son oncle ne comprend pas et veut savoir ce qui a poussé à cet acte. Quelques témoins font des déclarations inattendues. Une vague de suicides s'en suit. La pression monte. le service d'ordre du NSDAP veut éviter tout scandale qui pourrait porter atteinte à l'image du Führer. Mais est-ce vraiment le cas de tous les responsables d'un parti où des ambitions se font jour ?
Plus l'intrigue avance, plus Sauer explore le marigot que constituent les hautes sphères du parti nazi et plus il subit les pressions des uns et d
es autres.
Fabiano Massimi utilise au mieux l'importante documentation qu'il a du accumuler autour de ce fait divers réel. Il met en scène chacun des ténors du parti nazi (Goëring, Himmler, Hess,
Strasser…), les futurs cadres (comme Heydrich) ou des proches d'Hitler (le photographe Heinrich Hoffman, chez qui Hitler rencontre à la même période Eva Braun...). Beaucoup de caractériels aux travers et déviances marquées. Et ce qui est décrit là s'appuie sur nombre de témoignages établis…
L'auteur évoque aussi remarquablement
Munich. Quand on connaît la ville, il est facile de suivr
e Sauer dans son parcours. Seule la maison brune (siège du parti) a disparu, rasée après-guerre et remplacée par un musée mémoriel.
Deux ou trois détails m'ont un tout petit peu gên
é. Sauer passe d'un leader à l'autre, concentrant en un roman la totalité de l'entourage d'Hitler (et nombre des accusés des procès de Nuremberg après guerre), voire ceux qui ont déjà à ce moment quitté son parti, comme
Otto Strasser. Un peu beaucoup pour une enquête qui se déroule en quelques jours. Autre chose qui ne perturbera qu'un germaniste niveau très basique, le choix du surnom de "Mutti" pour Forster… Je n'ai pas compris dans les toutes premières pages de qui on parlait...
Massimi a incontestablement réussi un beau roman policier historique, complexe, précis et aussi documenté que possible. Différent d'un Kerr, même s'il s'en inspire. A la lecture j'ai plutôt pensé à
Robert Harris… qui figure dans les remerciements finaux.