L'histoire de Constant, un paisible et simple fils d'agriculteur, bon comme le pain, racontée par son ami d'enfance, plus cultivé, raffiné et ambitieux. Je l'appelle ici le narrateur, car je ne suis pas certaine de son prénom (je pense Louis), étant donné qu'il ne parle de lui qu'à la première personne.
Présent au début, au fil des pages, le narrateur s'efface pour laisser toute la place à Constant, qui devient ainsi le personnage central. On y suit son adolescence et le début de son enfance, et le narrateur entre dans les détails de sa vie familiale comme s'il y était. Ce qui est étrange, car on sait Constant très introverti, et il est difficile d'imaginer comment le narrateur a obtenu toutes ces informations, surtout de son internat lointain.
Le clivage entre le narrateur, élève appliqué et intelligent et le fils d'agriculteur moins porté sur les études, va grandissant au fil du roman, et est encore accentué par le vocabulaire et le ton un peu grandiloquent du narrateur. Un peu condescendant aussi, insistant sur l'humilité, le manque d'intelligence et la rusticité de son ami. Ce paternalisme est un peu dérangeant.
La partie "terroir" est ici moins affirmée que dans d'autres romains d'Arthur Masson. Il est difficile de situer le village de Constant, ainsi que la ville dont il est fait mention. On sait juste que ça se passe en Belgique.
Je pense que ces "défauts", à la réflexion, sont probablement voulus par l'auteur pour souligner les différences grandissantes entre le narrateur (qui se veut lettré) et son ami, et sont la preuve d'une grande maîtrise de l'auteur.
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Il y avait chez lui, en cette minute, quelque chose comme une fierté tutélaire. Une fois pour toutes, il avait reconnu son indigence et qu’il ne fallait rien attendre de lui que de médiocre. Il n’y mettait ni honte, ni forfanterie. Il n’était pas taillé pour l’étude et c’était tout. Il acceptait, s’inclinait de bonne grâce devant qui lui paraissait mieux doué, comme le gringalet devant l’hercule, le valet de cirque devant le dompteur. Plus tard, sans doute, il se révélerait dans la chose pour laquelle il était fait, labour, semailles, élevage, apparemment, à moins qu’il ne fût le tabernacle de quelque talent encore ignoré dont la révélation l’étonnerait le tout premier.
À présent, c’était l’effort qui se lisait sur sa face, l’application stérile du pauvre garçon qui ne croit pas en lui-même et qui, dans la désillusion et l’ennui, attend l’âge où l’on n’est plus tenu de fréquenter l’école. Les livres, cahiers, tableaux noirs, problèmes, exercices, l’immobilité, le silence, tout cela ne représentait plus pour lui que corvées, obligation quotidienne de faire la preuve humiliante de son insuffisance. Et je lus sur son visage quelque chose encore qui me fit mal. Oui, j’y lus une tristesse précoce, une résignation aussi qui n’était pas de son âge, parce qu’on la trouve seulement chez les vieux qui n’ont plus d’avenir.
Avant de devenir un bon élève, je fus un précoce dégonflé. En pareil cas, ou bien on laisse tomber les bras, et, parfois, l’on ne remonte de la dépression que pour s’élever jusqu’à la crête du mur d’enceinte et le sauter. On voit ainsi dans les prisons des clients qui, tombés au fond du désespoir, risquent l’évasion.
Mais ce bonheur, il le savait, n’était qu’un intermède, une halte brève sur sa route d’enfant orphelin. Et trop bon pour maudire le passé, il se refusait d’instinct à miser sur des lendemains dont il ne savait rien, sauf qu’ils pouvaient l’endolorir un peu plus.
Je n’aimais pas les chiffres, beaucoup moins, en tout cas, que la grammaire et l’histoire, et la solution des problèmes un peu compliqués me demandait du mal. Celui qu’on nous proposa après la leçon me fit sécher longtemps.
Les dix premières minutes de l'émission Wallons-nous présentent l'Espace Arthur Masson. A ne pas rater !
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