J'avais aimé «
leurs enfants après eux » et pu apprécier le bonhomme à travers une rencontre au Channel (ma librairie) et depuis au travers de ses engagements.
Je trouve «
Connemara » nettement plus fort, plus complet.
Je passe vite sur l'histoire, elle tient en deux lignes.
Nous sommes en 2017, Hélène, mère de famille, cadre dans un cabinet de conseil à Nancy, d'origine modeste mais qui a « réussi » même si son couple, et sa vie en général, battent de l'aile. Dans une ultime pulsion de vie, elle entame une liaison avec Christophe Marchal, connu à l'adolescence, petit commercial et père célibataire. À travers cette relation, c'est son fantasme d'adolescente qu'Hélène réalise, peut-être une vengeance sur ses rêves envolés.
Nés tous deux à Épinal, ils sont devenus ces adultes que la vie et le travail façonnent à partir du même creuset.
Deux chemins qu'on pourrait croire opposés.
Mais ce livre parle aussi de notre époque, des dérives de notre système, de classes sociales exacerbées et de territoires en déshérence, de la condition féminine aussi.
Tout le long du livre me revenait en tête la phrase qui clôturait les chroniques de
Philippe Meyer que j'aimais tant : «
Nous vivons une époque moderne et le progrès fait rage » …
D'un côté les bullshit jobs et de l'autre ceux qu'on ne voit pas de Paris, et qui furent rendus visibles ensuite sous le nom de « gilets jaunes ».
De la misère affective et du burn-out de ceux qui servent la machine à broyer à qui il ne reste souvent que Tinder, aux gardes partagées et l'alcool pour ceux qu'elle broie.
Du rôle subalterne dévolu aux femmes, quoi qu'il arrive, même au plus haut de l'échelle, elles n'en assument pas moins le quotidien et le lavage des chaussettes.
Reste-il de la place pour l'amour ?
Le monde qui arrive au pouvoir avec ses cabinets de conseils, son nombrilisme et son « quoi qu'il en coûte (au bas-peuple) » l'IA s'appelait alors
Emmanuel Macron.
La lecture est addictive tant elle est fluide, les descriptions de ces mondes économiques, professionnels extrêmement pertinente, pas de cynisme, pas de misérabilisme, simplement le talent d'un grand écrivain. Ces deux mondes ne sont pas si opposés qu'on voudrait nous le faire croire, leur niveau de vie sont en effet à l'opposé, mais ce qui importe c'est la vie. Et sur ce point ils n'ont rien à s'envier, sont tous deux broyés, malaxés, rejetés, isolés.
Tellement seuls.
De très belles pages sur le désir et sur l'amour physique, seule partie de leur vie qui leur appartient encore.
Car «
Nicolas Mathieu est un observateur extrêmement précis, décapant, très juste dans son regard qui sait parfaitement bien malaxer l'intime et le social ».