De quoi ça parle ?
Guillou, décrit par tous comme sale, bête et laid, ce qui lui vaut de sa mère le surnom de « Sagouin ». Guillou, méprisé par une génitrice qui rêvait de noblesse en épousant l'héritier d'une ancienne famille aristocratique maintenant en déliquescence. Guillou enfin, malaimé par un père aussi méprisé que lui, qui ne sait comment lui témoigner son amour ; et traité avec condescendance par une grand-mère qui, bien que lui manifestant quelques tendresses, est persuadée au fond d'elle-même de son imbécilité.
C'est dans ce climat de décrépitude et de splendeur passée que grandit l'enfant ingrat et renfermé, rejeté par tous… À l'exception peut-être de l'instituteur du village qui semble témoigner un peu de gentillesse à son égard et permet à Guillou d'espérer.
Mais quand, bien vite, le rêve se brise, sans plus personne vers qui se tourner, il rend les armes. Après tout, qui se souciera de sa disparition ? Là encore, il se peut que le petit garçon ait oublié de considérer la présence d'un père, aussi silencieux et mis à l'écart que son fils…
Mon avis : … Mitigé.
Pour commencer, les personnages sont trop monolithiques et manquent par conséquent de subtilité. Une affreuse mégère de mère, une grand-mère sévère et intraitable, un instituteur au bon fond mais obsédé par une quête de gloire, et un duo père/fils soumis et maltraités par la nature qui, pourtant ne demandent qu'un peu d'affection pour s'épanouir. Certes, c'est un panel relativement intéressant (quoique manquant légèrement d'originalité), mais les traits de chacun sont tellement accentués que c'en devient grotesque.
Et ni les péripéties, ni les choix des uns et des autres ne font évoluer les personnalités. Entendez-moi bien, je ne déplore pas ici une soudaine effusion d'amour, mais au moins des caractères quelque peu nuancés quand arrive la dernière page, afin d'échapper à la malédiction des éternels personnages plats.
Cela étant, les péripéties ne sont pas sans intérêt et la fin aurait pu donner quelque chose de vraiment beau. Mais de même que leurs agents, les actions paraissent grossières et maladroites : un petit garçon inoffensif détesté par un village entier, cela me semble un procédé bien facile pour jouer avec les émotions du lecteur. Beaucoup de critiques ont qualifié ce roman de satire poignante, ou autres louanges du même acabit. Toutefois, conformément au dicton, trop de satire tue la satire…
Enfin, le style est raffiné et élégant, recourant au XXème siècle à un langage caractéristique d'un écrit du XIXème .Ce n'est pas déplaisant, j'en conviens, camouflant même parfois certaines balourdises narratives, mais cela renforce tout de même l'impression de décalé, de pas-tout-à-fait qui prédomine dans le livre.
En conclusion, une oeuvre non dépourvue de matière, mais trop pataude dans sa conception, et manquant au fond de subtilité. À confirmer ou infirmer par la lecture de quelques autres romans de Mauriac.
https://lirelandoulerevedunemontmartroise.wordpress.com/2022/11/04/
le-sagouin-de-francois-mauriac/
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