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3,8

sur 804 notes
Très occupé de journalisme politique pendant et après la seconde guerre mondiale, l'académicien girondin François Mauriac ne renoue avec le roman qu'au tournant des années cinquante, peu de temps avant son obtention du prix Nobel de littérature. Poursuivant sa peinture des turpitudes cachées des familles bourgeoises, il signe avec le Sagouin, entre nouvelle et court roman, un récit glaçant et désespérément noir.


Le Sagouin est un garçon d'une dizaine d'années, enfant chétif et craintif dont la furie de mère, la main lourde et le verbe injurieux, ne supporte pas le physique ingrat et l'esprit attardé hérités de son père, ce « dégénéré » qu'elle s'emploie de toutes ses forces à exécrer depuis qu'elle l'a épousé pour devenir baronne. Renvoyé par les Jésuites après deux tentatives d'intégration en pensionnat, interdit de précepteur depuis de troubles commérages qui ont provoqué la mutation du curé, de trop bonne famille enfin pour fréquenter les bancs de l'école communale, il ne lui reste qu'une dernière chance pour espérer sortir un tant soit peu du cloaque familial : que ce « rouge » d'instituteur accepte de le recevoir pour des leçons particulières. C'est sans compter les convictions idéologiques, qu'après un premier contact pourtant prometteur avec l'enfant, le maître d'école décide de faire passer avant sa vocation éducative. Pour le garçon et son père, le contre-coup s'avèrera terrible…


Quelques traits suffisent à l'écrivain pour nouer le drame autour du pauvre Guillou, innocent sacrifié sur l'autel des ambitions égoïstes et jalouses des adultes qui l'entourent. Dans cette France de 1920 qui voit les conflits sociaux saper l'ordre ancien et la stratification bien établie des classes, chacun des personnages rumine ses frustrations jusqu'à la haine et, barricadé dans ses principes, s'enferme dans une rigidité propice aux antagonismes aveugles. Issue de la bourgeoisie bordelaise, la mère qui rêvait tant de noblesse vit dans un dépit haineux le mépris de sa belle-mère, méchamment obstinée à lui faire payer la mésalliance de son fils et à défendre le prestige vacillant d'une famille habituée à dominer le village des hauteurs de son château et de ses privilèges. A l'opposé, l'instituteur, fier de ses idées socialistes et laïques, se refuse à pactiser avec un quelconque représentant de la noblesse, en fut-il le malheureux et impuissant rejeton, stigmatisé comme idiot par les siens et par tous les enfants du village, en réalité un enfant sensible, capable de lire et de comprendre, mais miné par la peur et par un profond sentiment d'insécurité.


Dans ce jeu de frictions entre adultes, mise à part la bonne qui, sans voix au chapitre, est la seule à témoigner quelque affection au garçon, ce sont les femmes qui mènent le bal avec un acharnement à la mesure de leur méchanceté. Fermement rappelé à ses intérêts par son épouse, même l'instituteur achève dans cette histoire d'enterrer ses idéaux pédagogiques, tandis que, simples pions méprisés et bafoués dans le combat pour l'autorité qui oppose la mère et la grand-mère, enfant et mari se retrouvent niés jusque dans leur droit à exister. le dénouement tragique menant à l'ultime sacrifice du père et du fils, le récit s'achève alors par une sorte de châtiment divin rappelant la ferveur catholique de l'auteur. Aucun des personnages ne l'emportera au paradis.


Tout l'univers de Mauriac est contenu dans ce récit fulgurant, intense et poignant, caractéristique de son tourment de se trouver si attaché à l'étouffant milieu bourgeois qu'il ne cessa de peindre avec une lucidité sombre et critique. Coup de coeur.

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Deuxième claque que je me prends de la part de François Mauriac et... j'adore ça ! Vais-je virer sado-maso ? Après le troublant "Thérèse Desqueyroux", l'auteur nobelisé en 1952 propose avec "Le Sagouin" une nouvelle descente dans l'enfer du drame familial.

Par la plume nette et concise, tranchante, qui caractérise son style, Mauriac ouvre son récit sur une paire de gifles, appliquée à la fois à Guillou et à son lecteur. Que de violence vous direz-vous ? Et oui, ce court roman est lourd d'une violence psychologique et physique qui laisse sa trace en nous, comme sur la joue de ce petit garçon de douze ans détesté par sa mère, Paule.

"Le Sagouin", c'est un conte mal aiguillé qui avait tous les ingrédients pour être "de fée" mais qui vire au cauchemar : une roturière épouse un prince aux allures de crapaud mais qui habite un château avec l'espoir qu'une fois devenue princesse, elle saura par son amour changer le crapaud en prince pour vivre ensemble heureux entourés de nombreux enfants beaux comme le jour. Hélas pour Paule... son mari reste attardé mental, sa belle-mère est une sorcière, son unique étreinte matrimoniale a fécondé un garçon maigrelet et attardé, la bonne du château est toute puissante et ledit château n'est guère reluisant... Et pour couronner le tout, elle-même se change en ogre : barbue, négligée et fantasque, elle perd le peu de beauté qu'elle possédait ; dans son coeur, le regret nourrit une rage et une haine terribles dont son fils est le catalyseur.

Noir, glaçant, dramatique, le récit se déroule avec une cruelle lucidité et un réalisme dénué d'humanité. En quelques dizaines de pages, Mauriac réalise l'exploit de donner du relief à tous ses personnages mais aussi et surtout à toutes leurs émotions, à tous leurs rêves brisés. Il bouleverse nos certitudes, change notre regard, attise notre compassion et nous bouleverse durablement. du grand art.


Challenge MULTI-DEFIS 2021
Challenge RIQUIQUI 2021
Challenge XXème siècle 2021
Challenge SOLIDAIRE 2021
Challenge NOBEL
Challenge ATOUT PRIX 2021
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Le Sagouin est un récit poignant et tragique, un récit où il n'y a ni amour, ni bienveillance, où les egos surdimensionnés des adultes mènent la danse, un univers où haine, ambition, frustrations et intérêts sont de mise. Alors qu'importe le bien-être de ce gamin malingre, laid, la morve au nez, la lèvre pendante et le souffle court. Alors qu'importe le silence de Galéas et la solitude d'un père taiseux par nature et par obligation. Laissez passer Paule de Cernès mariée au Baron Galéas de Cernès par arrivisme et désir de noblesse devenue une femme, une mère haineuse .Laissez passer sa belle-mère la Baronne, la seule , l'unique aussi venimeuse que courtoise. Laissez passer Robert Bordas, l'instituteur ,le rouge , aigri de ne pas avoir pu monter à Paris pour être à la place qui lui était destinée, englué dans une lutte des classes idéologique qui lui fera tourner le dos à Guillou.
Nous sommes en 1920, la Grande Guerre a laissé des cicatrices béantes, nous sommes en Aquitaine dans une France profonde où les rumeurs ont force de loi.
François Mauriac signe un roman magistral, un roman noir , désespéré et désespérant. François Mauriac signe un immense roman.
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Plus je découvre François Mauriac, plus j'admire et apprécie son oeuvre, et pourtant ce sont chaque fois des textes qui mettent mal à l'aise.
Encore une fois, c'est dans une atmosphère de malaise pesant, de violence sourde et de bourgeoisie fin de race et délétère que se déroule la tragédie du petit Guillou, gamin attardé mal aimé d'une mère qui déverse sur lui et sur toute sa belle-famille son aigreur de femme mal mariée, faisant de son fils l'enjeu de ce conflit social entre le curé et l'instituteur encore en vogue dans les années 50 et que le petit sagouin est bien en peine de comprendre.
Le texte est d'autant plus percutant qu'il est ramassé (150 pages peu fournies dans l'édition de 1951 que j'avais en main), et que la plume de l'auteur est à la fois d'une précision clinique et porteuse d'une forte charge émotionnelle.
Un drame terrible qui donne à voir la province française d'après-guerre sous son jour le plus glauque.
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Que peut-il y avoir de pire que de ne pas être aimé par sa mère ? Un livre dur et magnifique. J'ai beaucoup apprécié la plume de François Mauriac. J'ai suivi cette famille dans laquelle les rejetés s'unissent mais hélas pour se diriger vers le malheur. La toute fin du roman m'a fait penser que l'auteur voulait une revanche sur le destin cruel en indiquant le devenir de ceux qui n'avaient pas aimé, pas vu, pas voulu voir, pas entendu, pas compris.
« Ah ! S'écria Cyrus Smith, te voilà donc redevenu homme, puisque tu pleures ! »
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« le sagouin », 1951.
Nous n'entrerons pas ici dans la polémique « est-ce un court roman ou une grosse nouvelle ? ». Peu importe en effet tant le court texte est puissant.
Au château : Mme la Baronne Galéas de Cernes, son fils Galéas, sa bru Paule, née Meulière et Fräulein, une autrichienne au service de madame depuis si longtemps…
Et le sagouin ? le sagouin, c'est Guillaume, dit Guillou… « Au milieu de tout ce beau monde attendri » il vivote rejeté par sa mère, haï de sa grand-mère ; et renvoyé des collèges où on a tenté de l'éduquer…

En fait, l'histoire du sagouin n'est rien d'autre que celle de la lutte des classes, comme le dit si bien l'instituteur Valras qui s'occupera de l'enfant l'espace d'une journée. Lutte des classes entre la grand-mère et la mère de l'enfant contrefait, et lutte des classes entre le Château et l'instituteur rouge, rentré blessé de la guerre de 14. Au centre, Guillaume, enfermé bien malgré lui dans ce combat fratricide.
Certes Guillou est laid, sale et morveux, mais, l'instituteur le confirmera : il n'est pas aussi sot qu'on veut bien le dire… Malgré tout, il n'attirera que répugnance et maltraitance.

François Mauriac est grand. Grand de nous émouvoir à ce point avec ce petit texte de quatre chapitres, à peine cent-soixante pages, deux heures de lecture attentive… Oui, attentive : C'est du condensé ! Chaque mot compte : précis, évocateur…

Je tombe de temps à autre, au détour d'une visite chez un bouquiniste, sur un Mauriac… Je n'ai jamais été déçu de mon achat ! Et c'est pour ça que Mauriac est grand !
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" le Sagouin" est un roman de François Mauriac, publié en 1951. Ce roman retrace la difficile vie que mène , l' enfant Guigou qui est malmené par le sort et les gens !
L' enfant Guigou est disgracieux , sur le plan physique il laisse beaucoup à désirer et il est surtout sale ou " crado', si l' on veut s' exprimer ainsi .Son père est un faible d' esprit, mou et un incapable .
Guigou fait face à la méchanceté des gens qui le moquent et le raille beaucoup .Même sa mère, Paule, le déteste et le méprise .
Au cours de la lecture , on ne peut qu' être du côté de cet enfant rejeté par tous .
Combien, on sent qu' il souffre de toutes ces maltraitances . Il souffre beaucoup, le petit enfant que personne n' aime .
François Mauriac est un écrivain talentueux qui fait ici un très fort récit sur ce endure et subit Guigou .
Un très grand et beau roman de Mauriac qui mérite d' être lu et relu !
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Quel livre, extrêmement court mais cela suffit à François Mauriac pour nous dresser le portrait d'une famille où personne n'en sort grandi mais où l'on comprend chacun à sa façon. La mère, le père, la grand mère, l'instituteur et le pauvre Guillou au milieu de tous, le centre d'attention que personne ne comprend vraiment à part ce père mais qui est incapable de communiquer avec lui.
L'incompréhension, les rancoeurs, les rumeurs sont le quotidien des habitants du château. le manque d'amour voire la détestation de cette mère pour son fils est révoltant même si je n'ai pu m'empêcher de la plaindre également. Des années d'aigreur que rien ne pourra arranger jusqu'au moment où les remords et les regrets prendront place.
Percutant, Mauriac est un grand auteur à redécouvrir.
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Court roman, très (trop ?) court roman magnifique et désolant.
L'histoire figurant dans de nombreux résumés, je donnerai juste mon ressenti. "Le sagouin" est un livre dur, difficile, non par le style (très beau) mais par l'histoire racontée. Je pense qu'il me sera difficile d'oublier ce petit Guillaume rejeté par tous, ceux qui sont censés l'aimer, ceux qui auraient pu l'aider. Avançant dans l'histoire, je me demandais comment l'auteur allait la terminer. J'avoue avoir eu le souffle coupé ! Que de tristesse dans ce livre...

Encore un livre découvert grâce au challenge Solidaire, livre que je n'aurais sans doute jamais lu....
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Lu d'une seule traite,ce roman est un appel au secours,un appel a l'aide contre l'indifference,contre l'incomprehension d'une mere,des on-dits face a son fils degenere,cette honte issue d'elle,sortie de son propre corps;
Ce livre,c'est aussi la solution mortelle d'un pere,la seule facon qu'il ait trouvee pour eviter les refus et rejets de la societe pour son fils,debile et inutile
Livre tres dur de par son contenu,mais tellement bien ecrit
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