Parce que j'ai beaucoup apprécié, il y a peu de temps,
le cercle de famille, j'ai complété ma découverte de l'univers d'
André Maurois avec
Climats, présenté comme son plus célèbre et plus représentatif roman. La magie du style, dont tous les ingrédients sont idéalement dosés, a une fois encore opéré : un français pur, classique sans être ampoulé ni étouffe-chrétien ; un vocabulaire riche sans être pédant ; des descriptions minutieuses et pourtant légères, qui font naître des images réalistes, colorées, justes, de la campagne ou de la ville, ou des dîners et salons où il faut être vus. La langue d'
André Maurois frôle la perfection et ce n'est pas tout. Une fois encore, l'auteur désosse avec son scalpel littéraire l'envers du décor hypocrite de la bourgeoisie au début du XXème siècle, et il n'y va pas de main morte.
Sous son microscope, il place Philippe Marcenat, archétype du rejeton élevé sous la mère : enfance privilégiée dans une famille provinciale ultra-conservatrice, études conventionnelles – avec nombreuses expériences sexuelles recommandées pour parfaire l'éducation des fils de familles - avant de sagement reprendre l'entreprise familiale, puis de devenir père d'un héritier qui perpétuera l'immuable tradition. le grain de sable dans son destin tout tracé s'appelle Odile. Il aime follement cette femme-enfant sotte, fantasque mais belle – l'essentiel -, l'épouse malgré l'avis défavorable de ses géniteurs. Premier mariage, premier échec. Il rencontre ensuite Isabelle, qu'il aime bien sans passion, elle est grosse, moche, gauche et fait tout ce qu'elle peut pour rendre son mari heureux, n'hésitant pas à le jeter dans les bras d'amantes chez qui il cherche l'image à jamais perdue d'Odile. Deuxième mariage, deuxième échec.
André Maurois possède un don pour décrire les affres de la jalousie. Rarement, j'ai lu une étude aussi puissante et poussée sur les tourments endurés par ses victimes, qui confondent souffrance et amour.
Il faut éviter, à mon avis, de lire un roman ancien avec les yeux du présent, car bien évidemment, le statut des femmes apparaît dans
Climats très choquant : elles sont dressées pour satisfaire tous les appétits de leurs hommes, faire la potiche dans les réceptions, et surtout faciliter leurs écarts adultérins. En contrepartie de leur compréhension et soumission au nom des convenances, elles peuvent aussi courir le guilledou. Bref, tout le monde se trompe en évoquant des souffrances sentimentales imaginaires.
Climats est le reflet quasi-sociologique d'une classe sociale, la bourgeoisie, au début du XXème siècle qu'
André Maurois attaque au vitriol ; jamais il ne cautionne explicitement la vie futile, imposée aux femmes, à l'ombre de l'ego boursouflé de leurs maris. Il raconte, il décrit, il analyse. A méditer.