La disparition du souffle après la chute…
La disparition du souffle après la chute
Comme s’il n’y avait pas ces débris autour de moi et
que je ne ressentais pas,
dans le choc du corps, une sorte de stupeur. Et observer
le même paysage se contracter, en trouver un nouveau,
tenant les fragments à leur place, ôtant le grondement
qui suit l’impact, le bris de la selle
et la disparition du souffle après la chute.
Et repenser à l’odeur d’asphalte,
à l’azur parmi les couleurs, c’est en juillet, j’ai
le dos à terre et les yeux vers le haut
car maintenant je me vois. On m’enfoncera
des sondes, un cathéter à mon réveil.
PURE MORNING
Extrait 1
Le choc des gouttes sur les feuilles,
la huée, la lumière qui éclaire
les géraniums arrachés et encore vifs dans la vapeur
de la glace qui fond,
la terre des vases éparpillée sur le balcon — nous voyions
une énorme banlieue au-delà des grilles
de la terrasse et dans les lumières
des maisons les gens vivre,
mettre dans le noir les pièces éclairées ; et puis plus loin
entre les espaces vides, les fils et le mur
du périphérique, commençait
le réseau des boulevards et la métropole
immense se montrait. Après, si le ciel
s'éclaircissait et que les colonnes
des phares jalonnaient les rues, le bruit de fond
au-dehors des carreaux était plein
des vies que je voyais
se figer dans ces instants, quand la file
des autos s'arrête et que nous nous regardons
exister à travers les vitres, entre les feux,
leur cercle dans le cône de la pluie, dans les siècles
qui maintenant me viennent au-devant
depuis les champs cultivés, depuis les péages
de Milan si le brouillard s'entrouvre.
…
PURE MORNING
Extrait 2
…Chaque vie
n'est qu'elle-même : cette lumière
faible sur les maisons, les premiers trains
qui percent le vent et nous surprennent
dans une espèce de torpeur,
le comprimé dans le verre, les adolescents,
dans la vidéo, qui chantent la douleur ;
quand il semble que l'esprit cache
à lui-même le geste de fuir
la matinée pure, les faits nus
dans le bruit de tout le monde le temps qu’on perd
pour être seulement ce que nous sommes maintenant
pour ne devenir que solitude
Avec Antonella Anedda, Michel Deguy, Jacques Demarcq, Benoît Casas, Andrea Inglese, Sophie Loizeau, Valerio Magrelli, Claude Mouchard, Guido Mazzoni & Martin Rueff
Andrea Zanzotto est né il y a cent ans et mort il y a dix. Ce double anniversaire, marqué par d'importantes publications posthumes, Erratici, disperse e altre poésie (1937-2011 – Francesco Carbognin éd., Mondadori, 2021), Traduzioni, trapianti, imitazioni (Giuseppe Sandri éd., Mondadori, 2021) est l'occasion de nombreuses célébrations en Italie comme en France. Dans le cadre d'un colloque de trois jours, « Zanzotto europeo, la sua poesia di movimento » (25-27 novembre 2021), organisé par Giorgia Bongiorno, Laura Toppan, Andrea Cortellessa et Martin Rueff, la Maison de la Poésie accueille cette soirée exceptionnelle. Des poètes de France et d'Italie évoqueront la figure d'Andrea Zanzotto, l'importance de son oeuvre, la fécondité de son héritage.
Le programme du colloque est consultable sur le site de l'Institut Culturel Italien
À lire – Andrea Zanzotto, Venise, peut-être, trad. de l'italien par Jacques Demarcq et Martin Rueff, éd. NOUS, 2021.
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