APEIROGON /
Colum Mc Cann
Il est bien difficile de résumer et commenter un tel ouvrage littéralement
apeirogonal, un récit aux multiples facettes, évoquant sous tous ses angles, et surtout humain, l'épineux et dramatique conflit israélo-palestinien. Un livre monumental de 650 pages, riche de paradoxes, construit de façon très originale avec quatre personnages principaux, et qui ne peut qu'ébranler les certitudes.
Rami Elhanan est israélien, fils, d'un rescapé de la Shoah, ancien soldat de la guerre du Kippour en 1973.
Bassam Aramin est palestinien et n'a connu que la dépossession, la prison et les humiliations. Au cours des sept années d'emprisonnement, il a sympathisé avec un de ses gardiens, Saul Hertzl . Un Israélien et un Palestinien peuvent donc se parler.
Rami a perdu sa fille Smadar, victime d'un attentat-suicide perpétré par des kamikazes au coeur de Jérusalem. Smadar avait treize ans.
Bassam a perdu sa fille Abir, victime d'une balle perdue tirée par un jeune soldat israélien dans son village alors qu'elle allait à l'école. Elle avait dix ans. Elle était née l'année où Smadar perdait la vie.
Pour les deux pères, passé le choc brutal, la tragédie immense, la douleur infinie, les souvenirs obsédants, le deuil accablant, il y a l'envie de sauver des vies. Eux qui étaient nés pour se haïr, décident de raconter leur histoire et de se battre pour la paix dans le cadre de l'association des Combattants pour la paix.
À l'hôtel Everest à Jérusalem, au début, ils n'étaient que onze lors des réunions : quatre Palestiniens, sept Israéliens. le thème de l'Occupation (de la Cisjordanie) est sur toutes les lèvres. Bassam n'en revient pas d'entendre les Israéliens présents la dénoncer ouvertement, et se rend compte qu'un autre point commun est que tous avaient un jour voulu tuer des gens qu'ils ne connaissaient pas. Pour Rami, cette guerre n'est pas la sienne et cet Israël n'est pas celui dont il avait rêvé.
Rapidement, Rami et Bassam se retrouvent pour ainsi dire tous les jours et cela devient leur travail pour l'association du Cercle des Parents : raconter ce qui est arrivé à leurs filles. Pour devenir membre du Cercle, il faut avoir perdu un enfant, faire partie des endeuillés Israéliens, Palestiniens, juifs, chrétiens, musulmans, athées.
Rami, qui est graphiste confie les rênes de sa société à son associé. Il a soixante-sept ans, Jérusalémite de la septième génération. Il a épousé Nurit et ils ont eu quatre enfants, dont Smadar. Il est un Israélien hostile à l'Occupation.
Bassam, qui travaille au Ministère des sports et aux Archives palestriniennes, réduit ses heures de présence. Il a quarante-huit ans, il est Arabe, marié, originaire d'Hébron et habite à Jéricho. Il étudie l'Holocauste.
Les deux hommes deviennent les amis les plus improbables qui soient.
Pour Rami, avant, un Palestinien était un homme qui vivait sur la face cachée de la lune. Aujourd'hui, il a honte de cette époque. Il l'avoue.
le tournant, dans ce livre survient à la page 305 avec les prises de conscience exprimées longuement de chacun des deux hommes.
Une oeuvre grandiose, étonnante, un peu longue par moment, mais très bien documentée et rappelant que la douleur due à la perte d'un enfant est universelle.
Extrait : « Tant de choses relevaient du récit historique, mais ce qui le préoccupait, sans cesse, était la durée du présent, combinée aux échos du passé, au moment où on essayait de négocier un meilleur avenir. »