Ouch ! Quelle expérience et quel voyage…
La route, de
Cormac McCarthy semble devenu un grand classique de la SF et du genre post-apo, qu'il représente parfaitement. Possible que le film (que je n'ai pas vu) sorti peu de temps après ait participé à cette consécration. Mais enfin, en ce qui me concerne, le roman est déjà énorme. Petit mais costaud !
La route, un superbe titre pour cette histoire qui se borne à nous faire marcher aux côtés d'un père et son fils, rescapés d'une terre brûlée, sur les vestiges d'une route nationale.
L'ambiance est lourde, désespérée. Elle m'a immédiatement rappelé la troisième partie de
Ravage, de
René Barjavel : le Chemin de cendres. Terres désolées, terres dévastées, terres mortes devenues mortelles. Tout y est. Mais tandis que la plume de
Barjavel se veut lyrique et romanesque, McCarthy prend le parfait contre-pied avec une écriture essorée (y compris syntaxiquement), des dialogues asséchés, et une intrigue avançant tels ses personnages : sans but apparent autre que la survie.
Survie. Quand il n'est plus question d'autre chose que cela.
La vision est l'une des plus pessimistes que j'ai pu voir dans ce genre. Avis aux survivalistes : vous pensez être prêts ? Lisez McCarthy !
L'auteur m'a impressionné non pas par la noirceur de ce monde cauchemardesque, mais par son talent pour nous y emmener au plus près. Personnellement, j'ai eu du mal avec son style particulier sans virgules (les « et » à répétitions me donnaient la migraine). Mais finalement il y a beaucoup de cohérence : le style épuré, les dialogues bruts, la restriction à deux personnages (désignés par le « père » et l'« enfant », « il » et « il »), l'éviction de toute intrigue, tout cela concourt à renforcer le sentiment d'identification.
Si vous cherchez un roman avec de l'action, de l'aventure, des rebondissements, passez votre… route !
La Route de McCarthy n'est pas celle de Mad Max. Il ne se passe pas tant de chose que cela dans cette histoire. À vrai dire, j'ai passé le premier quart du livre à guetter impatiemment le premier grand frisson. Et puis, quand celui-ci est arrivé enfin, croyez-le ou pas, j'ai passé le reste du roman à prier pour que plus jamais la moindre anicroche ne nous arrive. Et quand je dis « nous », je parle du père, de l'enfant, et… de moi !
La spiritualité est très développée dans ce roman. Notamment par le rapport à la vie, à la mort, et à Dieu. Devant le barbarisme de ce monde devenu inhumain, Père et fils se replient tous deux vers une forme de spiritualité salvatrice, quoique différente pour l'un et pour l'autre.
Côté petits défauts, on peut se pencher sur la crédibilité, vu qu'elle est a priori recherchée par l'auteur. Eh bien, j'ai été assez étonné que dans ce monde post-apocalyptique, il y ait si peu d'animaux. Ni oiseaux, ni mammifères, ni poissons. Même les insectes sont peu évoqués. Cela m'a étonné, car ce que je sais des grandes extinctions biologiques, c'est que les grands mammifères sont généralement les premiers à disparaître. Et quand bien même l'Homme saurait tirer son épingle du jeu grâce à la technologie, ce roman n'en fait pas la démonstration...
La Route est de ces romans dont j'aime dire que s'ils n'existaient pas, il faudrait les inventer. (Et il aura fallu attendre 2006…) Si simple dans le concept, si court, si efficace. Une belle démonstration et une belle réussite.