Quel magnifique roman, encore !
Cormac McCarthy s'installe durablement parmi mes écrivains favoris.
Suttree est le nom du personnage que nous allons suivre. Il s'agit d'un repris de justice, renié par sa famille et singulièrement par sa femme. Il s'est installé dans la cabane flottante d'un pêcheur qui s'en est allé pour toujours de Knoxville, une ville au bord de la rivière Tennessee. Très vite il est l'ami de tous les marginaux de ce petit coin d'Amérique, les Noirs, les Blancs (souvent clairement racistes), les Amérindiens, tous embourbés dans des situations de misère inextricable. La débrouille, les cuites au whisky home made particulièrement imbuvable, les embrouilles, les larcins, les copains, les gros steaks de viande rouge, et la pêche comme un moment suspendu sur la rivière dont l'auteur nous décrit tantôt la beauté extrême, tantôt l'écoeurante pollution (les tâches d'huile de moteur en surface et les préservatifs usagés, entre deux eaux, sont plus nombreux que les poissons chats). Il fait trop chaud en été, tellement froid en hiver,
Cormac McCarthy est sans pitié, on le connaît pour cela. Mais voilà, dans ses romans d'une noirceur sans équivalent (on peut penser à
La route, à sa trilogie des confins, disponibles chez Points), l'auteur trouve toujours une île, et cette fois, il s'agit de
Suttree lui-même, un personnage sans foi ni loi, et néanmoins plein de bonté.
Comme dans tous les livres de
Cormac McCarthy, il faut s'attendre à un style particulier, quelques séries de phrases sans verbes se contentent de décrire des paysages en les laissant surgir, tandis que des phrases à la longueur honorable, parsemées de vocabulaires parfois assez rare, change la lecture. Mais surtout, et grâce à la traduction de Guillemette Belleste et
Isabelle Reinharez, le style de ce roman, pas encore à l'acmé de
la trilogie des confins, est lyrique, emballant, attachant, superbe...
Il y a quelques romans publiés de
Cormac McCarthy, alors on peut en lire un de temps en temps, et s'en réjouir chaque fois !