«
Un enfant de dieu » a été écrit en 1973, soit au début de la carrière de l'auteur et bien avant les succès que je viens d'évoquer.
Si «
La Route » explore le chaos extérieur, l'effondrement du monde et l'implosion de la civilisation, «
Un enfant de dieu » quant à lui, sonde le chaos intérieur de l'être humain, la désagrégation de son humanité et le retour à sa bestialité primaire.
Car «
Un enfant de Dieu » c'est l'histoire d'une bête. Une bête humaine. Celle de Lester Ballard, né dans le Sud profond américain. Un orphelin, qui une fois adulte deviendra fétichiste et nécrophile au fur et à mesure de sa dégradation humaine.
Quand il est chassé de chez lui et sa maison mise en vente, il se retrouve à errer dans la nature, à courir les bois qu'il connait comme sa poche. Jamais vraiment intégré à la société, celle-ci finit de se désintéresser de lui et le renvoie à la lisière du monde civilisé.
Quand tout a-t-il basculé pour Lester ? le jour où il tombe sur les cadavres encore chauds d'un couple dans leur voiture et qu'il décide d'abord de violer la morte avant de l'emporter avec lui dans la montagne, ou bien la cassure remonte t'elle plus loin en amont dans le sillon de son enfance? Au suicide de son père ?
Toujours est-il que progressivement Lester se transforme en autre chose qu'un être humain, un homme-animal où l'instinct de survie le dispute à la violence qui l'accompagne. Où la pulsion supplante la raison. Comme une vielle peau qu'il abandonne après une mue, il se soulage du peu d'humanité qui lui reste à mesure qu'il s'enfonce toujours un peu plus vers l'animalité.
Et quand la cabane qu'il avait trouvée, est réduite en cendres dans un incendie qu'il provoque involontairement, c'est ce reste d'humanité qui part en fumée avec elle. La transformation a dès lors définitivement fini d'opérer.
C'est dans une grotte qu'il se terre alors. Un refuge, un antre, un temple dans lequel il va ramener le corps de ses victimes dont il aime à s'entourer.
Pourquoi ? En gardant ces corps près de lui, cherche t'il malgré tout à garder un lien, fut-il ténu, avec cette humanité qui l'a rejeté et qu'il a fini par fuir ? Ou bien s'agit il simplement pour lui d'assouvir son pouvoir en se construisant un univers où il est au centre de tout ?
N'attendez pas explications. L'auteur n'en délivre aucune, n'offre aucun jugement, ne procède à aucune exploration psychologique de son personnage. Nous sommes seuls face à la description de cette bestialité mise à nue, à nous imaginer, à essayer de comprendre, si cela à toutefois un sens de le faire.
Le style de Mac Cormack est abrupte, son écriture sombre et sèche, ce qui donne encore plus de puissance à ses mots.
Ce roman est court. Pour autant il interpelle sur la nature humaine. Ne portons pas en nous cette part de bestialité que nous enfermons dans la cage de notre civilisation ? Et quelle est la part de responsabilité de cette société dans cette dégradation humaine à laquelle nous assistons, en refusant à un « enfants de dieu » d'y entrer et d'en faire partie.
Ce n'est sans doute pas le meilleur roman de Cormak
Mc Carthy (certainement pas le moins mauvais non plus) mais sa lecture en reste incontournable pour celui qui veut appréhender l'oeuvre de cet auteur remarquable..
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