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sur 1361 notes
La très honorable maison Monsieur Toussaint Louverture a réussi un joli coup d'édition, avec le lancement très remarqué de la « Bibliothèque Michael McDowell », collection constituée de l'adaptation française de la saga Blackwater et de quelques autres ouvrages de l'écrivain et scénariste américain. Mort en 1999 à l'âge de quarante-neuf ans, McDowell avait produit dans les années quatre-vingt une oeuvre littéraire prolifique et variée, qui rencontra un grand succès populaire dans les librairies anglophones, avec de nombreuses rééditions en livres de poche.

Les réseaux sociaux ont beaucoup mentionné récemment Blackwater, ce qui a éveillé ma curiosité. Je n'ai pourtant pas eu envie de me lancer dans une série en six volumes et je me suis contenté de lire Les Aiguilles d'or, traduction d'un thriller social datant lui aussi de plus de quarante ans. Certaines publications de Monsieur Toussaint Louverture étant aujourd'hui disponibles en version numérique, j'ai pu lire Les Aiguilles d'or sur ma liseuse, étant toutefois privé de la magnifique couverture réalisée selon la tradition de l'éditeur, et dont je n'ai pu voir qu'une photo en noir et blanc.

L'histoire imaginée par l'auteur se situe à New York en 1882. le livre aurait très bien pu être écrit à la même époque, tellement le style littéraire de l'ouvrage fleure bon celui des romans du XIXe siècle : une description très méticuleuse et détaillée des visages des personnages, de leurs expressions, de leurs vêtements ; même souci de précision pour l'agencement des locaux et pour l'atmosphère des quartiers dans lesquels se déroulent les actions, notamment les bas-fonds de New York. L'éditeur évoque d'ailleurs avec discrétion un esprit à la Dickens. On pourrait aussi citer Victor Hugo. Une conception littéraire qui incite le lecteur à mettre en scène dans sa tête les images des péripéties. Ecriture cinématographique, dirait-on aujourd'hui.

L'intrigue globale met aux prises deux familles, que tout oppose. Les Stallworth, luxueusement installés dans les beaux quartiers de Manhattan, sont de grands bourgeois fortunés, confits dans l'autoadmiration de leurs bonnes manières et dans la certitude de leur supériorité morale, qui devrait légitimer n'importe lequel de leurs projets. Les Shanks habitent un taudis, au coeur d'un secteur nommé le Triangle noir, où prolifèrent la misère, la dépravation et le crime. Ils vivent d'expédients illicites, ne pouvant compter que sur leur malice, leur absence de scrupules, leur esprit de solidarité et leur instinct de survie.

Face à face, manipulant avec autorité leur lignée d'enfants et de petits-enfants, se dressent l'implacable Juge Stallworth, qui conçoit de grandes ambitions pour les siens, et la redoutable mère-maquerelle Lena la Noire, qui pilote avec finesse les activités diverses d'un gang féminin efficace. Comme au théâtre de marionnettes, on se prend à ressentir plus de sympathie pour Guignol que pour le gendarme. Peu à peu, le roman évolue ainsi vers le conte moralisateur, avec une pointe d'humour noir. Mais les derniers chapitres et le dénouement, plutôt violents, ne sont pas à mettre entre les mains des petits enfants…

Les événements s'enchaînent avec fluidité. On découvre avec amusement les stratagèmes élaborés par les uns et les autres. Il n'est pas difficile d'imaginer, dès leur énonciation, ceux qui réussiront et ceux qui feront pschitt. le livre se lit donc agréablement, sans vraiment de surprise. Un bon moment de lecture. Une littérature comestible, mais dont la dégustation s'oublie vite.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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L'assaut avait été murement préparé. Dès août, les librairies bruissaient de superbes services presse, Babelio proposait à ses abonnés la possibilité de lire ce livre en avant-première via une masse critique privilégiés et les photos publiées de ce nouvel opus des éditions Monsieur Toussaint Louverture commençaient à faire baver le lectorat cible. Pour le commun des mortels qui avait dû attendre trois longs mois la sortie officielle du livre en octobre, l'effervescence était parfaitement à son comble.

L'acquisition de l'objet tant désiré continua efficacement d'alimenter l'élan : magnifique couverture embossée d'une feuille d'or et soigneusement réhaussée de noir et de rouge, bandeau argenté se recommandant de l'immense succès commercial de Black water, marque-page personnalisé gracieusement glissé dans les premières pages. Dans le détail, une esthétique associant, sur la quatrième de couverture, l'esprit des enluminures, façon danse macabre au Crazy horse, les flammes de l'enfer et quelques tombes au premier plan. de quoi se sentir l'heureux détenteur d'un objet rare et porteur de passions sulfureuses. de quoi mettre dans les meilleures dispositions n'importe quel lecteur ravi d'être aussi élégamment courtisé.

Charmée qu'on me conte fleurette, je n'ai pas refusé les assauts. Et puis, comme Yaena proposait qu'on fasse de ces Aiguilles d'or une lecture commune, j'avais ainsi un joli prétexte pour succomber à la vague McDowell. Il faut préciser qu'en rat des librairies, j'avais déjà commencé la série Black Water que j'avais, malgré son packaging impeccable et sa sortie millimétrée, abandonnée au deuxième ou troisième tome, très peu convaincue par le caractère fantastique du propos et la peinture à grands traits de personnages mal dégrossis.

Alors ?

Eh bien, j'ai passé un bon moment de lecture. Non, vraiment, ça se lit bien, c'est palpitant, on est embarqué. Surtout passées les 200 premières pages qui mettent laborieusement l'intrigue en place. Est-ce que c'est inoubliable ? Absolument pas. Est-ce que ça avait vocation à l'être ? Je ne crois pas. Puisant dans les romans d'Henry James et d'Edith Wharton ce qu'il lui fallait du New-York de 1881, dans la veine gothique les héroïnes en quête de rédemption, les personnages perdus et incompris, dans le rêve américain assez de mythologie familiale pour qu'on frissonne de l'affrontement sans merci entre les Stallworth et les Shanks, Michael McDowell livre un récit efficace, abouti et prenant. D'un côté les riches, puissants et affreux. de l'autre, les pauvres, puissants et affreux. Et pour chacun des membres de ces deux lignées, un coefficient de sympathie variable selon quelque élément remarquable : la lutteuse tatouée au grand coeur, l'éplorée vieille fille en quête de bonnes oeuvres, la matriarche vengeresse, le cupide avocat au coeur d'artichaut, etc. D'une façon général, les mecs en prennent pour leur grade. Ensuite vous déroulez une impeccable loi du Talion qui va mettre tous les survivants d'accord au terme de 500 pages d'exécutions jubilatoires, façon chamboule tout.

Alors, je ne crache pas dans la soupe. C'est bien mené. Sans subtilité mais avec une forme de talent. Mais sans la finesse et la complexité des caractères que l'on retrouve chez d'autres auteurs de littérature dite populaire comme Daphné du Maurier par exemple.

J'ai noté que les éditions Monsieur Toussaint Louverture annonçaient déjà Katie et l'Amulette pour 2024, Lune froide sur Babylon et Les Elémentaires pour 2025. C'est l'avantage avec un auteur mort, on peut échelonner ses publications à sa guise et battre le fer tant qu'il est chaud. Pas sûr toutefois que je trépigne d'impatience jusque-là. Mes camarades de lecture commune ont été bien davantage emballés. Merci à Nico, Doriane, Xavier, Anne-So, mon cher Pat, Berni, Sandrine, djdri25 et Altervorace d'avoir partagé cette lecture avec moi, dans des temporalités un peu plus asynchrones cette fois.
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Voici mon retour de lecture sur Les Aiguilles d'or de Michael McDowell.
Dans le New York de la fin du XIXe siècle coexistent deux mondes que tout oppose.
D'un côté, l'opulence et le faste.
De l'autre, le vice monnayé et l'alcool frelaté.
C'est à leur frontière, au coeur de l'infâme Triangle Noir, qu'une famille fortunée va chercher à asseoir sa notoriété en faisant mine de débarrasser la ville de sa corruption.
Les Stallworth, dirigés d'une main de fer par leur patriarche, l'influent et implacable juge James Stallworth, assisté de son fils Edward, pasteur aux sermons incendiaires, et de son gendre Duncan Phair, jeune avocat à la carrière prometteuse, ont un plan impeccable : déraciner le mal en éradiquant une lignée corrompue de criminelles : les Shanks.
Ayant adoré la série Blackwater (non chroniquée car il y a assez d'avis dessus ;), c'est avec un immense plaisir que je me suis plongée dans Les Anguilles d'or.
J'ai adoré le début, le fait de me retrouver à New York à la fin du XIXe siècle. Malheureusement, à un moment j'ai trouvé que ça s'essoufflait.
J'ai stoppé ma lecture pendant quelques temps avant de la reprendre et.. de m'y plonger sans arrêter ou presque.
Avant de trouver que ça faiblissait de nouveau.
En fait, ce roman est assez gros ; très dense ; et un peu moins de pages rendrait l'ensemble plus dynamique.
J'ai apprécié l'ambiance, très lourde et le fait de se retrouver dans deux quartiers opposés l'un à l'autre.
On suit deux familles et c'est très intéressant.
L'une est très riche, l'autre est dans un quartier mal famé et c'est une famille de voyous avec des femmes fortes. Avoir une telle force de caractère dans un monde aussi patriarcal, ça force l'admiration. Certains personnages sont vraiment complexes, avec des personnalités fortes, on ne s'ennuie pas avec eux et elles.
Il y a de nombreux rebondissements. J'ai apprécié que ça se déroule sur une année, dans la noirceur de New York, bien que certains évènements aient débutés il y a bien longtemps..
Même si j'ai apprécié ma lecture dans l'ensemble ; je regrette qu'il y ai des longueurs. Je ne suis pas certaine d'en garder un grand souvenir sur le long terme.
Ma note : 3.5 étoiles
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Pour moi, une lectrice addict, recevoir ce roman en avant-première c'est comme me faire écouter une chanson inédite des Beatles avant les autres. Même si c'est peu probable, certains membres du célèbre quatuor n'étant plus de ce monde. Cela-dit, c'est aussi le cas de l'auteur du roman qui nous préoccupe aujourd'hui.
Mais nous ne sommes pas là pour porter le deuil. Quoique vu le taux de mortalité au fil des pages, ce serait plutôt de bon ton. Car l'heure est à la vengeance. L'heure est à la victoire des moins méchants contre les très méchants. Parce que non, malgré ce qu'on a tenté de vous inculquer dans La Petite maison dans la prairie ou Star Wars, il n'y a pas une frontière stricte entre ceux qui croient au bien et ceux qui font le mal. Dans ce roman il y a ceux qui font le mal mais avec bienveillance, il y a ceux qui font le bien pour de fausses bonnes raisons, ceux qui tentent de faire le bien mais s'y prennent comme des manches, et ceux qui font si bien le mal qu'on ne les y prend même pas. Tout le monde suit toujours là ?
Ajoutez à cela l'ambiance glauque et noire de New York fin XIXème siècle, qui rappelle des passages bien noirs de quelques Zola comme L'Assommoir. Il y a ces caves sordides qui n'ont jamais vu la lumière du jour et tant mieux car la misère y est tapie dans tous les recoins, comme une maladie honteuse. Il y a ceux qui boivent trop, qui se droguent toujours trop, qui se battent trop et trop tôt, qui volent, trop ou trop peu, et qui espèrent malgré tout. Ajoutez à cela cette petite touche de dérision, de moquerie que l'auteur insuffle au fil de l'histoire, qui fait penser un peu au style de Pierre Lemaitre en moins prononcé, et qui rend les personnages humains à défaut de sympathiques.
Ajoutez à cela l'objet livre que vous tenez dans vos mains : il est d'une taille et d'un poids si satisfaisants que je me demande même s'il n'y a pas une histoire de nombre d'or cachée sous ses proportions. Mais comme je suis plus littéraire que mathématicienne, je me contente d'explorer la couverture qui est magnifique.
Et j'admire encore une fois la capacité de cette maison d'édition à produire des livres aussi beaux à un prix si raisonnable. C'est un éloge à la lecture papier, opposée à la lecture numérique.

J'imagine tout ceux qui sont arrivés à ce point de mon avis sur ce roman, en train de se poser la question fatidique : mais alors c'est aussi bien que Blackwater ou pas ???
Ok, j'y viens : oui. C'est même peut-être mieux. Comme l'histoire tient en un volume, le rythme est plus soutenu. Mais si Black Water avait eu un tempo plus rapide, le charme de la série aurait été moins envoûtant. Donc en résumé, si vous avez aimé Black Water, vous aimerez certainement ce roman.
Alors faut-il le lire ? Oui !!!! En accompagnement musical, délaissez les Beatles. Ils sont trop gentils. Et c'est moi qui dit ça avec mon tatouage Let It Be !! Prévoyez plutôt Sympathy for the devil des Rolling Stones.
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Michael McDowell, décédé en 1999, est en train de se créer une renommée incroyable en France, à titre posthume. Cela tient un peu de la magie, à l'image de ses livres qui n'en manquent pas.

Le succès rencontré par la série des 6 livres de Blackwater était inimaginable. D'une ampleur impossible à anticiper. Gageons que Les aiguilles d'or trouveront également un bel écho auprès du public, tant le roman est bourré de qualités.

Ce livre, son deuxième, est sorti en 1980, trois ans avant Blackwater. Que ceux qui imaginent y retrouver les mêmes ingrédients se détrompent, aucun aspect fantastique dans cette intrigue.

Mais clairement, la patte McDowell est là, par sa manière de raconter des histoires, par ses personnages atypiques, pour ne pas dire déviants, tout en nuances de gris (foncé). Par sa capacité à créer une ambiance immersive au possible, même si le récit se déroule deux siècles en arrière.

Place donc à une vraie fiction historique, façon saga familiale, récit social et roman noir, qui prend place en 1882 à New York. Deux familles aux destins bien distincts, étendant leurs puissances sur la ville, à leurs manières.

Les Stallworth, en pleine lumière. Et les Shanks, dans l'ombre. Les premiers actionnant tous les leviers pour tenir la ville officiellement, pas toujours dans la légalité pour autant. Les seconds régnants dans les bas-fonds, développant leurs activités à coups de vices et de truanderies.

Deux familles, deux mondes, liés par le sang versé, qui vont s'affronter à travers toute la ville. Pouvoir et vengeance, les deux mamelles nourrissant cette intrigue puissante.

Plusieurs protagonistes par famille, plusieurs générations, les Stallworth droits dans un système patriarcal, les Shanks aux mains des femmes. Avec NYC comme personnage à part entière pour compter les points (et les morts).

L'immense talent de l'écrivain américain embarque les lecteurs dès les premières pages, avec une capacité étonnante à lui faire vivre les scènes et ressentir les odeurs, à se retrouver plongé au sein même des drames et des tensions.

Avec une plume cinématographique et puissante, à la fois belle et d'un réalisme à couper le souffle. Vous voilà transportés dans le passé, en cette fin du XIXe, à sillonner les travées, les rues, les coulisses et les secrets de Gotham.

Toujours près des personnages, comme si vous vous teniez à leurs côtés. Même nombreux, ils sont si bien caractérisés que vous vous en ferez une projection mentale très nette.

De sacrés personnages, aux comportements guère reluisants, aucunement sympathiques de prime abord, mais que le talent, que dis-je la magie, de l'auteur rend proche du lecteur. Vu les pedigrees, c'était une sacrée gageure, remportée haut la main.

Avec une particularité qu'on ne retrouvait pas si souvent dans les livres de l'époque, des femmes fortes, qui détiennent une partie du pouvoir derrière le rideau. Pour une confrontation dantesque avec les hommes qui tiennent officiellement la ville. Car il est question autant de guerre des sexes que de lutte des classes.

Au final, les plus de 500 pages se lisent sans la moindre baisse de régime, sans jamais avoir envie de lâcher ces deux familles pourtant peu fréquentables. Jusqu'au feu d'artifice de la dernière partie, et les étincelles qui embrasent le récit.

Même sans la pointe de fantastique de Blackwater qui rendait le livre si atypique, Les aiguilles d'or est une fiction historique noire de haut vol, par la grâce d'un Michael McDowell qui comprend si bien les affres de l'âme humaine, et sait les mettre en scène avec un formidable élan romanesque.
Lien : https://gruznamur.com/2023/1..
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Brillant ! Autant que la magnifique couverture ouvragée de ce petit pavé de 500 pages que nous offre Monsieur Toussaint Louverture.
Je connaissais déjà le travail de l'éditeur par le génial Swan Song, autre joli pavé en deux tomes. La qualité de ce travail est à noter, quel plaisir à voir, à toucher, à contempler. Et bien sûr à lire. On sent l'amour du métier, rien qu'à la façon dont les personnes qui ont contribué au projet sont mentionnées, fait rarissime. La couverture est particulièrement évocatrice, mais on s'en rend compte vraiment une fois plongé dans le récit.

Comme avec Swan Song (écrit par Robert McCammon), l'éditeur fait le pari de publier un roman des années 80 d'un auteur américain à succès, mais n'ayant pas encore été traduit en français (je parle du roman, pas de l'auteur en général). Un pari gagné, et je m'étonne qu'on ait dû attendre aussi longtemps !
Comme avec Swan Song, je suis sous le charme, je découvre l'auteur, mais je découvre aussi avec tristesse que Michael McDowell n'est plus de ce monde, et qu'à l'image d'un autre de ses compatriotes (Michael Crichton), sa vie fut certainement trop courte.

Revenons-en au roman en question.

Tout est politique et social dans Les Aiguilles d'Or, qui décrit le New York de 1982.
Le thème central, omniprésent, a pour sujet la lutte entre un bloc bourgeois, dépositaire du pouvoir, du bon goût et de la bien-pensance, et la cohorte des miséreux, ceux d'en bas, les « sans-dents » comme dirait l'autre.
Mais le roman a ses contraintes et l'auteur ses tropes de prédilection. Alors, plutôt que de nous servir un froid et insipide traité de sociologie, il nous offre sur un plateau – d'or – la plus parfaite des histoires illustrant le propos : la confrontation entre deux familles que tout oppose. Les Stallworth qui résident dans les beaux quartiers, et les Shank, immigrés d'origine allemande aux activités pour le moins douteuses.
La confrontation entre ces deux clans sera sanglante, à l'image de la lutte des classes correspondante.


J'avais lu je ne sais où un article intéressant expliquant l'opposition entre deux écoles dans l'écriture romanesque actuelle. L'une de ces écoles porte aux nues le « style littéraire » et je crois qu'elle est bien représentée par les nobélisés.
L'autre semble venir des États-Unis. Plutôt que de tenter de l'expliquer, je citerais McDowelllui-même, qui à mon avis en est un parfait représentant : « Je pense que c'est une erreur d'essayer d'écrire pour la postérité. J'écris pour que des gens puissent lire mes livres avec plaisir, qu'ils aient envie d'attraper un de mes romans, qu'ils passent un bon moment sans avoir à lutter. ». La citation – incomplète – provient de la fiche Wikipédia de l'auteur, que je vous invite à lire plus en détail.

L'école « américaine », populaire ? Peut-être, et McDowelllui-même semble abonder dans ce sens. Simplement, ce serait une grossière erreur que de réduire le souci de « plaire au plus grand nombre, d'être accessible », à la production de romans « pour  les masses ».
En réalité, l'écriture de McDowell non seulement remplit tous les objectifs qu'il a lui-même énoncés, mais sa qualité, sa précision et sa constance dépassent tout ce que j'ai pu lire jusqu'à maintenant. Autant dire que la lecture est fluide, ce qui permet de profiter pleinement de toute la richesse contenue dans le roman (descriptions de la société, des lieux, politique et intrigues…).

L'école « américaine », c'est aussi une vision cinématographique du roman, et maintenant je me rends compte de la force de frappe que possèdent les écrivains scénaristes. J'ai parlé de McDowell et de McCammon. Michael Crichton est de ceux-là aussi. Et Stephen King bien sûr. Ira Levin ne dépareillerait pas, bien que ses romans se distinguent de ceux de ces compatriotes par une concision qui confine à la pureté (il fut un auteur de pièces de théâtre par ailleurs).
Bref, ils sont forts, ces Américains ! (Je ne boude pas pour autant les auteurs à « style » quand celui-ci me touche, et je ne pense pas du tout que les deux « écoles » soient exclusives).


Dans Les Aiguilles d'Or, McDowell montre à voir tout son talent de scénariste. C'est à la fois simple et efficace (une banale histoire de revanche), et diaboliquement bien ficelé (il faut voir avec quelle précision les intrigues se nouent et se répondent au fil du roman).


Les Aiguilles d'Or, c'est aussi une esthétique très précise du New York de 1882. Une fresque pour ainsi dire, tant les portraits des lieux, des personnages, des institutions, et de la société en général sont palpables à travers le texte.
Ce roman m'a rappelé les innombrables « classiques » français du XIXe siècle étudiés à l'école. C'est drôle : le seul que j'ai relu assez récemment pour m'en souvenir un peu est Bel-Ami, De Maupassant, et je lui ai trouvé beaucoup de points communs. Non seulement dans la société décrite (détestable, je trouve), mais aussi dans les thèmes traités (importance de l'étiquette, salons des maîtresses de maison, collusion entre le milieu journalistique et la politique). Bel-Ami a été publié en 1885.

La plongée dans cette atmosphère est immédiate grâce à un excellent premier chapitre, très cinématographique, classique mais efficace. le roman fait 500 pages. Je craignais au début une dilution de l'intrigue dans un excès de descriptions, mais en fait non. Il se passe beaucoup de choses dans ce roman, et chaque évènement a son importance, qu'on comprendra parfois plus tard.


Ce qui m'a peut-être le plus impressionné dans ce roman, c'est le talent de l'auteur pour transformer des rapports de force complètement déséquilibrés au départ. Et aussi pour retourner le jugement de morale, a priori nettement et logiquement en faveur des Stallworth.
Pour ce faire, l'auteur va développer, pour chaque membre des deux familles, un portrait de plus en plus nuancé, pointant astucieusement des défauts ou des faiblesses chez ceux qui apparaissaient bons ou forts, et inversement. Et ainsi, en toile de fond et dans le viseur, la critique de la société fait mouche. Une technique proprement incroyable !


Les thèmes abordés sont innombrables. le racisme est par exemple abordé à travers le personnage de Maggie Kitzer, dont l'ascendance africaine est presque indécelable. Toujours sur ce thème, l'auteur pointe à maintes reprises le mauvais traitement dont font l'objet les immigrés irlandais (j'ignorais).


Si le sort réservé à l'avocat vous a impressionné, mais pas dégouté, il y a ce film avec Ryan Gosling : ...
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Diaboliquement bien positionné ce roman! Amateurs d'atmosphère mâtinant Poe, Dickens et Henry James, d'intrigues feuilletonnées à la "Mystères de Paris", de lecture prenante et détendante à la fois, de vengeance mitonnée aux petits couteaux affutés sur fonds d'inégalités sociales criantes dans un New York fin 19ème plus vrai que nature : ce thriller machiavélique est pour vous!
Ce n'est pas le roman du siècle, mais l'intrigue est tenue au cordeau, les personnages solidement campés, la mécanique riches contre pauvres et pauvres contre riches parfaitement huilée; on ne s'ennuie pas une seconde, et même si on oublie assez vite l'intrigue une fois le livre refermé, on n'oublie ni la sensation d'avoir arpenté les rues d'un New York grouillant de misère crasse ni surtout la terrible et déterminée Lena Shanks!
Lecture sympa, comme Blackwater en fait: addictive, efficace, et en en redemande. ça tombe bien, j'ai cru comprendre que Monsieur Toussaint Louverture en avait d'autres sous le coude.
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Les aiguilles d'or

Je les avais vu en rayon (ainsi que l'avis des chanceux qui l'ont reçu en service presse) (fi donc Babelio c'était pour moi aussi ça !!) (pourquoi mais pourquoi on me propose des trucs zarbi, ou des romances écrites avec les pieds ?) mais comme j'avais été plutôt déçue par Blackwater malgré ces superbes couvertures qui depotent sur mes étagères (j'ai adoré le format feuilleton, l'idée d'arpenter régulièrement la librairie dès sa sortie et en discuter avec les libraires mais l'histoire n'était pas folle folle) j'avais décidé de passer outre (non sans tergiverser, collectionnite et beauté couverturesque obligent). Mais comme la bibliothèque fait bien les choses, hop, hop, me voilà.

Réveillon de l'an 1882, petits et grands de ce monde fêtent à leur manière les traditions. On s'attache plus particulièrement à deux familles puissantes, l'une bien née, l'autre... très débrouillarde, qui se haïssent bien merci de demander, sans même un Roméo, une Juliette un Tony ou une Maria pour tenter d'effriter les frontières. Pour peu qu'on accroche au style (merci Jean Szlamowicz c'est parfait) les pages se tournent toutes seules dès le prologue et on dévore cet affrontement comme d'autres le pop corn, c'est dire si c'est réjouissant. Par contre il doit avoir des longueurs ou des problèmes de rythme car j'interrompais sciemment ma lecture pour joyeusement faire autre chose, impossible pour moi de le lire d'une traite, même si j'étais toujours contente de le rouvrir. Peut être est-ce pour cette raison que l'auteur aimait sortir ses histoires en feuilleton, pour maintenir toute l'attention de ses lecteurs.

Et en y réfléchissant, on garde là le rythme casual et sans prise de tête de lecture qu'aime l'auteur et que je reprochais un peu dans Blackwater. Les personnages ne sont que très succinctement brossés, donc on ne s'attache pas à eux, on ne les déteste pas non plus. On lit avec plaisir ce récit de guerre des familles mais il n'en restera pas grand chose je pense dans ma mémoire après quelques mois. Par contre j'adore encore et toujours les couvertures que vous créez pour les romans de Michaël McDowell. Dites Monsieur Toussaint L'ouverture, et si vous proposiez des carnets avec les couv' de vos livres ?
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Une peinture méticuleuse et réussie du Gilded age new-yorkais, entre bas-fonds et quartiers huppés d'une capitale gangrenée par la soif de pouvoir et l'injustice sociale.

Il faut avouer que j'ai eu beaucoup de mal à croire que l'auteur de ce livre et celui à l'origine du scénario de « Beetlejuice » puissent être en réalité une seule et même personne, tant on est loin ici de la noirceur loufoque et tendre qui caractérise le film.

L'intrigue repose sur l'affrontement sans pitié qui oppose les Shanks aux Stallworth. Les 2 familles personnifient à elles-seules la lutte des classes et des sexes en vigueur à l'époque. Si les antagonismes sont forts (matriarcat contre patriarcat, pauvreté vs opulence), la frontière entre le bien et le mal, le vice et la vertu, les morts et les vivants est en revanche nettement plus ténue.

C'est du pur roman populaire, dans la lignée directe de « Blackwater » qui a redonné récemment ses lettres de noblesse au genre. Je n'ai donc pas boudé mon plaisir, et apprécié tout particulièrement le dernier tiers de cette histoire - qui porte la vengeance au pinacle, tel un art.

#MasseCritiquePrivilégiée #LesAiguillesD'or #MonsieurToussaintLouverture
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Lecture qui m'a enchantée par les descriptions.
Pourtant quand on pense descriptions, on peut se rappeler certaines de nos lectures étudiantes et être rebuté.
Mais ici, ça n'a pas été le cas pour moi : descriptions des lieux, des personnages : on s'y croirait. J'avais l'impression d'avoir un film sous les yeux et non pas des mots.

Pour l'histoire, je n'ai pas eu la même sensation. Il m'a manqué du waouah. J'ai eu l'impression de lire une suite d'énoncé de faits et il m'a donc été difficile de m'attacher aux personnages. Pourtant, il y avait matière car ils sont tous avec leurs défauts et leurs qualités. Il y a des escrocs gentils et des justiciers méchants. Il y a des nantis et des misérables. Il y a un gang d'hommes et un gang de femmes. Il y a cette zone de non-droits, le triangle Noir, dans New York, qu'un groupe d'hommes se sentant d'une morale au-dessus veut détruire… jusqu'à ce que deux morts déclenchent la colère et la vengeance de Lena la Noire.
Qui vaincra ?

Je me suis laissée emporter par l'histoire surtout lors de la deuxième partie du roman, suite à un événement déclencheur. J'ai été intéressée mais dommage qu'il m'ait manqué ce waouah.
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