J'ai un avis très mitigé sur cet essai. Tout d'abord, je le trouve très bien construit. Heureusement d'ailleurs, parce qu'il est parfois facile de perdre le fil des idées de l'auteur ! Ce
livre a aussi une très grande qualité : il donne à réfléchir.
La tolérance est une valeur qui me tient à coeur dans la vie de tous les jours et lorsque j'ai lu cet argument en faveur de
la sagesse du bibliothécaire, je me suis sentie subjuguée. Je n'y avais à vrai dire jamais vraiment pensé. Jusqu'ici, dans ma tête, le bibliothécaire choisissait les
livres de sa bibliothèque, point. Mais ce point de vue m'a ouvert encore un peu plus l'esprit et, si l'on renverse la chose, m'a également apporté une autre facette de la tolérance. Et lorsque
Michel Melot va plus loin encore, en posant la question de la censure, il dit juste ce qu'il faut, tout devient logique et l'on se sent heureux de pouvoir se dire « Tiens, oui, c'est vrai… ! ». Il amène également de très beaux exemples, à l'image du lecteur à qui on a demandé s'il avait trouvé ce qu'il cherchait et qui répondit : « Je cherche ce que je trouve ».
Cependant, j'ai trouvé dans cet essai beaucoup de choses dérangeantes. L'auteur est assez mystique ; il s'emporte facilement et part dans des extrapolations qui sortent du sujet principal. de ce fait, tout n'est pas compréhensible. Je pense notamment au deuxième chapitre sur l' « incomplétude heureuse ». J'ai eu beau le relire, il reste flou. Autre chose encore : lorsqu'il dit quelque chose de clair, il va parfois l'expliquer plus profondément et inversement, on trouve des affirmations sans explication qui laissent perplexe.
Si dans l'ensemble, les arguments sont bons, ils ne sont pas tous très pertinents à mes yeux. L'auteur explique que le bibliothécaire est un gardien parce qu'aujourd'hui le
livre est perçu comme un objet qui force le respect, surtout en occident où tout
livre est sacré… Il me semble que le bibliothécaire n'a parfois pas besoin de raison pour être gardien des
livres de sa bibliothèque. Je pense que les bibliothécaires du monde entier veillent simplement sur leurs
livres. Lorsque j'essaie de me rappeler du
livre dans son entièreté, il me vient à l'esprit quelque chose de très théorique et subjectif de la part de l'auteur, quelque chose qui en pratique pourrait être contesté. Un chapitre en particulier m'a véritablement déplu : il s'agit du cinquième chapitre qui traite des bibliothèques dans le monde en faisant une comparaison entre les bibliothèques latines et les bibliothèques anglo-saxonnes. Cette confrontation me semble venir d'une généralisation absurde. Il est vrai par exemple que chez nous, les gens ont de la réticence à jeter un
livre à la poubelle et que nos bibliothèques regorgent souvent de vieilleries inutiles mais ce n'est pas pour autant que toutes les bibliothèques fonctionnent comme cela. Il existe quelques petites bibliothèques perdues dans la Province du Luxembourg qui vendent, comme en Angleterre, leurs vieux
livres lors de fêtes spéciales. Je pense que le contraste que Melot affirme entre ces deux types de bibliothèques est juste une grosse généralité. Je ne dis pas qu'elle n'est pas fondée, mais je la trouve brutale. Tout comme le fait que les Finlandais s'indignent d'être une machine à prêter des
livres et envient les Français qui font des expositions, des débats, des conférences… Il devrait y avoir des nuances dans ses affirmations.
Pour ce qui est de la toute fin du
livre, je l'ai trouvé un peu exagérée. Je ne pense pas que la discrétion du bibliothécaire fasse sa sagesse. Si les bibliothécaires ne sont pas (re)connus en tant que bibliothécaires, ce n'est pas de leur propre volonté. C'est la société, les gens qui ne s'intéressent pas à leur parcours. Mais le bibliothécaire ne force pas la discrétion. Dès lors, affirmer que sa sagesse est fondée sur sa discrétion est absurde.