En 1968,
Robert Merle était enseignant à la faculté des Lettres de Nanterre, qui était alors toute neuve, et accueillait déjà douze mille étudiants. Près de la résidence universitaire se trouvaient les bidonvilles de Nanterre, une véritable petite ville avec ses ruelles, et habités majoritairement par des algériens, des maçons qui partent tôt le matin, pour aller travailler sur tous les chantiers de la région parisienne.
Robert Merle avait déjà le projet d'écrire un livre sur le milieu étudiant depuis la rentrée universitaire, en 1967, et il connaissait donc déjà beaucoup des acteurs de cette journée du 22 mars 1968, au cours de laquelle des centaines d'étudiants envahissent la tour administrative de l'Université, un des facteurs déclenchant de la mobilisation qui suivra.
Il décrit, heure par heure, ce qu'il a vu durant cette journée très agitée, et qui finit, le soir, en apothéose.
Pour les personnages de son roman,
Robert Merle s'est donc servi des rencontres et des discussions qu'il a eu avec des tas de jeunes étudiants et étudiantes, qui vivent dans les petites cellules des chambres d'étudiants, mais garçons et filles séparés... Il a changé quelques noms, mais en a aussi conservé certains (comme
Daniel Cohn-Bendit, etc.). C'est donc un foisonnement de vies, d'idées, d'aspirations. Bien que romancé, le livre fait donc plutôt office de reportage sur le vif, et les acteurs réels de ces événements sont reconnaissables (à l'époque).
Certains sont très politisés, d'autres pas du tout. Certains rêvent de révolution... sociale, oui, mais aussi (et parfois surtout) de révolution sexuelle. Tout se libère alors, et notamment la parole. Pour certains, tout devient possible, pour d'autres, les aspirations sont plus modestes, comme de trouver du boulot, pour s'émanciper de leurs parents.
Beaucoup ont rejoint les groupes gauchistes, maoïstes, trotskystes, anarchistes, lors des manifestations contre la guerre du Vietnam. Ils contestent la société et le capitalisme, et sont plein d'enthousiasmes. Ils veulent aller aux portes des usines, rencontrer les ouvriers.
Robert Merle dresse là un portrait très vivant de la condition étudiante de cette époque, et de cette extraordinaire bouffée de liberté qui envahit toute la vie sociale.