La fin du XIVe siècle et le commencement du XVe est dans toute l’Europe une époque de fermentation artistique. Point de grands courants entraînant tous les efforts dans leur direction, mais des remous s’entrecroisant dans tous les sens, un mouvement continuel d’éléments de toutes sortes qui se pénètrent et se mélangent. Il n’y a plus de frontières : des artistes du Nord vont résider dans le Midi ; le style gothique prédomine en Italie dans la sculpture comme dans l’architecture ; des peintres italiens ont travaillé à Avignon et dans le Sud de la France. Il est souvent difficile de déduire de l’examen d’une oeuvre sa contrée d’origine ; les communications de pays à pays sont bien plus nombreuses que nous ne nous l’imaginons aujourd'hui et Paris est un point de réunion des influences les plus diverses.
La sculpture ne devait plus produire par la suite d’œuvres capitales, si ce n’est en Italie. Mais deux écoles de peinture, toutes deux originales et puissantes, allaient se développer et se partager durant tout le XVe siècle la prédominance artistique en Europe. Ici encore leur apparition est simultanée : Hubert van Eyck mourait en 1426 sans avoir terminé le polyptyque de Gand, Masaccio mourait en 1428, laissant inachevée la décoration de la chapelle Brancacci.
Quelle était la situation artistique en Europe au début du XVe siècle au moment où se formaient les deux grands courants qui devaient prédominer concurremment pendant près de cent années? On le verra dans cette étude préliminaire, où j’analyse une oeuvre des plus caractéristiques de l’époque.