Le 6 janvier 2015,
Catherine Meurisse, dessinatrice de presse au journal
Charlie Hebdo, se fait plaquer par son mec. Nuit de déprime, de cogitations et de cauchemars lui vaut de se réveiller très tard et d'être grandement à la bourre au boulot au matin du 7 janvier. Arrivée sur les lieux, après avoir raté son bus, elle apprend qu'il y a une prise d'otage au journal. Aux premiers tirs des kalachnikovs, elle s'abrite dans un bureau voisin...
C'est ainsi que démarre cette BD, réalisée par une "survivante" du Charlie. Catherine revient sur les faits, mais surtout sur l'après : le choc traumatique et le deuil, ses idées et ses dessins qui ne reviennent que péniblement, ses difficultés à comprendre ce qui lui arrive, à ne plus vivre comme avant, son départ à la Villa Médicis en quête de beauté et de légèreté, persuadée de pouvoir "se réparer" une fois qu'elle les aura trouvées.
Catherine, même si elle n'aura pas vraiment trouvé ce qu'elle était venue chercher, va au fil des pages et bien que difficilement sortir la tête de l'eau petit à petit, comprendre les mécanismes de la guérison, remettre de l'ordre dans ses pensées et ses idées.
Tout au long du récit, elle réussit à mettre en mots ses maux. C'est ainsi qu'on peut se rendre compte que la réalisation de cette BD fait partie de son processus de reconstruction, comme une sorte de tournant dans sa vie "d'après Charlie". En cela, elle nous expose ses malaises et ses moindres ressentis. Ce n'en est que plus pertinent et percutant.
Dans son témoignage, il y est avant tout question de traumatisme, de résilience et de reconstruction. Il y est abordé la manière dont on peut continuer à vivre après de tels événements, chacun usant et utilisant ses outils propres. Catherine a cherché ses réponses dans l'art essentiellement, en quête de LA beauté telle que
Stendhal l'évoque, afin de pouvoir toucher à nouveau à
la légèreté de la vie en général, à son insouciance, pour continuer d'avancer. L'a-t-elle réellement trouvée ? Sans doute pas, elle a trouvé en revanche le moyen d'y parvenir sans, même si le massacre du 7 janvier sera à jamais gravé en elle.
Là où on se rend compte qu'elle va quand même mieux, c'est qu'elle est capable de parsemer un peu d'humour et d'autodérision ici et là. D'avoir bossé 10 ans à
Charlie Hebdo l'y a certainement aidée également, enfin je présume. Ça n'enlève rien au côté douloureux de son témoignage, mais de réussir à nous faire sourire de temps en temps est tout de même bienvenu.
Mon seul bémol concernant cet ouvrage, ce sont les dessins et le choix de la police d'écriture plutôt brouillonne. Si l'on constate de temps en temps une jolie palette de couleurs, l'ensemble tire beaucoup dans la caricature et le grotesque, à l'effigie du journal certes mais qui ne se prête pas trop pour une BD à mon sens. Ça rend un ensemble un peu trop agressif pour les yeux.
Mais c'est quand même un chouette roman graphique, frappant et ne laissant pas indifférent.
[N.B. Ajout de dernière minute. Je me rends compte que j'ai oublié de parler des nombreuses références culturelles, comme
Proust,
Stendhal ou encore Beaudelaire. Des liens/parallèles/comparaisons sont faits entre les événements du moment et l'art,
L Histoire ou la mythologie romaines, amenant à des sujets de réflexion qui titillent.]