Paru en 2009, ce livre, comme les autres de
Pierre Michon, est de petite taille, mais c'est un concentré absolu de littérature.
L'objet du récit est un tableau imaginaire, chef d'oeuvre du peintre Francois-Elie Corentin, le «
Tiepolo de la Terreur », et représentant
les onze membres du Comité de Salut Public.
Mêlant fiction et réalité historique, «
Les Onze » prend tout d'abord vie grâce aux oeuvres réelles de
Tiepolo et David, soubassements de l'oeuvre imaginaire.
Puis, le personnage de Francois-Elie Corentin prend corps avec sa généalogie, l'histoire de son grand-père et de ses parents, et avec ces pages superbes sur son enfance à Combleux près d'Orléans, putti aux boucles blondes adoré par sa mère et sa grand-mère, avec en toile de fond l'humiliation sociale, terreau de la Révolution française.
Plus tard, Corentin, vieilli et célèbre, est appelé, au milieu d'une nuit de Janvier 1794 et accepte de réaliser sur commande tableau des Onze. le récit prend alors une autre teinte, passant du bleu des ciels « poussiniens » de Combleux aux ténèbres de la Terreur.
« car tout cela, jeunesse, blondeur, vin de magie, manteau mozartien,
Giambattista Tiepolo le père avec ses quatre continents sous le manteau, toutes ces formes mouvantes et vivantes n'ont d'autre sens que de s'être jetées pour finir dans un tableau qui les nie, les exalte, les cogne à coups de massue, pleure de ce saccage et immodérément en jouit, onze fois, a travers onze stations de chair, onze stations de drap, de soie, de feutre, onze formes d'hommes ; »
«
Les Onze » nous parle de la gloire, de la création artistique et de la corruption de l'exercice du pouvoir, autour de ce tableau, à la fois machination politique et oeuvre de génie.
Une écriture sculptée et jaillissante comme une extase, un moment de bonheur.