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EAN : 9782600017633
280 pages
Droz (06/03/2014)
4/5   1 notes
Résumé :
Comment la haine peut-elle être belle ? C’est la question que pose ce livre, qui ne cherche pas à justifier moralement une telle passion, mais à comprendre la haine la plus extrême, la plus pure, celle qui n’a cure des raisons politiques, économiques et psychologiques, pour s’épanouir en ravages meurtriers.

Afin de saisir cette haine autosuffisante et autotélique, Jan Miernowski propose de la regarder comme un principe esthétique qui affleure de faço... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En quoi la haine participe-t-elle à faire un bel objet littéraire ? La haine est intemporelle, n'est pas motivée et ne s'accompagne pas de douleur. En cela, elle s'oppose à la colère qu'une contrariété provoque et dont la vengeance suffit à apaiser la douleur. Au contraire, la haine est, se développe, se répand, se consomme et se déguste. En cela, elle peut être un objet de plaisir, d'admiration et de beauté.

La Renaissance ne connaissait que la poésie amoureuse. Heureusement, Jodelle, rassasié de ces fadaises montre que l'on peut utiliser les mêmes modes d'écritures pour louer non l'aimé(e) mais le haïssable. Pas de bol, l'effet est aussi vain que l'autre et, en ne parvenant ni à réorienter la littérature, ni à mieux dire le monde que la poésie galante, Jodelle ne fait que démontrer la grande résistance de la littérature. Ses successeurs des guerres de religion reprendront son goût sans s'encombrer de subtilités d'écriture : la poésie se fait pamphlet, l'attaque violence, l'ironie insulte. Mais peut-on nommer littérature un texte qui ne suppose pas le libre-arbitre de son auditeur/lecteur et l'assène de mots plutôt qu'il ne cherche à le convaincre ?

Corneille utilise la haine dans un autre sens : pour opérer la catharsis. Cette abominable Cléopâtre que je vois sur scène ne ressent pas l'horreur mais me la fait éprouver. de ce fait, je la hais. Cette haine qu'elle éprouve, elle me la transmet. Ce qu'imite l'actrice en scène, ce n'est pas Cléopâtre, la reine de Syrie dont personne n'a de modèle, mais le spectateur, moi-même. En la voyant, je prend note de ne pas devenir ce qu'elle est. En ce sens, la haine est un sentiment plus puissant que la pitié car cette dernière va du spectateur au personnage, tandis que la première jaillit sur le spectateur, le fait prisonnier. Ce que Racine met en scène dans la Thébaïde, n'est pas la haine pour autrui, mais la haine de soi. Dans cette jouissance des deux frères jumeaux à se haïr transparaît leur amour-propre qui ne connaît pas de limite, pas même celle de la haine à mort. le spectateur, pris entre les deux personnages est doublé sur la scène, et c'est son amour-propre qui est en jeu. La Thébaïde apprend l'humilité par la haine de soi. le plaisir coupable du spectateur de Corneille devient culpabilité du spectateur de Racine.

La haine sert ensuite à Rousseau à développer sa notion de l'idéal. Puisque le monde est corrompu et les hommes pervertis, il ne reste que la littérature pour tenter de remettre, vainement, un peu d'ordre. La répugnance à écrire qu'éprouve Rousseau égale la hauteur à laquelle il place la perfection de l'homme de nature que lui seul est resté. Tous ces philosophes qui font de l'écriture leur métier ne sont que des médiocres qui sacrifient la valeur de la parole à des besoins matérialistes. En s'enfermant dans son monde persécuté, Rousseau élève sa pensée à un niveau de pureté qu'il n'aurait pas atteint sans l'aide de la haine, celle pour l'humanité, sa misanthropie. Cela change un siècle plus tard : Baudelaire ne conçoit la haine et la laideur que comme une manière de rehausser la beauté. Est beau ce qui n'est pas froid, terne, plat ; est beau ce qui est biscornu, altéré, difforme.

Céline développe une haine ambiguë : ne retrouve-t-il pas dans sa détestation raciste la violence des pamphlétaire ? Si littérature il y a, elle se trouve dans le renversé : le sublime devient le laid, l'affreux, le haïssable, dans un monde ou la notion de beau a disparu, ou du moins est suspecte comme l'est dans le nôtre celle de la haine. Dans cette inversion des valeurs, la prose célinienne trouve sa place littéraire.

Les auteurs contemporains sont les héritiers de Céline : pour eux aussi la haine est érigée en valeur essentielle, à un degré moindre cependant. On hait comme on aime, mais surtout par manque d'amour, par frustration, plutôt que par idéalisme esthétique. La haine a perdu sa place de projet littéraire essentiel ou sa fonction catalytique et s'est banalisée. Mais ce que la littérature prouve, c'est surtout sa capacité à tout absorber, à tout digérer et à tout savoir rendre précieux, même la haine.

Jan Miernowski a voulu faire, par cet essai, une apologie de la littérature ; nul doute qu'il y est parvenu.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Si Jodelle dit amoureusement sa haine de la Dame, les romanciers contemporains crient haineusement un amour douloureusement absent.
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La scène des représentations théâtrales, tout comme les paysages de Poussin, de même que la politique du temps, seraient l'arrière-fond des actions humaines dont on viendrait admirer les raisons morales et juger les ressorts psychologiques.
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A défaut de pouvoir se taire, Jodelle espère fonder sur les décombres des lettres renaissantes une poétique authentiquement haineuse, la seule qui donne accès à la vérité et à la noblesse. Jodelle tente de régénérer par la haine la poésie de son temps.
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Comment le discours persuasif passe-t-il en malédiction ? Cette métamorphose monstrueuse a lieu lorsque l'art oratoire néglige le libre-arbitre des parties impliquées dans la communication, lorsqu'il renonce à gagner la bonne volonté de l'auditoire.
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Sous la plume de Céine, la haine est devenue un label littéraire, la marque d'un art consommé.
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