Ce tome regroupe les épisodes 31 à 35 de la série mensuelle "Batman Confidential". Il contient une histoire entière qui peut se lire indépendamment des autres.
Dans la banlieue de Moscou, Fyodor subit un programme à base de beaucoup d'exercices physiques et de beaucoup de piquouzes pour devenir un athlète olympique et humilier les américains au sport. Il est brutalement récupéré par la mafia locale qui en fait un monstre à son service. Avec son aide, Boris Stavgorin (dit le Tsar) règne d'une main de fer sur la pègre russe et il a des visées sur Gotham. Sa méthode : importer une bombe atomique à Gotham et obtenir une rançon. Batman ne tarde pas à entendre à parler de ce projet et à y mettre le holà. Mais il devient vite apparent qu'il doit combattre le mal à sa source : se rendre à Moscou pour faire tomber le Tsar.
"Batman confidential" est une série à part de la continuité du personnage qui permet à des créateurs de raconter une histoire complète sortant de l'ordinaire.
Peter Milligan (auteur ambitieux habitué de Vertigo avec Hellblazer : Scab, Greek Street 1 et The Bronx Kill) arrive avec une idée intéressante : sortir Batman du contexte de Gotham pour le projeter dans une ville étrangère où les criminels ne le craignent pas. La mise en place de l'intrigue prouve que Milligan n'écrit pas pour les enfants et qu'il a recours à des éléments intrigants : le sort de celui qui aurait pu être un athlète olympique, le responsable de la police moscovite qui n'est pas un décalque de Jim Gordon, un Batman que la pègre ne craint pas. Malheureusement les scènes se suivent et l'implication émotionnelle du lecteur n'arrive pas. La bête change d'avis au gré des conversations platounettes et sa collection d'objets particuliers ne revêt finalement aucun sens particulier. La relation avec le commandant de police est également fluctuante, sans que les dialogues ne rendent compte des complexités de son conflit intérieur. La résolution finale du conflit est archétypale et banale au possible. du coup, même les passages réussis (la rencontre des pontes de la pègre dans un parc enneigé, le piège tendu à Batman par la police, etc.) sont affadis par une histoire globale et un ton trop convenus et plan-plan.
Andy Clarke dessine et encre les illustrations. Il a choisi un style très photoréaliste mariant de grosses surfaces noires avec des traits très fins pour les visages et les décors. Pour toutes les scènes dépourvues d'éléments fantastiques, ses illustrations emmènent le lecteur sur les lieux avec une haute précision. Il ne manque pas une brique sur les murs. Les décorations intérieures des appartements sont soignées, réalistes et recherchées. L'évocation des halls gigantesques de couloirs du métro moscovite prouve qu'il a pris le temps de s'assurer de l'exactitude de ses illustrations. On pourrait juste lui reprocher de dessiner des égouts un peu trop propres au regard des déchets qui y transitent. Là où je suis moins convaincu, c'est par la représentation de Batman, et pire encore de la bête. le photoréalisme appliqué au costume de Batman ramène au premier plan l'ineptie de se promener avec une cape qui traine par terre quand on passe son temps à courir partout et à se battre contre des criminels. En ce qui concerne la bête, le photoréalisme accentue l'improbabilité de son existence jusqu'à rendre impossible la suspension consentie d'incrédulité, indispensable à la lecture de ce type de récit.
J'ai été déçu par ce récit réalisé par 2 créateurs de talents qui y ont mis du leur, pour un résultat plat et laborieux. Ce qui m'a le plus plu au final, c'est la couverture dessinée par Jock. On dirait qu'il s'est inspiré de ce que faisait Bill Sienkiewicz pour aboutir à une composition dans laquelle Batman est mangé par l'ombre ce qui lui permet de conserver son aura de mystère. L'envolée impossible d'une myriade de chauve-souris relève du symbolisme, renforçant l'aspect surnaturel, plus grand que nature de Batman et évoquant la peur qu'il inspire. le ciel chargé de neige apporte de la clarté à l'illustration tout en offrant un horizon bouché et les tours du Kremlin situent immédiatement l'action.