Chez Gabriela Dragoman, le sentiment de sa propre supériorité, joint à la certitude d'avoir toujours raison, ne tolérait aucune forme de renoncement.
Carl Rogers a dit que la majorité d'entre nous ne sait pas écouter. Selon lui, nous nous sentons obligés de juger, parce qu'il est trop risqué d'écouter. Il a proposé une méthode pour ceux qui s'affrontent verbalement et qui ont des désaccords irréconciliables : "Interrompez la discussion et établissez la règle suivante : chacun ne peut prendre la parole qu'après avoir reformulé correctement l'idée et les sentiments de son interlocuteur, et lorsque ce dernier estime que cette reformulation correspond à ce qu'il a voulu dire. "
Si çà ne tenait qu'à moi, on leur couperait les couilles avant de les mettre à l'ombre, siffla la gendarme. Mais ils ont une sacré chance; il y a des lois dans ce pays. Des juges, des avocats. Et aussi des gens qui pensent que parler à la police, c'est mal. C'est un pays rêvé pour les ordures de ce genre.
Comme pas mal de gens dans ce pays, Maugrenier doutait de l'efficacité d'une police et d'un appareil judiciaire réduits à l'impuissance par les garde fous législatifs, le manque de moyens et le découragement face à une délinquance de plus en plus violente.
- et il s'était fait l'effet d'un bon gros réac à côté d'elle, ce qu'il était sans nul doute aux yeux de ceux qui sont incapables de distinguer l'écorce de l'arbre et qui traversent le monde et la vie armés de leurs inébranlables certitudes.
Il songea à ce qu'avait dit un jour un psychologue lors d'une conférence à laquelle il avait assisté: les foules aimaient les réponses simples. Les mots comme "justice", "liberté". Les slogans. Elles préféraient l'irréel au réel, les croyances . aux faits, la désobéissance à l'autorité, la colère à la raison, la simplification à la complexité. Les revendications d'une foule pouvaient être légitimes, avait expliqué le psychologue, et elles l'étaient souvent mais les travaux de Le Bon, de Freud, de Festinger, de Zimbardo sur la psychologie des masses avaient établi que la plupart des individus présents dans une foule ont beau être des gens sensés, raisonnables, dès quon les plonge dans un collectif ils perdent non seulement leurs inhibitions, mais aussi leur sens commun, leur indépendance d'esprit et bien souvent leurs valeurs personnelles. En psychologie sociale, on appelait ça la désindividuation de groupe. Servaz avait apprécié la formule. La conséquence, avait ajouté le psychologue avec un sourire gourmand au-dessus de son noeud papillon, c'était que les foules aimaient le sang: les guillotines, les incendies, les lapidations, les lynchages, les destructions, les boucs émissaires... Sur l'écran derrière lui passaient des images d'Inde, du Pakistan, de Centrafrique, mais aussi de Garges-lès-Gonesse.
Sauf qu'aujourd'hui, se dit-il, les réseaux sociaux plongeaient des individus naguère autonomes et autoconscients dans une désindividuation permanente, un bain de faits et de fantasmes constamment alimentée par le ou les groupes avec lesquels ils restaient connectés.
L'ecclésiastique fronça ses sourcils noirs et broussailleux. Sous sa barbe, il passa un doigt dans son col romain.
- Tous ces scandales dans l'Eglise... Au Vatican, dans les paroisses... Ces cardinaux, ces évêques qui prêchent le contraire de ce qu'ils font, qui mènent des vies de débauchés à quelques mètres à peine du Saint-Père, qui vivent dans le luxe et le péché, tous ces prêtres pédophiles... S'ils n'étaient qu'une poignée, mais on a l'impression qu'ils... qu'ils sont des milliers... L'Eglise en est infestée : la foi, la tempérance, la force morale, la justice, où sont -elles aujourd'hui ?
P 329
Cela lui rappela un policier de la BAC qui l'avait un jour accompagné en intervention et qu'il avait vu enfiler un gilet pare-balles plein de trous : « C'est pas pour me protéger, lui avait-il expliqué. C'est pour ma femme et mes gosses : si je prends une balle et que je ne l'ai pas sur moi, ils toucheront pas la pension. »
P 283
A Toulouse, le "deal" se faisait au grand jour - dans des supermarchés à ciel ouvert qui offraient des cartes de fidélité et des promotions, de véritables "drives" où l'on pouvait récupérer son « menu » comme dans un fast-food. Le client recevait sur Snapchat une capture d'écran de Google Earth, avec la sortie de métro, le menu du jour et l'itinéraire à suivre. Sur place, des flèches peintes sur les murs lui indiquaient obligeamment le chemin de la place de "deal". Se procurer de la came n'avait jamais été aussi facile. Normal dans un pays qui était devenu le plus gros consommateur de cannabis en Europe et que les narcos colombiens eux-mêmes considéraient comme le prochain eldorado pour le marché de la coke.
P 179-180
Servaz se souvint d'avoir lu que la production mondiale annuelle de béton est d'un mètre cube par habitant. Il imagina que chaque habitant de cette planète recevait tous les ans en cadeau un cube de béton parfait d'un mètre de côté - qui venait s'ajouter aux cubes des années précédentes et à tous ceux des autres membres de sa famille : c'était la réalité de l'actuelle « bétonisation du monde ».
P 127