PASCAL /Quand, dans un salon, dans un coche…
Quand, dans un salon, dans un coche, lui viennent des pensées qui se présentent impromptues ou qu'il rumine sa méditation, il les jette sur de petits billets qu'il épingle à la doublure de son manteau. Il écrit sous le manteau. De retour chez lui, il distribue les phrases sur de grandes feuilles découpées ou pliées qu'il suspend ensuite à des fils tendus en travers de la chambre...Le travail lui est pénible. Il doit faire cesser les sons parasites qui le tracassent. Depuis l'âge de dix-huit ans il n'a point passé un seul jour sans douleur. Ses maladies continuelles vont en augmentant. Sa sœur, qui écrira une VIE DE M. PASCAL, rapporte qu'il ne peut avaler les nourritures liquides que chaudes, et goutte à goutte. Ses maux de tête sont insupportables. Selon les médecins il devrait arrêter ses travaux, mais non, il poursuit avec acharnement.
PASCAL /Pourquoi écrit-il sous le manteau ?...
Pourquoi écrit-il sous le manteau ? Parce qu'il craint que ses pensées lui échappent. Pensée échappée, je la voulais écrire : j'écris au lieu qu'elle m'est échappée. Quand il écrit, sa pensée ne lui échappe pas. Il se trouve au lieu. Ses pensées ne lui échappent pas mais son projet initial de composer une Apologie de la religion lui échappe. Il s'intéresse maintenant au penser même, à l'expérience de la pensée, aux contradictions qu'elle met en jeu. Il doit résister à l'engloutissement. Par l'espace l'univers me comprend et m'engloutit comme un point, par la pensée je le comprends. Je reprends le dessus, je pourrais être englouti comme un point...