Aujourd'hui je voudrais parler d'un livre: “
La disparition du Singe Bleu”, un livre haletant et sans concession de
Gabin Mitchel.
Les mots ont toujours une signification personnelle, en dehors du sens commun et contemporain, une signification liée a un vécu, une expérience, une sensibilité. C'est avec ses mots qu'un auteur écrit et que les lecteurs interprètent ce qu'ils ont lus, à leur manière, avec les forces qui sont en eux et en dehors d'eux. Avec
Gabin Mitchel, ces mots prennent parfois une signification originale ou plutôt disons… qu'ils sont réinterprétés.
C'est le début de l'aventure, de la fin des années 30 à la chute du mur de Berlin,
Gabin Mitchel lève pour nous le voile de nos illusions. Un texte rare, nourri d'aphorismes guerriers et provocateurs où chaque mot compte, où chaque erreur de langage pourrait coûter la vie à un des protagonistes.
Le personnage principal, Saint Andrew, homme d'âge mur, insaisissable, dominateur et peut être paradoxalement aussi homme perdu et joué de toutes parts nous sert de guide dans ce labyrinthe anxiogène et sous-terrain, inaccessible aux gens qui ne font pas partis des services secrets.
C'est avec lui que commence notre immersion dans le monde de l'espionnage, un monde obscure, mal connu où ce que nous appelons communément réel s'effondre rapidement sous les éclats de rire cynique de ceux qui en connaissent les ressorts, mais notre héros n'est pas en quête de vérité, ni peut être même de plaisir ou de pouvoir, sa quête est autre, c'est Saint Andrew qui se cherche, celui qu'il arrive à se cacher à lui-même à force de le dissimuler aux autres. Rien de révoltant à première vue, excepté que cet homme se trouve en position de pouvoir, ce qui pourrait le conduire à être décisif pour l'avenir du monde. Saint Andrew, c'est Ulysse qui a raté sa guerre de Troie et qui croit encore en son destin d'homme libre sauf qu'ici les dieux ne sont pas capricieux ou hésitants concernant son avenir, il est un homme maudit, plein de morgues et de ressentiments, puissant et impuissant, informé et ignorant, ambiguë mais sincère dans cette ambiguïté. Ce qui le rend sympathique, presque touchant. Il n'espère plus rien car depuis l'enfance, il sait que la vie est un film d'horreur avec de mauvais sous-titres, où chaque rôle est tenu sans réelle grandeur, sans réel impact, sans révolte possible qui pourrait emporter ce monde là et en faire découvrir un autre.
Saint Andrew, n'est pas James Bond, ni encore moins George Smiley, il est déjà presque un fantôme, ou plutôt, un spectre, dont la seule oisiveté pourrait se résumer à la lecture des mémoires de guerre d'un obscur Général qui aurait perdu ses batailles mais réussi à éditer ses excuses. Rien en lui cependant, ne trahit sa duplicité, c'est un homme malicieux, âpre dans ses discussions et déterminé dans ses actes. Il n'hésite pas, il joue de l'autre côté, pour un pays qu'il n'a jamais vu, une langue qu'il n'a jamais parlé et une idéologie dont il connaît simplement les mécanismes sans peut être même adhérer réellement en leurs justifications morales ou leurs nécessités éthiques. Au fond de lui, c'est un homme révolté mais calme, froid et méthodique, qui nuit le plus efficacement possible, sans s'encombrer des sentiments communs ni des remords habituels. Que trouvera t-il au bout du chemin, une fois que toutes les portes seront fermées sauf une qu'il lui faudra ouvrir seul et enfin confesser qui il était vraiment ?
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