Il semble bien que s'il a fallu et s'il faut encore à l'homme du courage pour naître à l'image et par elle, il lui en faut bien davantage pour maintenir cette puissance inaugurale. Les dominations de tous ordres le privent de la puissance qu'il doit à sa faiblesse même, c'est sans doute dans ce rapport inégal que se joue la question de l'autorité face à l'inévitable hiérarchie qu'implique tout pouvoir. Dans l'histoire de nos relations au visible et à la fabrique des images, on peut distinguer deux régimes de la peur. Je nommerai l'un, l'iconophobie, la peur d'un règne de l'image qui se nourrit des dangers qu'elle nous ferait courir, et l'autre, la phobocratie, c'est-à-dire le règne de la peur qui se nourrit des images et se sert d'elles pour établir sa domination. Ces deux régimes de la menace ont en commun un même volonté, celle de régner et de faire régner et ils sont l'un et l'autre fondamentalement terrifiés par l'existence de l'autre. Ceux qui font peur ont peur. Qu'il 'agisse de condamner tout régime des visibilités pour imposer les dictatures invisibles de la divinité, du Livre ou de la raison ou qu'il s'agisse inversement de construire un pouvoir en se réservant le monopole des visibilités et le contrôle des émotions, la peur et l'image sont dans chaque cas solidaires d'une conception du pouvoir assis sur une appropriation régalienne du sensible. Tantôt c'est la peur de l'image qui témoigne de l'horreur de l'altérité, tantôt ce sont les images de la peur qui se mettent au service de la soumission.
Le paradoxe qui habite la destruction des idoles vient de ce que l'iconoclaste voulu rendre sensible la nature désertique de l'objet. Or c'est très précisément ce désert de la chose qui a servi à fonder la doctrine de l'icône, c'est-à-dire d'un objet vide de toute présence, la doctrine d'un non-objet valant dans le visible pour ce que les yeux ne voient pas. Tant et si bien que ce sont les iconoclastes qui furent taxés d'idolâtrie puisqu'ils voulaient faire voir l'absence de présence alors que leurs adversaires retournaient la question en montrant dans l'image la présence de l'absence.
Lecture par Greg Germain, Mariann Mathéus, Roberto Jean, Sophie Bourel & Steffy Glissant
Accompagnés de Viktor Lazlo (chant), Marie-Claude Bottius (chant) & de Grégory Privat (piano)
Mise en musique par le Trio Mahagony
« Every great dream begins with a dreamer. Always remember, you have within you the strength, the patience, and the passion to reach for the stars to change the world. »
Harriet Tubman
Il y a 20 ans, le 10 mai 2001, le Parlement français votait la loi reconnaissant la traite négrière et l'esclavage transatlantique comme crime contre l'humanité, loi portée et défendue par Christiane Taubira. le texte stipule en son article 1 :
« La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'Océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'Océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité. »
Dans son discours de présentation du projet de loi, Christiane Taubira déclarait :
« Nous sommes là pour dire que la traite et l'esclavage furent et sont un crime contre l'humanité ; que les textes juridiques ou ecclésiastiques qui les ont autorisés, organisés percutent la morale universelle ; qu'il est juste d'énoncer que c'est dans nos idéaux de justice, de fraternité, de solidarité, que nous puisons les raisons de dire que le crime doit être qualifié. Et inscrit dans la loi parce que la loi seule dira la parole solennelle au nom du peuple français. »
Pour commémorer ce mois des mémoires, l'institut du Tout-Monde présente un « Chaos-opéra » imaginé par Sylvie Glissant et Greg Germain.
Avec les textes de Christiane Taubira, Léon-Gontran Damas, Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Eugène Pottier, Gaël Faye, Marie-José Mondzain, Monique Arien-Carrère, Dénètem Touam Bona, Nicole Cage, Nancy Morejón, Léonora Miano, Estelle Coppolani, Aimé Césaire, Toni Morrison …
Soirée proposée par l'Institut du Tout-Monde.
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