C'est un truc que j'ai remarqué.
Chez moi, le fait qu'un livre ait été un best-seller et déclenche les vivats de la foule en délire n'est absolument pas la garantie qu'il va me plaire, et souvent bien au contraire, je le trouve très mauvais. Les exemples qui me viennent à l'esprit récemment sont
Jérôme Loubry (
Les refuges) et
Eric Fouassier (
Le bureau des affaires occultes), pour ne parler que du domaine du noir, à l'oeuvre dans "RIP".
En revanche, pour les BD, à de rares exemples près, c'est l'inverse. Exemples récents : Les Indes fourbes d'Ayroles et Guarnido, le château des animaux de
Dorison et Delep, La dernière reine de Rochette, tous acclamés par la critique, et à chaque fois j'ai hurlé avec les loups... ou bêlé avec le troupeau...
C'est pratique, en fait. C'est plus facile de mettre la main sur des BD qui vont me transporter d'enthousiasme, y a qu'à écouter les autres (en évitant les spoils).
RIP, vrai carton de ces derniers mois, ne fait pas exception à la règle.
Pas grand-chose à reprocher à ce truc, rien même, jusqu'au prix, l'éditeur ayant eu la bonne idée de faire une version plus compacte à 10 € et j'espère bien qu'il va poursuivre avec les tomes suivants.
Car c'est cher, la BD, et c'est bien aussi de penser aux prolos comme moi.
Alors 'tention, hein, pour être glauque, c'est glauque. Pas de surprise, le titre et la couv annoncent la couleur... entre le vert bilieux, le marron caca et le noir de chez noir.
Nos gugusses bossent pour une boîte de vente aux enchères qui nettoie les "macabres découvertes", euphémisme cher à nos amis les journalistes, autrement dit les cadavres en état de décomposition avancée, non réclamés par leurs proches parce qu'ils n'en ont pas ou plus... en échange de la récupération de leurs biens.
Je soupçonne d'ailleurs cette brave entreprise d'être très bien documentée par les auteurs, il y a des indices qui ne trompent pas, et ça ne rend la chose que plus horriblement réelle.
Inutile de dire que nous n'avons pas affaire à des premiers de la classe. S'ils avaient pu, ils seraient plutôt tourneurs fraiseurs ou caissiers chez Leclerc. D'ailleurs, le vautour qui leur sert de patron ne leur fait qu'une confiance très modérée (encore un euphémisme)...
On croise à différents moments de ce "Derrick" les héros des tomes futurs, collègues ou connaissances régulières, et on subodore un traitement narratif en réseau, à la manière de l'excellente série Clickbait sur Netflix.
Les dessins sont superbes, rien à jeter.
Quant au scénario, il est d'autant plus impressionnant que d'habitude, je n'aime pas trop les traitements en narration externe, presque sans phylactères, que je juge trop distanciés.
Ici, je suis tombé dedans à la première page et n'en suis ressorti qu'à la dernière... et encore, pas tout à fait.
Si vous n'êtes pas trop impressionnable, foncez, ce truc mérite pleinement l'enthousiasme qu'il suscite.