Ce tome fait suite à
Rachel Rising, tome 1 : Dans l'ombre de la mort (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant car il s'agit d'un récit complet en 7 tomes. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2012, écrits dessinés, et encrés par
Terry Moore, l'auteur de la série culte Strangers in paradise. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc.
Rachel Beck se rend à l'hôpital de la ville de Manson, dans le Wisconsin. Elle croise une dame avec serre-tête dans les cheveux qui prononce une phrase macabre à son passage. Elle se rend dans la chambre de Johnny Woodall (thanatopracteuse, celle qu'elle qualifie de tante) pour voir comment elle se porte après l'accident, avec 2 jambes en traction. L'inspecteur Jim Corpell de la police de Manson vient les interroger sur les circonstances de l'accident, ainsi que sur le décès de Clara James Adams (surnommée Jet, mécanicienne et joueuse de basse). Il souhaite savoir en particulier si elles en savent plus sur la jeune demoiselle de 10 ans avec une queue de cheval qui était présente sur place (Zoe Mann).
Pendant ce temps-là, Earl, l'assistant de Johnny Woodall, examine le corps de Jet, listant les différentes blessures, comme la déchirure du tronc et les vertèbres cervicales en miette. Zoe Mann revient de faire les courses, et chemine à pied devant le cimetière. Elle assiste à un spectacle funeste, alors que les cadavres sont expulsés de leur tombe, par un phénomène invisible. le docteur Wesley Siemens converse le plus naturellement du monde avec sa femme Sylvie qui est catatonique, dans leur cuisine. Rachel Beck vient requérir son aide pour rafistoler le corps de Jet. Natalie Chase accueille un voisin en lui présentant son serpent. La grande femme blonde du début du premier tome se rend à nouveau à l'écart de la ville, là où le cadavre de Rachel Beck a repris vie.
Le premier tome avait laissé le lecteur un peu décontenancé.
Terry Moore avait mis en scène une belle femme blonde, certainement le personnage principal de l'histoire : Rachel Beck. Autour, il y avait une autre belle femme tout aussi blonde qui n'était pas nommée, une thanatopracteuse, une jeune fille au comportement très, très bizarre, un père de famille d'accueil maltraitant les enfants qui lui sont confiés, une femme habitée par un serpent, et des meurtres sans pitié. Au final, il lui était impossible de savoir à quoi s'en tenir quant à la direction générale du récit. Ici la couverture explicite la nature du récit : démons et possession, avec une forme de sorcellerie. Effectivement le récit comprend plusieurs conventions propres à ce genre de récit : les morts reviennent à la vie, plusieurs personnages s'avèrent être des sorcières réincarnées, du bétail meurt mystérieusement, il y a des squelettes dans les placards (au figuré), et une femme habitée par un serpent. Il y a même l'apparition d'un démon dénommé Malus. Pour autant, ce n'est pas une horreur très graphique. Même si les dessins appartiennent bien à un registre figuratif, ils ne s'inscrivent pas dans un registre gore.
Terry Moore n'affiche pas un goût pour décrire les blessures de manière clinique, ou exagérée. Celles de Jet (Clara James Adams) restent très propres, sans épanchement de sang ou de tripailles. Les points de suture sont représentés de manière simplifiée, comme un banal travail de couture sur un tissu. Les cadavres projetés hors de leur tombe ne sont vus que de loin. la marque d'étranglement sur le coup de Rachel Beck apparaît sous forme de petits croisillons, sans rendre compte de la texture de la chair. le visage émacié de Sylvie, la femme du docteur Siemen semble parcheminé, sans détail sur la dégradation de la peau. La représentation du démon Malus reste très basique, le corps d'un bel homme nu, avec des cornes sur la tête. L'intérêt de la narration ne réside donc pas dans une horreur graphique, et encore moins dans une nudité pimentée de sadisme ou de souffrance. L'artiste respecte ses personnages, aussi bien féminins que masculins, conservant leur modestie, en ne dessinant jamais d'attributs sexuels.
L'intérêt de la série réside donc ailleurs que dans une horreur visuelle.
Terry Moore continue de commencer chaque épisode par une citation ayant trait à la mort :
Tom Stoppard, Benjamin Franklin,
William Shakespeare,
Gershom Scholem,
Salvador Dali et
Katharine Butler Hathaway. Il développe son intrigue dans plusieurs directions. Dans le tome précédent, le lecteur avait identifié plusieurs personnages, en plus de Rachel Beck, susceptibles d'être des seconds rôles d'importance. Effectivement, Jet (Clara James Adams) revient pour seconder Rachel Beck. Elle ne revient pas dans un très bon état, ce qui est source d'une forme d'humour noir sympathique, toujours sans être gore. le lecteur découvre qu'elle dispose de son histoire propre, plus étoffée que d'être la simple copine du premier rôle. Moore la représente comme une belle jeune femme brune, avec une queue de cheval, et des taches de rousseur. La morphologie et l'âge de la thanatopracteuse Johnny Woodall sont très différents de ces 2 autres personnages. Fidèle à lui-même, l'artiste présente une grande distribution féminine de personnages différents. Il n'y a que Lilith qui ressemble peut-être un peu trop à Rachel Beck. Nathalie Chase a une forme de coiffure qui n'est pas basée sur des cheveux longs. Donna, du service de l'enfance, est plus empâtée. Zoe Mann ressemble vraiment à une enfant de 10 ans, et Sylvie, la femme du docteur Simen, ne ressemble à aucune autre femme de la série. Même si certaines disposent d'une silhouette parfaite, elles ne sont jamais réduites à un simple objet du désir pour titiller le lecteur mâle.
Terry Moore n'omet pas d'intégrer des personnages masculins, mais il est toujours agréable de lire une série qui n'oublie pas que la moitié de l'humanité est féminine. le docteur Wesley Siemen et l'inspecteur Jim Corpell disposent eux aussi d'une morphologie et de tenues vestimentaires très distinctes. À la lecture, il n'y a que l'apparence de Lewis qui a du mal à faire sens, alors qu'il est toujours dans son fauteuil en osier, torse nu, et qu'il neige. le lecteur suit avec plaisir Rachel Beck pour plonger plus profond dans l'intrique. L'auteur s'appuie sur les personnages qu'il a présentés de manière brutale, au moment du temps présent du récit. À partir de l'épisode 9, la dame blonde qui a assisté à la résurrection de Rachel Beck commence à prendre contact avec différentes protagonistes pour leur expliquer qui elles sont vraiment. Il y a donc quelques séquences chargées en dialogue. Mais en auteur complet,
Terry Moore prend soin de déplacer le point de vue d'une case à l'autre, de montrer l'environnement en arrière-plan, de représenter les personnages en train d'accomplir des actions. En outre, ces passages sont espacés par des séquences quasiment muettes qui alternent les différents modes de narration, comme Lilith progressant dans la neige, ou Rachel Beck se déplaçant dans un champ lui aussi recouvert par la neige. le lecteur découvre ainsi la véritable nature du récit, à savoir une vengeance sur plusieurs siècles.
La nature de l'intrigue pourra rebuter certains lecteurs, car
Terry Moore met plus l'accent sur elle, que sur les relations interpersonnelles. En fait, ces dernières sont dictées par l'histoire des relations entre les personnages, plus que par leurs réactions émotionnelles ou leurs états d'esprit. Cela n'empêche pas que l'auteur propose plusieurs visuels mémorables. Comme dans le premier tome, il subsiste quelques cases avec des décors un peu naïfs, ou manquant de texture, qui dénotent par rapport au reste. Mais le lecteur apprécie l'ambiance apportée par les flocons qui volètent, apportant une tonalité plus funèbre que merveilleuse. La description de l'état de Jet laisse une forme de malaise, avec une touche d'humour macabre. La cuisine du docteur Siemen présente un aménagement crédible et utilitaire, rendant d'autant plus étrange sa relation avec sa femme Sylvie. Earl est touchant dans sa maladresse et son manque de confiance. La discussion de Rachel Beck et Lilith sous la neige est envoûtante. L'apparition de Malus peine à convaincre dans son approche un peu trop primaire. le lecteur est bien sûr de tenté de trouver une métaphore s'appliquant à ces manifestations surnaturelles pour leur donner un autre sens, mais à ce stade du récit il n'y a pas de signification évidente.
Ce deuxième tome plonge le lecteur au coeur de l'intrigue et il découvre une partie de l'histoire de plusieurs personnages, ainsi que la raison de la présence de Lilith. L'horreur générée par les pages ne ressort pas de la dimension graphique, mais plus des actes commis.
Terry Moore étoffe visuellement ses personnages, les rendant attachants, même si leurs émotions ne sont pas au coeur du récit.