À la recherche d'Alice Love

Alors quoi,l'idée, ce serait de vivre sa vie vautré dans le pessimisme en attendant le pire, histoire de ne pas passer pour un imbécile quand ça finit par vous tomber dessus ?
(p. 171-172)

She had always thought that exquisitely happy time at the beginning of her relationship with Nick was the ultimate, the feeling they'd always be trying to replicate, to get back, but now she realized that was wrong. That was like comparing sparkling mineral water to French champagne. Early love is exciting and exhilarating. It's light and bubbly. Anyone can love like that. But love after three children, after a separation and a near-divorce, after you've hurt each other and forgiven each other, bored each other and surprised each other, after you've seen the worst and the best--well, that sort of a love is ineffable. It deserves its own word.

L'amour naissance, c'est excitant et grisant. Léger et pétillant. Tout le monde peut aimer de cette façon. Mais l'amour, après trois enfants, une séparation, un quasi-divorce, les blessures qu'on s'inflige, les pardons qu'on s'accorde, les moments où l'on se lasse, ceux où l'on arrive à se surprendre, après avoir vécu le pire comme le meilleur, eh bien, cet amour-là est indicible. Il mérite un autre mot.

- Alice, as-tu seulement retrouvé le moindre souvenir ?
- Oh, mon Dieu ! C'est une piscine que je vois là-bas ? Une vraie piscine ? Libby, on est riches ? C'est ça ? On a touché le gros lot ou quoi ?
- Je peux savoir ce que tu leur as dit, à l'hôpital ?
- Et vise un peu la taille de cette télévision ! On dirait un écran géant !

Alors maintenant, je me dis juste que ça ne marchera pas, et que si ça marche, de toute façon, je le perdrai. Une stratégie d'auto protection totalement vaine, car l'espoir trouve toujours le moyen de s'insinuer, sournoisement. Et cet espoir m'habite à mon insu, jusqu'à ce qu'il n'ait plus lieu d'être, jusqu'à ce qu'on me dise une nouvelle fois: je suis désolé.

L’idée qu’elle devait sa rencontre avec Nick au plus pur des hasards la terrifiait. Ils auraient très bien pu se rater. Elle aurait alors mené une existence sombre et incomplète, à l’image d’une créature des bois qui ne voit jamais la lumière du soleil et qui ne sait même pas à quel point elle pourrait aimer et être aimée. Un jour Elisabeth lui avais dit qu’il fallait trouver le bonheur par soi-même et ne pas attendre d’un homme, même le bon, qu’il vous comble. Alice avait alors acquiescé tout en se disant : « pourtant il me comble… »

Avant de le rencontrer, je fréquentais des hommes brillants, pleins d'esprit. Pas le genre à posséder une boîte à outils, comme Ben. La sienne a bien servi, elle est toute sale et pleine de, vous savez, de tournevis et autres trucs. J'ai un peu honte de l'avouer, mais la première fois que j'ai vu Ben sortir une clé à molette couverte de cambouis, j'étais tout émoustillée. Mon père en avait une, lui aussi. Peut-être qu'inconsciemment, c'est ce que j'attendais. Un homme avec une boîte à outils.

Il fallait trouver le bonheur par soi-même et ne pas attendre d'un homme, même le bon, qu'il vous comble.

Je n'ai pas vu Alice s'effondrer parce que je m'étais éclipsée pour aller aux toilettes.
Ils avaient installé une rangée de cabines provisoires, vous savez, les bleues.
Je perdais du sang.
Je me suis dit : Tout à fait approprié. Perdre mon bébé dans des toilettes provisoires.
Affligeant et un tantinet risible. A l'image de ma vie.

Après tout, songea-t-elle atterrée, ils étaient mariés depuis plus de dix ans à présent. Nick avait été frappé par le démon de midi ( c'était pratiquement un phénomène médical - pas vraiment sa faute ) et cette affreuse manipulatrice en avait profité pour le séduire.