Aussi étrange que cela puisse paraître, plus on connaît quelqu’un, plus ses contours deviennent flous, comme si le temps passé ensemble effaçait ce qui le distingue de vous.
Les mille autres chemins que nos vies auraient pu, et peut-être dû, prendre nous restent à jamais inconnus. C'est probablement pour le meilleur.
Celle-ci avait remarqué que, avant d'être voûtés ou d'avoir les mains qui tremblent, les gens passaient par une phase où ils ne faisaient plus confiance à leur corps.
Le cœur battant à tout rompre, Tess se rendit compte qu'on pouvait passer toute sa vie à regarder ceux qu'on aimait sans jamais le faire en face, sans vraiment ouvrir les yeux, comme si on cherchait à rester dans le flou, (…).
Esther saurait qui avait eu l'idée du Mur de Berlin. Elle saurait même sa date de naissance. Un homme, sûrement. Seul un homme pouvait proposer une solution si brutale : d'une bêtise absolue mais d'une efficacité redoutable.
Elle passa la paume de sa main sur le miroir embué et contempla son reflet troublé par les gouttes d'eau. Elle pensa à la façon dont Jacob [son petit-fils de deux ans] l'embrassait, ses petites mains dodues posées sur ses joues ridées, ses grands yeux bleus plantés dans les siens, et chaque fois, cette même gratitude, teintée d'incrédulité, à l'idée que son visage puisse inspirer un tel amour.
(p. 189)
Les mille autres chemins que nos vies auraient pu, et peut-être dû, prendre nous restent à jamais inconnus. C’est probablement pour le meilleur. Certains secrets sont faits pour demeurer secrets. Ce n’est pas Pandore qui vous dira le contraire.
Dire que les gens s'imaginent qu'après une tragédie on devient plus sage, plus spirituel. Foutaises. C'était tout le contraire. Une tragédie, ça rend mesquin et malveillant. On n'en sort ni plus lucide ni plus avisé.
Rachel balaya les miettes qui jonchaient ses draps d'un revers de la main. « Des miettes ! Pour l'amour du ciel, regarde ces miettes ! » aurait pesté son mari qui trouvait immoral que l'on puisse manger au lit. S'il savait que Rachel y regardait aussi la télévision, il se retournerait dans sa tombe.
« Faiblesse ! Dépravation ! » s'écrierait-il. Pour Ed, la chambre servait à trois choses : le recueillement - à genoux, le front baissé, il débitait ses prières à toute vitesse, histoire de ne pas Lui faire perdre trop de temps -, l'accouplement - de préférence tous les soirs - et le sommeil. Dans cet ordre, évidemment.
(p. 89)
Il fallait reconnaître que Connor était un amant assez... exceptionnel. Il devait avoir un manuel. Un manuel qu'il avait lu de À à Z et que Will, lui, n'avait pas ouvert.