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EAN : 9782754306447
238 pages
Sentiers Du Livre (02/08/2017)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Couronne de la reine des fées posée telle une larme sur l'océan Atlantique, lieu de villégiature pour Sarah Bernhardt, mais aussi synonyme d'enfer qui gangrènera au fil des années la famille Nédelec, Belle-île-en-mer sera le terrain de jeu idéal d'un tueur sanguinaire.
L'histoire relate l'épopée prospère mais aussi le douloureux destin de cette riche lignée Nédelec, propriétaire de l'une des plus grandes sardineries de l'île.
Une inscription en latin « S... >Voir plus
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation


Nous ne partions pas en villégiature, et le silence accompagnait nos pas.

Au-dessus de ma tête me saluait un Fou de Bassan, fuyant lui aussi vers un autre monde. J'aurais tant voulu le rattraper au vol tout là-haut, au-dessus de la misère humaine.

Au loin, je distinguais maintenant un bout de terre, la forme d'une île suivie de deux autres. Elles s'alignaient, magiques, dans un ordre de taille croissante : Hoëdic, Houat, Belle-île en mer. Le continent des gens bien tranquilles, quant-à-lui s'était évaporé à tout jamais dans une brume côtière. Nous avancions bien trop vite vers notre univers carcéral.

Malgré la chaleur, j'avais froid. Je croyais que nous étions encore en hiver. Comment pouvais-je me situer dans le calendrier de la vie ? Tout avait fui si vite, sans me laisser le temps de comprendre, de réagir, de me battre pour la liberté.

Combien de gosses avant nous avaient foulé ce bout de terre si majestueux, néanmoins si hostile avec pour unique fardeau de supporter l'usure prématurée de leur jeunesse ? Et combien le rejoindront encore ? Malgré mes multiples interrogations, je conservais un moral des plus forts, une voix me soufflait le soir que je ne pourrirai pas dans ce lieu obscur.

Le port s'avançait maintenant vers nous, ou plutôt était-ce l'inverse. Quoiqu'il en soit, mon visage s'assombrit à la vue d'une imposante citadelle posée en barrière de protection. La simple vision de cette bâtisse me fit penser que la fuite ne serait pas aussi évidente que je ne l'avais envisagée.

La foule grouillait de partout, on préparait le départ des sardiniers. Les petits mousses embarquaient la rogue, secouaient les mailles des filets bleus, puis embrassaient la belle avant d'affronter leur quotidien éloigné dans le creux des vagues.

Tout un peuple pareil à celui du continent semblait y vivre dans une même agitation et aiguisait ma curiosité. Je fus transcendé par l' idée que peut-être la quête du bonheur trouvait sa solution ici, que les lois n'existaient pas, que la nature offrait à l'humain suffisamment pour survivre. Ce ne fut qu'une brève euphorie du cerveau d'un enfant avant qu'il ne se confronte à la dure réalité.

Nous fûmes tous deux débarqués avec notre maigre baluchon. Personne ne faisait attention aux parias, aux exclus de la société, à ceux qui ne gardent pas le bon cap. Seul mon camarade de couleur et muet attirait la curiosité des passants. Cette population éloignée des grands centres n'avait jamais sans doute côtoyé de gamin à la peau noire. Des enfants se moquaient, des adultes détournaient le regard, évitant de croiser celui de l'indigène. Le pauvre garçon subissait une double peine. Sans doute habitué aux quolibets, il se déplaçait sans révolte, esquivant au mieux la méchanceté humaine.

Au milieu de cette indifférence, seule une dame m'observait. Sans coiffe, elle sortait de l'ordinaire, s'élevant au-dessus d'une foule sombre ; une géante perdue dans un monde d'hommes et de femmes terreux. Élégante, le chignon impeccable, un fume-cigarette à la commissure des lèvres, le teint mat, les yeux noirs, elle se tenait droite sans bouger le sourcil, fixant les pauvres hères que nous étions.

Sa silhouette était-elle le fruit d'une imagination féconde ou l'image réelle d'une mère inconnue et lumineuse à la recherche de sa progéniture ? Sans doute étais-je dans l'erreur, cette déesse ne pouvait être celle que je n'avais jamais étreint. Elle me fascinait tant que je ne vis pas la corde enroulée au sol qui me fit chuter. La populace en manque de distraction se mit à rire de mon malheur. Au moment où je me relevais, l'inconnue avait disparu. Je ne sais pour quelle raison, mais la certitude de la retrouver un jour me rendit presque joyeux.

A la vue de ma galipette, mon tortionnaire de surveillant ne plaisanta pas et arracha un pan de ma veste déjà si abîmée, me traita de voyou, de lambin, d'idiot du village, de sous-homme...

Je n'entendais rien à son discours impertinent, car bientôt je serai ailleurs. Après le virage suivant, toute trace de civilisation semblait s'être évaporée. Plus une âme qui vive, sinon quelques chiens errants et rats se mouvant sans complexe dans la saleté des ruelles en terre. Au large, la plainte d'une colonie de goélands en quête de restes de poissons me rappelait une dernière fois combien la vie terrestre pouvait-être fascinante.

Soudain apparut face à moi une porte géante en bois avec à son faîte l'inscription suivante : « COLONIE MARITIME ET AGRICOLE. »

Elle s'ouvrit dans un interminable grincement, happant dans son antre le petit Hypolite Guégan accompagné de son silencieux camarade d'infortune. J'avais détesté mon prénom autant que cette vie qui n'avançait pas.

À cet instant précis le soleil se voila, faisant disparaître mon ombre et laissant ainsi une part de moi-même dans l'univers des vivants.

Cette année-là, à l'heure des balbutiements du cinéma des frères Lumière, je n'apprendrai pas que Félix Faure paradait comme nouveau président de la IIIe République. De toute mon existence, je fus sciemment ignorant et me moquais de ceux qui dirigeaient les peuples. De quelle manière aurais-je pu m'en préoccuper ? J'avais évolué dans un milieu inculte, de désolation, très éloigné de la bonne société. Je ne lisais pas et savais juste compter les trois sous que je possédais.

Je ne pouvais pas non plus imaginer qu' à seulement quelques kilomètres de moi, à la Pointe des Poulains, la grande Sarah Bernhardt, au bras de l'un de ses amants exposait un visage radieux au soleil.

Toute cette injustice me désolait, mais au plus profond de mon âme, j'étais certain qu'à l'avenir je serai celui que l'on envie, que l'on n'ose pas montrer du doigt par pure correction. Je me promènerai au bras d'une élégante dissimulant son visage sous l'ombrelle de la réussite.

J'avais survécu à la forte mortalité de cette fin de siècle, battu les fièvres, affronté les rages de dents, évité les microbes insidieux... « Ah que oui, la chance me sourira après le sombre de ces longs hivers ! ».

Encore loin de ce brillant avenir, pour la première fois je laissai choir une larme sur le pavé de la souffrance...
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