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Je ne lis pas le Morizot dans l'ordre. Ce livre est un de ses premier succès, me semble-t-il, et je le découvre après les autres, petit paradoxe !
L'auteur y développe déjà les thèses qu'il reprendra et étayera plus tard dans tous ses ouvrages et articles. La séparation arbitraire entre nature et humanité depuis les premiers temps de la civilisation judéo-chrétienne, jusqu'à aujourd'hui occupe la première place, et représente la première cause de nos problèmes avec le climat aujourd'hui, entre autres...

Baptiste Morizot, bien que philosophe, déploie un langage simple, raconte des expériences personnelles et ne s'appuie pas sur des tonnes de citations ou de références abstraites. Pourtant ses réflexions sont bien appuyés sur des travaux antérieurs et des idées philosophiques réelles, et bien argumentées.

A mon sens, il s'agit d'un très bon équilibre entre les réflexions et les exemples, clair, précis, concret et qui donne des pistes à tout un chacun pour analyser sa pratique de la "nature", du "dehors", et sa relation avec eux.

Un livre qui donne envie de prendre des jumelles et de se planquer dans les bois dans l'attente d'une merveilleuse apparition animale...
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Un livre facile à lire et exigeant en même temps ! Facile à lire parce que Baptiste Morizot emploie un langage simple et donne des exemples très concrets. Il dénonce l'idée trompeuse de nature et son emploi dans le langage courant et cherche des moyens de les remplacer sans recourir pour autant à des néologismes ou des tournures politiquement correctes alambiquées (aller dans la nature devient aller au grand air ou, en reprenant une expression de coureur des bois canadien aller «s'enforester») Il nous embarque avec lui sur les traces du loup sur le plateau de Canjuers dans le Var, de l'ours dans le parc de Yellowstone, de la panthère des neiges au Kirghiztan, nous entraîne à la recherche de leurs traces, ce qui implique de penser comme l'animal, de se mettre à sa hauteur, quasiment à sa place pour appréhender l'environnement avec les mêmes contraintes que l'animal. Et Baptiste Morizot est un excellent conteur, nous ressentons avec lui toutes les émotions du pisteur et qui plus est, il a une belle plume, parfois presque poétique. Ce livre est aussi exigeant car tous ces récits sont au service d'une réflexion philosophique sur les rapports entre hommes et animaux, sur ce sur quoi repose notre difficulté à nous percevoir comme animal et ce qu'elle implique. Après cette lecture difficile de ne pas avoir l'oeil un peu plus aux aguets lors d'une sortie «au grand air» !
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Philosophe et pisteur d'animaux sauvages, la carte d'identité de Baptiste Morizot est plutôt originale !
Il a su lier ses deux passions : philosopher c'est à dire raisonner, argumenter pour répondre aux problèmes posés par l'existence, et pister," voir l'invisible" en suivant les traces des vivants non humains " Pister, ici, c'est décrypter et interpréter traces et empreintes, pour reconstituer des perspectives animales : enquêter sur ce monde d'indices qui révèlent les habitudes de la faune, sa manière d'habiter parmi nous, entrelacée aux autres." (p 21)
Une des questions les plus importantes auxquelles l'auteur tente ici de répondre est : comment faire monde commun avec eux ?
Quelle jolie et intéressante formule !

Et ce qu'il nous livre de ses réflexions est fascinant ; le langage utilisé déjà interroge souvent le lecteur, comme "s'enforester" par exemple, B. Morizot est toujours très précis dans le choix des mots qu'il emploie. La description des heures d'affût ou de promenades qui permettent de se mêler à la nature, le fait de scruter tout près ou bien très loin qui nous fait devenir "animal" sont exposés d'une manière qui nous amène, nous les lecteurs, à réfléchir différemment de d'habitude...

Tout au long du récit, nous pénétrons dans les souvenirs et les expériences du narrateur : les rencontres avec le loup, Canis lupus, sur le plateau de Canjuers (Var), les ours dans les forêts du parc de Yellowstone, et la panthère des neiges au Kirghizistan.
Pister ne permet pas toujours de voir l'animal suivi, est-ce si ennuyeux ? " C'est le jour du départ. La panthère de chair est restée invisible sur les crêtes. Mais nous l'avons sous la peau désormais,... Et puis à force de la chercher depuis l'intérieur de son point de vue sur le monde, nous avons fini par la connaître..." (p 111)

Entremêlant récit de pistage et réflexion philosophique, l'auteur met l'accent sur la peur qui peut surgir à tout moment - quelle leçon en tirer ? -, n'oublie pas de citer le sens de signes amérindiens, décortique le lien entre mobilité et intelligence et bien d'autres notions absolument passionnantes comme celle de savoir comment et pourquoi l'homme s'est extrait du monde vivant et s'est placé en position dominante... Alors évidemment mythes fondateurs et religions sont évoqués, nous ne sommes pas, nous les humains, de la "biomasse"...

Baptiste Morizot a un réel don d'écrivain, il sait recréér le monde perçu " Un seul ours invisible transforme toute une chaîne de montagnes, il la recouvre d'un autre éclat. Il donne du relief à chaque buisson, qui a désormais un derrière caché. il creuse une autre profondeur dans les taillis, qui retrouvent leur dimension d'habitats. Il empêche que la nature ne devienne l'arrière-plan d'un selfie..." (p 71)
Il a écrit un livre magnifique et captivant, qui donne une toute autre dimension à notre lien au vivant et nous permet de prendre du recul sur notre rapport à l'ensemble de la nature ; mais surtout il nous met "à la place de" l'animal sauvage, nous fait comprendre son comportement, nous aide à savoir plus et mieux.
" le pistage revient à emprunter de temps en temps,...le corps d'un autre animal qui est une perspective configurant le monde autour." (p 134)

Lien : https://www.les2bouquineuses..
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Baptiste Morizot est un jeune philosophe, spécialisé dans ce qu'on peut encore appeler les sciences naturelles. Il développe, au fil de ses ouvrages, une nouvelle façon de penser notre relation au vivant.

Il constate, comme Bruno Latour, que notre approche moderne du vivant s'est progressivement désincarnée au fil de l'évolution scientifique. Dans notre tentative d'expliquer le monde par la Raison, nous avons pensé la Nature comme une mécanique froide et désincarnée relevant d'interactions chimiques automatisées.

Cette vision déformée ne nous permet plus de vivre en harmonie avec notre environnement et déclenche même des conflits avec les animaux. le triste résultat de cette situation est l'extinction massive de bien des espèces.

Avec « Sur la piste animale », Baptiste Morizot nous emmène pister loups, ours et panthères. Tel un trappeur du Grand Nord, il furète sur les sentiers à la recherche des traces laissées par ces grands prédateurs. Il partage ainsi avec nous son « enforestement », renouant progressivement avec son animalité. Car pour pister, le trappeur doit apprendre à penser comme l'animal, il doit se mettre à hauteur, appréhender son environnement avec les contraintes qui sont les siennes. Ce faisant, il reprend contact avec le vivant, rentre en empathie.

Tirant les enseignements du réel savoir scientifique apporté par ce changement d'analyse du terrain, Morizot se place dans la position de l'ambassadeur qui va tenter de renouer le dialogue humain-animal rompu par la modernité.

Plutôt que de rentrer dans le spécisme, il nous invite à chausser de nouvelles lunettes. Par son action de diplomate, il propose de mieux comprendre les comportements animaux en se mettant à hauteur, jusqu'à la mise en danger de soi !

Car c'est ce qui captivera le plus dans cet ouvrage. Doué d'un talent d'écriture certain, Morizot nous fait ressentir physiquement sa peur, sa fascination face à l'ours lorsque le pisteur devient pisté.
Son écriture est sensuelle, incarnée. Dans sa recherche de la panthère des neiges, il sera moins poète que Sylvain Tesson lors de sa quête de la belle kirghize mais beaucoup plus captivant et didactique.

Après la lecture de ce court et passionnant essai, je vous parie que, comme moi, vous ne vous promènerez plus de la même façon sur vos sentiers favoris, je vous le garantis.
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Baptiste Morizot apprend à vivre "dehors" " au grand air" à "s'enforester" à pister l'animal pour en comprendre le mode de vie. Sa quête l'amène à penser comme le prédateur, à se déplacer même dans le corps de l'autre qu'il soit loup, panthère, ours ou ... lombric. Sa réflexion, ses expériences, relatées simplement, visent à transformer notre relation aux autres êtres vivants , replaçant l'homme dans son milieu naturel.
Très intéressant, à lire alors que les changements climatiques nous interrogent sur la responsabilité des sociétés humaines sur la destruction de l'environnement.
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Baptiste Morizot philosophe en marchant, ou plutôt en pistant, hors des sentiers battus évidemment.
A la suite de Philippe Descola, et comme ses camarades Vinciane Despret ou Nastassja Martin, il interroge nos relations au vivant, et particulièrement avec les animaux.
Pour ce faire, comme il dit, il s'enforeste, explorant et se laissant investir par le vivant autre qu'humain.
Nous le suivons (et c'est jubilatoire car son écriture est immersive) sur la piste de l'ours, puis du loup, puis de la panthère des neiges. En observant les traces, en tentant de les suivre, en les interprétant, Baptiste Morizot finit par "voir" comme l'animal qu'il piste. Sa connaissance est sensible, mais elle sollicite aussi de solides réflexions, avec une démarche hypothético-déductive et des hypothèses, qui se vérifient sur le terrain, ou pas.
A le lire, on ressent très bien son plaisir de la traque qui apparaît même plus fort que celui de la trouvaille.
Ses expériences de terrain lui font poser une relation entre l'activité de pister et le développement de notre type d'intelligence.
Oublier notre prétendue supériorité, nouer des relations avec ceux qui partagent notre planète, bref changer de perspective pour tenter d'en adopter d'autres, se décentrer, développer son attention et son empathie, quel riche programme! Je vais m'y essayer...
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L'auteur, maitre de conférence en philosophie, s'appuie sur ses expériences de terrain de pistage pour alimenter sa réflexion sur la relation entre êtres humains et autres vivants. Partant du principe que nul n'existe sans laisser de trace, et qu'il suffit de se pencher pour voir celles des animaux avec qui nous partageons justement notre environnement, l'auteur nous rappelle que l'homme n'est pas seul dans le monde. Ebréchant le tabou qui fonde de nombreuses sociétés, celui de l'homme qui est aussi une matière mangeable, l'auteur nous invite à faire l'expérience du cycle de la matière non pas en trek à l'autre bout du monde, mais dans nos jardins, avec les lombrics de nos composteurs.
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Acheté en août lors d'une déambulation avec une amie (la Blonde pour me souvenir) dans les nouveaux locaux de la librairie Les mots Passants et lu en septembre 2022.
J'avais découvert Baptiste Morizot avec Manières d'être vivants qui a déjà obtenu la rare note de 5 étoiles dans ma liste. Je ne peux que récidiver.
Lire Sur la piste animale fut un ravissement, un dépaysement total et un retour au plus profond de moi -même.
Baptiste Morizot commence par la rencontre entre l'homme (l'auteur en personne) et le loup, aujourd'hui dans un milieu anthropisé, (le camp militaire de Canjuers) pour remonter jusqu'aux premières rencontres entre sapiens et l'animal, plus loin encore jusqu'à l'époque où nous ne formions qu'un seul être que l'évolution et les hasards ont ensuite séparés pour faire de nous ce que nous sommes, (des animaux pourvus d'une certaine forme d'intelligence) et de canis lupus ce qu'il est (un animal doté d'un flair puissant, d'un esprit social, d'une endurance puissante et de la vision nocturne).
De la France au fin fond du Kirghizistan en passant par les étendues escarpées et sauvages du Yellowstone, Baptiste Morizot piste spéculativement et philosophiquement, l'animal hors de lui et l'animal en lui.
Que nous reste-t-il de la patience de la panthère lorsque nous pistons la panthère sans la voir ?
Quelle densité la présence du grizzly éveille-t-elle dans les paysages américains ? Et notre peur de devenir à notre tour la proie ? D'où vient-elle ? Que dit-elle de nous, de notre rapport au monde, de ce que nous avons oublié en chemin ?
Baptiste Morizot en philosophe enforesté analyse notre rapport au monde, à la nature que nous avons séparée de nous.
Sur la piste animale m'a semblé aussi un traité sur la piste humaine (finalement c'est normal nous sommes des vivants parmi les autres).
En quoi notre passé de chasseurs cueilleurs pistant un être invisible à travers un réseau complexe de traces et de comportement a-t-il fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui ?
Einstein, Newton, Mozart, Michelange sont les descendants des pisteurs et l'analyse, la démarche scientifique, l'art et l'empathie sont peut-être juste issus de notre capacité à déchiffrer des empreintes d'herbivore dans la boue ou à imiter le comportement social et prédateur des meutes de loups pour nous nourrir et survivre.
Oui nous sommes des vivants parmi les autres, mais qu'en ferons-nous ?
Bravo Monsieur Morizot replonger aux origines de l'intelligence nous remet à notre place. Puissions-nous la garder à sa juste mesure.
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La Terre au grand air.
La réflexion nourrie par la pratique du pistage de l'enseignant-chercheur Baptiste Morizot est placée dès le préambule sous le parrainage intellectuel du grand anthropologue français Philippe Descola, connu pour ses travaux sur le rapport nature/culture dans les sociétés tribales amazoniennes. Rien d'abscons cependant car si le ton est donné, le style de l'auteur coule de source. Les phrases sont déliées, rythmées, scandées, chargées de sens. Les descriptions des paysages traversés, pour brèves qu'elles soient, sont pour le moins évocatrices, lestées de sensations et poétiques, dans le sens plein du terme. D'emblée, le propos est pertinent, incisif, essentiel. le lecteur se dit qu'enfin une voix claire émerge du désert mental où erre notre civilisation déboussolée, coupée de ses liens nourriciers avec la nature, le « dehors » qu'il faudra bien réinvestir autrement sous peine de se perdre définitivement : « Pourquoi ne pas tenter de bricoler une cosmologie plus aimable… en tissant ensemble pratiques, sensibilité et idées ». Ni idéologique ni utopiste, la réflexion personnelle est constamment enrichie par des observations de terrain. On est donc loin d'un système de pensée dogmatique collé artificiellement sur le vivant mais bien plus proche d'un questionnement existentiel somme toute vertigineux et bouleversant pour peu qu'on s'y penche un peu.
En introduction, l'auteur cherche à dénommer l'acte d'aller dans la nature, le dehors, le bush, le grand air et finalement opter pour un terme de coureurs des bois canadiens du XVIIIe siècle, « s'enforester » : « Que celui qui se laisse enforester… rentre un peu différent de son voyage garou : en sang-mêlé, à cheval entre deux mondes. Ni avili ni purifié, juste autre et capable de voyager un peu entre les mondes et de les faire communiquer, pour travailler à mettre en oeuvre un monde commun ». le premier chapitre est consacré à la rencontre du loup et c'est passionnant à suivre. le loup devient un homme pour l'homme quand les regards se croisent et se dévisagent. Dans le chapitre suivant, la confrontation avec l'ours américain sera l'occasion de se repenser en tant que proie, « viande » dira l'auteur : « un humain est parfois moins digne d'intérêt qu'une souche ». L'ours, omnipotent dans son milieu naturel, peut : « nous restituer notre statut écologique de vivant parmi les vivants, pris dans la grande circulation de l'énergie solaire… ». le 3e chapitre amène au Kirghizistan, dans la réserve naturelle du lac Song Kul et à l'exemple de la panthère des neiges emblématique des lieux, l'auteur apprend la « patience désirante ». Les chapitres suivants vont reprendre les réflexions nourries par l'observation in situ et les étoffer avec un souci constant de clarté et de didactisme.
Une intelligence diplomatique et empathique est nécessaire pour approcher le vivant dans son altérité, les paumes ouvertes mais les sens aux aguets, la peur transcendée et la pensée ouverte, tout un apprentissage autre, davantage chamanique et animiste que rationnel et judéo-chrétien. Il s'agira de « composer des habitats partagés » afin que la cohabitation avec la nature soit possible. Ces récits de pistage où les observations de terrain côtoient des réflexions essentielles ouvrent des voies enthousiasmantes pour approcher avec respect et griserie la nature, déchiffrable en partie quand la patience, l'art et les connaissances naturalistes s'ajustent. Progressivement, l'auteur décentre son questionnement du pistage et l'élargit vers notre animalité fondatrice, sédimentée, des « matrices comportementales » partagées par d'autres animaux et depuis détournées, enfouies mais promptes à surgir quand l'environnement les stimulent. En partageant nos espaces, on enrichit considérablement nos existences.
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J'ai souvent du mal avec les écrits documentaires ou les essais, pourtant ça m'intéresse beaucoup (du moins les sujets que je choisis). C'est peut-être parce que je lis principalement dans des moments de détente et que ces ouvrages me font trop cogiter (dis comme ça j'ai l'impression que je suis bête)...
Bon ce n'est pas le sujet ici, j'ai un ami qui est un "fervent adepte" (si je vous assure à ce niveau-là on peut dire adepte) de Baptiste Morizot. A force de discuter avec lui je me suis dit que fallait que je m'y plonge.
Et j'ai adoré, c'est facile à lire, avec un appui d'exemples concrets vécu par l'auteur. Et surtout ça met des mots clairs sur des ressentis, mieux que ça, ça les approfondi et ouvre de nouveau rapport avec l'animal.
C'est ouvrage salutaire pour notre rapport au vivant ! (Est-ce que je ne suis pas en train de devenir "adepte" ?)
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