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Pecola est la soeur de Célie, rêveuse et grave; on a envie de la prendre dans ses bras ou lui chatouiller les pieds.
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Le bruit et la fureur... Nous sommes dans les années 40, dans les Etats-Unis ségrégationnistes. le destin d'une petite fille noire nous confronte aux horreurs de la pauvreté, des ravages de l'alcoolisme et de la violence. L'oeil le plus bleu est paru en 1970. Il s'agit du premier roman de Toni Morrison, qui recevra le Prix Nobel de Littérature en 1993 pour l'ensemble de son oeuvre.

L'oeil le plus bleu est un roman d'autant plus frappant qu'il est court. Cela rend chaque mot précieux, chaque action marquante, chaque personnage important. Toni Morrison assène à son écriture un phrasé précis et minutieux, insufflant à son oeuvre une forme de cruauté ordinaire dans ces mots qui exposent les maux d'une société gangrenée par la pauvreté. le texte ne nous épargne pas les détails sordides ou choquants, sans pourtant jamais tomber dans la vulgarité mais restant dans un réalisme froid et révoltant.

Pour soutenir son propos, Toni Morrison construit une galerie de personnages qui évoque chacun à leur manière la douleur de la discrimination et les ravages de la pauvreté. Alcoolisme, violence, mais aussi invisibilisation des noirs dans une société où l'idéal de la beauté est, dans les premières pages c'est remarquablement décrit, blanche, blonde et aux yeux bleus.

Au centre de l'histoire, nous avons Pecola. Pecola est laide. Née dans une famille en décomposition, elle n'a connu que la violence. Insignifiante et méprisée de tous, son rêve est d'avoir les yeux bleus. Afin qu'elle soit belle. Mieux que cela. Afin qu'elle soit vue, qu'elle soit regardée. Son histoire est tragique et poignante, le dénouement, sordide et cruel.

De plus, l'autrice choisit de placer son récit d'après plusieurs points de vue. le procédé offre donc une vision très vastes de ce que la communauté noire a pu subir. J'ai cependant trouvé que le défaut du récit s'y cachait. Il y a des passages d'un point de vue à l'autre qui ne se font pas de manière naturelle. On perd un peu le point central du roman, et c'est dommage.

Toni Morrison aborde la question de l'identité noire avec intelligence. Elle montre avec efficacité la façon dont les Noirs assimilaient les violences assénées par la société blanche. La famille de Pecola, par exemple, s'estimait laide non pas car ce fut vrai, mais car on lui laissait le penser. Elle portait alors sa laideur comme un costume. de la même façon, Pecola elle-même idéalise la jeune actrice Shirley Temple, souhaitant lui ressembler (Shirley Temple était une actrice aux boucles très blondes). Enfin, les métis sont mieux vus que les noirs, étant constamment affirmés comme moins intelligents. L'internalisation des violences et des valeurs de la classe dominante est un procédé remarquablement retranscrit par l'autrice.

Le cas des femmes est particulièrement symptomatique. Toni Morrison construit une hiérarchie violente du mépris. Les femmes noires sont en bas, avec les enfants noirs. Victimes à la fois de leur sexe, mais aussi de leur couleur de peau.

L'oeil le plus bleu est donc un roman court mais remarquable et viscéral. Profond et bien mené, il laisse un goût âcre dans la gorge une fois fini. Si le récit dévie un peu par moment, la plume de Toni Morrison possède la profondeur et la richesse pour faire passer des messages puissants et nous marquer au fer rouge. le tout en abordant un nombre de problématiques tout à fait étonnante pour un récit si court.

Lien : https://lageekosophe.com/
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Pourquoi ne l'ai-je pas lu plus tôt ?
Comment ai-je bien pu me débrouiller pour découvrir si tard une telle auteure ?

Au travers de destin de trois fillettes noires, dans l'Ohio des années 40, j'ai découvert l'écriture sensible, engagée et audacieuse de Toni Morrison.
Il s'agit là de son premier roman, qui, au prisme du regard de ces trois enfants, porte sur les conditions de vie des afro-américains, sur la conditions des femmes noires, sur la violence exercée par la société jusqu'au sein de la cellule familiale.

C'est un roman sans concession sur l'innocence perdue, troublant à l'extrême car l'enfance, décrite le temps d'une année à quatre saisons, est comme fatidiquement liée à la violence. Il est difficilement soutenable de lire cette association, mais pour autant la plume de Toni Morrison n'est jamais accusatrice ou emplie de pathos. Elle dénonce ainsi l'injustice, la misère, les normes sociales de l'époque ; elle souligne les conditions de vie de ces enfants abandonnés à eux-même, en manque de repères et de soutiens parentaux. Mais elle s'attache également à raconter l'enfance de ces adultes perdus, ce qu'ils ont eux-mêmes subis et l'engrenage de la reproduction de la violence.

Derrière la résignation des uns et des autres face à leur destin, il y a Claudia, cette petite fille chez qui on sent naitre le refus d'un avenir prédéterminé. Elle n'aime pas plus les poupées blondes que Shirley Temple. La destinée funeste de son amie Pecola sèmera en elle les graines d'une contestation de l'ordre établi, une lueur d'espoir dans un univers bien sombre.

Un livre-révélation
l'absence de parentalité
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Un roman poignant, difficile, sombre constat de l'Amérique des années 40, mais qui manquait à mon goût d'une petite touche d'émotion. À découvrir malgré tout.
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Cette lecture fût un peu déconcertante dans sa composition. On passe de personnage en personnage de façon pas très linéaire ... le fils conducteur reste cette jeune enfant Pecola. Cette enfant qui n'a rien pour elle, la pauvre, et qui pense qu'avoir les yeux bleus changerait sa vie.

J'ai retrouvé l'écriture âpre de Toni Morisson, cette écriture qui colle si bien à la dure réalité de bien des hommes et des femmes de ce roman.

J'ai lu en novembre 2012 Home


Le malaise est bien là, le malaise de ces vies malmenées par cette misère poisseuse et obsédante.

Et l'écriture de Toni Morisson sur la vie la mort, si juste !
Et ce drame, cet inceste si dérangeant, mis en mots de façon exceptionnelle. On est là, on assiste impuissant à l'ignominie...


Dérangeant, heurtant,
un livre choc qui cogne là où sa fait mal !
Une lecture coup de poing !
A lire avec des yeux bleus, gris, verts, marrons !

Lien : https://imagimots.blogspot.c..
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Je ne suis pas habituellement friande de littérature américaine, souvent rebutée par la rudesse et la sécheresse de l'écriture qui en fait l'originalité. Autant dire que ce n'est pas Toni Morrison, que je découvre avec ce livre, qui me fera mentir. C'est pourtant l'un des romans les plus marquants que j'aie eu l'occasion de lire récemment.

Il m'a été conseillé par une amie, qui réfléchit beaucoup sur son identité noire et avait été très marquée par la thématique des yeux bleus, qui donne son titre au livre. Or, l'histoire est en fait construite autour du viol de la petite Pecola, à la description duquel rien ne m'avait préparée (ou plutôt que je n'avais pas envie de voir venir). En effet, le livre annonce dès les premières pages ce qui va se passer - on sait que Pecola est "enceinte de son père" - et on comprend bien que toute la violence et la sensualité qu'il contient ne sont de que des préfigurations de l'horreur à venir.

La construction peut paraître décousue au premier abord : elle suit de loin en loin l'ordre des saisons, mais saute au gré des digressions d'époque en époque et d'un narrateur à l'autre. Cette complexité est là pour nous faire ressentir les différentes facettes de l'expérience de la communauté noire américaine au milieu du XXe siècle, dans ce qu'elle contient de violence, entre ses propres membres et bien sûr de la part des Blancs et de la société qu'ils dominent, et de sensualité, amoureuse mais aussi plus simple dans le rapport au monde, aux couleurs, et aux Blancs que plusieurs personnages du livre perçoivent comme des idéaux vivants.

Le sentiment qui domine néanmoins à la lecture, parce qu'il habite entièrement la principale narratrice, la petite Claudia, est celui d'une rage contenue mais brûlante. Contenue, car lui donner libre cours serait s'auto-détruire. Brûlante, car alimentée par une multitude d'agressions et d'humiliations. le racisme de la société est traduit tout au long du recit par des attaques directes (insultes, coups) mais aussi et surtout symboliques : les petites filles noires et blanches sont traitées différemment par les adultes étrangers, mais aussi par leur propre famille ; et les Blancs sont seuls présents dans les représentations que la société américaine produit d'elle-même : poupées, cinéma. C'est ce dernier aspect qui est au coeur de l'obsession de Pecola pour les yeux bleus qui la rendraient "jolie", c'est-à-dire plus blanche.

Je ne peux pas vraiment conclure cette critique, car je pense que le livre a encore beaucoup de chemin à faire en moi avant que je puisse identifier ce que j'en ai retiré. En guise d'avis, je me contenterai de dire que malgré sa brièveté il s'agit d'un récit extraordinairement riche, mais dont la lecture est très, très difficile émotionnellement. Je ne veux pas le déconseiller car chacun a besoin d'une bonne claque littéraire de temps en temps, et celle-ci résonne longtemps après la dernière page, comme toute grande oeuvre artistique.
Prévoyez quand même un réconfort pour après...

N.B : N'ayant pas la prétention de juger définitivement de la qualité littéraire d'une oeuvre, je me contente de marquer quel degré de plaisir j'ai pris à la lecture.
C'est pourquoi, particulièremente sensible à la thématique du viol, j'ai du mal à le noter plus haut dans l'après-coup de ma lecture terminée hier. Pourtant, objectivement, le livre a bien plus de mérite.
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C'est une histoire poignante, marquante: celle d'une fillette noire de douze ans, laide et pauvre, qui rêve d'avoir les yeux bleus, pour qu'enfin on la regarde...

Elle va subir des drames horribles et on a le coeur serré tout au long de ce parcours de vie. Cela ne peut qu'aboutir à une issue fatale. Cette transparence vécue comme une souffrance, cette absence d'existence aux yeux des autres est terrible.

Le récit prend une forme originale, car il est ponctué de phrases leitmotiv qui débutent chaque chapitre, les lettres étant imbriquées les unes dans les autres, à tel point qu'on ne sait plus le sens de la phrase complète. Cela mime la folie progressive du personnage, de même que le dialogue final où Pecola converse avec son double.

D'autre part, le roman présente un deuxième point de vue, celui d'une autre fillette noire, qui a eu plus de chance qu'elle, témoin indirect de ses drames, mais témoin indifférent parfois...

Un livre violent, touchant.Cette fois encore, l'auteure percute nos coeurs.
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Nous sommes dans l'Ohio des années 40 et nous allons suivre trois petites filles d'une dizaine d'années : Frieda et sa soeur Claudia, deux petites métisses, et Pecola, une enfant noire qui adore Shirley Temple et n'a qu'une envie, c'est d'avoir les yeux bleus. Nous sommes à une époque où les personnes noires sont très mal considérées et où elles sont mises à l'écart, parquées presque, dans des quartiers.

Toni Morrison est une autrice dont j'ai entendu parler à plusieurs occasion, et j'ai enfin pu la découvrir grâce à la lecture du club littéraire féministe Une chambre à nous. L'écriture est déroutante, c'est assez décousu, si bien que je me suis un peu perdue à certains moments, ne comprenant pas bien ce qui se passait. Mais au fur et à mesure de ma lecture, j'ai fini par faire les liens entre les différents personnages et choses évoquées.

C'est un roman qui parle du racisme - toujours aussi présent aujourd'hui, notons-le - que nous, personnes blanches, n'avons pas à subir. Il me semble donc très important de le comprendre, de le connaître, c'est probablement le meilleur moyen de le combattre... Mais c'était parfois très dur. Les propos tenus par des protagonistes étaient choquants (le n-word, bien évidemment, mais pas uniquement) mais reflètent bien l'Amérique des années 40.

Il y a des sujets difficiles abordés dans le livre, tels que le viol, les attouchement sur enfant, la violence conjugale... mais ce sont aussi des choses qui font la force du livre. C'est poignant, et l'écriture de Toni Morrison est brutale.

J'ai beaucoup aimé le fait qu'on parle du racisme intégré par les personnes noires, celles qui en viennent à détester leur propre couleur de peau, à se détester... C'est d'autant plus frappant que nous en avons une démonstration avec une fillette, Pecola. C'est un personnage qui vit également le sexisme, et ce malgré son jeune âge. Elle est rabaissée et ignorée parce que considérée comme "laide" par la société.

C'était une lecture un peu surprenante parce que j'en attendais autre chose et que le style est assez particulier, mais j'ai apprécié cette découverte.
Lien : http://anais-lemillefeuilles..
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Continuant ma percée dans l'oeuvre de Toni Morrison, voici le tour de L'oeil le plus bleu, un court roman, dur et à la fois très humain.
Dans le quartier où vivent les différents personnages, la pauvreté et ses enfants, le désespoir, l'alcoolisme, le découragement...Charmant tableau me direz-vous!
Ce que j'ai le plus aimé c'est la façon dont c'est construit. On découvre par exemple la mère de Percola dans les yeux de Claudia et Frieda, les camarades d'école de sa fille, puis on revient sur la jeunesse de cette femme et ses désillusions dans la partie suivante, et cela éclaire son portrait d'un jour nouveau...
Un très bon roman d'une grande dame des lettres, pas celui que je préfère d'elle mais tout de même à mettre entre toutes les mains!
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Si elle avait de jolis yeux bleus, Pecola est persuadée que ses parents ne se battraient plus et qu'elle serait plus heureuse. « Une petite fille noire qui brûle d'avoir les yeux bleus d'une petite fille blanche, et l'horreur au coeur de son destin n'a d'égal que le mal de son accomplissement. » (p. 141) Pauvre Pecola, son rêve reste inaccompli et sa jeune existence est marquée par l'indicible. Claudia, dont les parents ont un temps hébergé la gamine, raconte cette histoire où violence et résignation se mêlent étroitement, tristement, inévitablement. « Les insultes faisaient partie des ennuis de l'existence. » (p. 108) Dans la rue et à l'école, les petites filles noires admirent les jolies métisses à la peau claire et aux cheveux souples, comme si la beauté donnait la seule place valable dans l'échelle sociale. Et pourtant, elles sont encore si jeunes, toutes ces mômes. Elles comprennent si peu les jeux plus ou moins sages des adultes. Mais elles pressentent que quand elles comprendront, l'innocence sera perdue. « Que nous manquait-il ? Pourquoi était-ce si important ? Et alors ? Franches et dépourvues de vanité, nous nous aimions encore. Nous nous sentions bien dans notre peau, ce que nos sens nous faisaient découvrir nous réjouissait, nous admirions notre crasse, nous cultivions nos cicatrices, et nous ne pouvions comprendre cette indignité. » (p. 52 & 53)

Différentes voix et différentes histoires constituent le premier roman de Toni Morrison qui, en substance, contient tous les thèmes et toute la force de ses futurs écrits. « de nouveau la haine mêlée à la tendresse. La haine l'empêchée de la relever, la tendresse l'a obligée à la couvrir. » (p. 115) Entre sordide et sublime, on trouve le viol, l'inceste, la pédophilie, l'identité, la solitude et les mille façons de souffrir que connaissent les pauvres et les oubliés. Pecola est une figure sacrificielle bouleversante, agneau noir et boiteux immolé en vain. « Nous étions si beaux quand nous avions chevauché sa laideur. Sa simplicité nous décorait, ses remords nous sanctifiait, grâce à sa douleur nous rayonnions de santé, grâce à sa maladresse nous pensions avoir le sens de l'humour. Son défaut de prononciation nous faisait croire à notre éloquence. Sa pauvreté nous rendait généreux. Nous utilisions même ses rêves éveillés pour imposer le silence à nos cauchemars. » (p. 142) L'oeil le plus bleu est une élégie troublante, presque l'éloge funèbre des rêves perdus de toutes les petites filles.
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