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EAN : 9782264021052
192 pages
10-18 (19/02/1993)
3.78/5   354 notes
Résumé :
Au cœur de l'Amérique profonde, deux petites filles noires s'inventent une autre vie, plus riche, plus drôle, plus libre surtout que la dure réalité qui les entoure.
L'âge venant, Sula la rebelle part rouler sa bosse dans les grandes villes alors que Nel, la sage, accomplit sa vocation de mère et d'épouse.
Quarante ans après, elles font leurs comptes, s'opposent et incarnent chacune à sa manière la farouche énergie de la femme noire face aux hommes si... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (50) Voir plus Ajouter une critique
3,78

sur 354 notes
Dans l'Ohio dans les années 1920, les noirs ne sont plus esclaves, mais leur sort est-il meilleur ? Les femmes noires ne sont pas des objets, mais sont-elles mieux traitées ? Face à cela, l'indifférence des blancs, un peu de charité, mais aucun sentiment d'injustice.
C'est un roman très dur qui décrit la survie des noirs dans le chômage, la faim, le froid, la détresse des mères noires presque toujours abandonnées sans ressources quand viennent les enfants. Et pourtant, des amours naissent, et une très profonde amitié entre deux fillettes. Cette amitié durera-t-elle, résistera-t-elle au passage de nombreuses années, aux événements les plus durs, aux remords et à la liberté qu'une seule acquerra ?
Toni Morrison raconte des drames atroces et m'a bouleversé sans avoir l'air d'y toucher ; les faits sont narrés sans commentaire, comme si tout était naturel. Cette communauté survit de justesse, presque sans se plaindre, l'amélioration n'interviendra qu'après 1960.
La première partie m'a paru difficile, je m'embrouillais dans les noms de tous ces personnages, avant que les deux familles ne se rencontrent. Mais j'avais enregistré malgré moi ces histoires familiales lourdes et complexes, assez pour être frappé par leurs suites. La construction est implacable (mais invisible : quel art), l'auteure nous tient jusqu'à la fin dans un récit qui semble logique, bien que rempli de surprises jusqu'à une conclusion bouleversante d'amitié et de douleur qui donne envie de reprendre aussitôt le début du récit.
C'est ma troisième lecture de Toni Morrison, ma troisième admiration, mais que ce monde est dur. Et comment les américains peuvent-ils supporter qu'on leur montre ainsi ce qu'ont fait leurs pères ?
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Sula est le deuxième roman qu'a écrit Toni Morrison. C'est le plus court, mais aussi le plus dense ! (et pour lequel il ne va pas être facile de rédiger une critique...)
Complexe et très représentatif de l'oeuvre de Toni Morrison, dans la mesure où tous les thèmes qu'elle développera dans ces romans à venir sont dans Sula. Bien sûr, il y a aussi l'aspect "oral" de son écriture - qui peut aussi compliquer la lecture de Sula.

En ce qui me concerne, cette histoire m'a passionnée, mais je dois avouer que c'est parce que j'en avais lu d'autres avant. Et, au moment où je l'ai lu, j'avais toutes les clés nécessaires en main pour comprendre et apprécier Sula. En effet, pour ceux qui ne sont pas familiers de la Bible, la littérature afro-américaine, des "mythes" sur les noirs véhiculés par les blancs, l'histoire américaine, et plus particulièrement de l'histoire de la communauté afro-américaine.... Passez à un autre roman !

Une fois qu'on a le "bagage requis" et qu'on se met à l'esprit qu'il faut à tout prix éviter les points de vue trop manichéen : on est prêt !

Contrairement à ce que laisse penser le titre, Sula n'est pas le personnage principal - pour preuve, elle n'apparaît ni dans le premier ni dans le dernier chapitre. C'est la communauté - the Bottom - qui est au coeur du roman, le point duquel tout part et où tout s'achève.

Si l'on se tourne vers les êtres humains, Toni Morrison met une fois de plus en avant les Afro-Américains et plus particulièrement les femmes. Tous luttent pour exister. Exister au sein de la communauté, malgré les Bancs qui les rejettent mais aussi pour eux-mêmes. Tous les personnages sont traumatisés, que ce soit par leur héritage d'esclaves, la guerre ou les normes "des blancs" dans lesquels ils ne se reconnaissent pas. L'auteur dénonce de façon très vigoureuse l'idéal de l'amour romantique (un dogme de la classe moyenne blanche) et la politique américaine.

Les relations entre les personnages ne sont que passionnées. Il n'y a pas de relation "normale" si on peut dire. L'amour et le sens du sacrifice des femmes amènent certaines à tuer leurs enfants, par exemple. Et beaucoup de femmes se perdent dans leurs relations avec les hommes - la sexualité tient une part très importante dans le récit. La relation la plus équilibrée reste celle entre Sula et Nel, qui illustrent la définition qu'a donné Lord Byron de l'amitié - " two souls dwelling in two bodies".

Un roman d'une grande richesse qui ne peut pas être abordé comme un roman de gare !
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Medallion est une petite ville tout en haut d'une colline, peu à peu construite par les Noirs. L'histoire raconte qu'un esclave fraîchement affranchi avait reçu ce lopin de terre grillé par le soleil par son dernier maître, celui-ci se gardant, évidemment, les terres riches et ombragées. Au fil des ans, une communauté s'est installée autour de cet ancien esclave, et Medallion est née.
A Medallion, il y a ceux qui reviennent traumatisés de la guerre en Europe et qui ne s'en remettront jamais, il y a bien sûr les descendants d'esclaves et quelques Noirs canadiens qui n'auraient jamais connu l'oppression. Des femmes qui surveillent leurs hommes, oisifs, car il n'y a pas de travail pour eux, les Blancs préférant faire venir des cohortes d'immigrés plutôt que de les employer eux. Il y a, enfin, une vieille estropiée, Eva, ses enfants, et sa petite-fille Sula. Je ne sais pas quoi penser de Sula. Ni des autres personnages d'ailleurs. Refusant tout manichéisme, Toni Morrison en vient à me perdre quant à leurs motivations et le sens de leurs traumatismes.
Je me suis davantage plu au coeur de cette communauté en tant que telle et ce réalisme magique qui l'entoure.
Ce roman, si je ne m'abuse, est son deuxième, publié trois ans après L'Oeil le plus bleu. Comme ses romans en général, il est plutôt sombre et peut mettre mal-à-l'aise. Ce n'a pas été un coup de coeur.
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Un roman difficile à raconter tant il est flamboyant. Nel et Sula sont amies depuis l'enfance dans une Amérique profonde des années 20. Elles vivent dans un quartier de relégation où la boue et le froid rendent le quotidien difficile.
Nel est issue d'une famille traditionnelle, ordre et propreté sont la règle, la mère faisant régner la terreur sur la maisonnée. La maison de Sula est ouverte aux quatre vents, accueille les pauvres et les orphelins sous la direction d'une grand-mère unijambiste, figure excentrique du Fond.
Liées par une relation fusionnelle, elles partagent des expériences – pas toutes plaisantes – des rires, des glaces et des désirs :
« Comme chacune avait compris depuis longtemps qu'elle n'était ni blanche ni mâle, que toute liberté et tout triomphe leur étaient interdits, elles avaient entrepris de créer autre chose qu'elles puissent devenir. ».
Toni Morrison fait s'étendre l'histoire des fillettes de 1920 à 1965. On assiste ainsi à leur entrée dans l'âge adulte et à l'évolution de leur relation, bien loin des rêves qu'elles pouvaient nourrir. On aime Sula pour sa liberté, sa candeur et sa profondeur, son goût pour le plaisir. On a de la tendresse pour Nel qui s'échine à mener une vie conforme aux enseignements de sa mère.
C'est aussi l'occasion pour l'auteur d'évoquer la condition des afro-américains et la place qui leur est faite dans une société où la ségrégation fait loi. Un roman comme une fable cruelle, c'est poétique, tragique, violent. Que dire du style de Toni Morrison sinon qu'il est coloré, qu'il crée un univers particulier dans lequel les dialogues permettent aux personnages de s'incarner et les descriptions de nous faire voyager, éprouver la chaleur ou sentir les odeurs ?
Un très beau roman dont j'ai relu plusieurs fois les dernières pages pour ne pas perdre de la subtilité du message délivré.

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Fille de. Femme de personne. Filiation. Héritage, mémoire, transmission. Amitié, solidarité, communauté. Amérique : 1919. 1965. Ohio. Midwest des États-Unis. Racisme, ségrégation, ostracisme, traumatisme. Toni Morisson tisse. Tisse des liens. Tout s'enchaîne, se tient. Tout se déchaîne, se relie. Toni Morrison tisse, peint, sculpte. Matière brute. de l'humain. Elle donne vie, et donne parole. Aux femmes, à la communauté des femmes du Fond, cette communauté vivant sur les collines, au dessus du monde des blancs, au dessus de la communauté de ceux de la vallée. Aux femmes, aux enfants , aux hommes. A une communauté, mais surtout à des individualités. Des parties devant intégrer bon gré et le plus souvent malgré cette communauté. Amour, sexualité, éducation, famille, abandon. Communauté complexe, qui tente de garder l'équilibre entre les forces de son mal et la sauvegarde de son bien.
Mensonge, secret, courage, trahison, humiliation. Tenir, garder l'équilibre, et coûte que coûte survivre. Survivre aux traumatismes, à la violence, au chômage, aux maladies, à la famine, inventer ses propres superstitions, ses propres démons, quitte à désigner à son tour ses boucs émissaires pour tenter de se construire une utopique hiérarchie morale, sociale. Construire un ordre à travers le chaos d'une Amérique dichotomique et névrotique. Toni Morisson désosse, démonte la grande mécanique sociale américaine en remontant le temps subi. Elle s'approche au plus près de l'origine du mal en scrutant le Fond. le fond des coeurs, des âmes, des ventres, des têtes, des fantômes, des silences, et des cris.
Avec Beloved, Sula est encore un très grand roman de Toni Morrison.
« Pourquoi il y a eu tant d'esclaves emmenés de force en Amérique ? Simplement parce qu'il fallait remplacer ceux qui mouraient sous les coups, voilà pourquoi il en fallait toujours plus. Bien sûr ce n'est que par la violence et par la force qu'on peut mettre en place un tel système et je crois qu'il est inscrit dans l'ADN de ce pays et de ses habitants. » Toni Morrison, émission « à Voie Nue », 11/2006.

Astrid Shriqui Garain
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Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Tenant le couteau de la main droite, elle tira l'ardoise vers elle et appuya violemment son index gauche sur le tranchant, d'un geste résolu mais maladroit. Elle ne réussit qu'à trancher le bout du doigt. Les quatre garçons restèrent bouche bée devant la blessure et le bout de chair recroquevillé comme un bébé champignon dans le sang écarlate qui coulait sur le bord de l'ardoise.
Sula leva les yeux. « Si je suis capable de me faire ça, qu'est-ce que vous croyez que je vais vous faire ? » dit-elle d'une voix calme.
Page 64
Commenter  J’apprécie          191
Aucune créature n'était assez impie pour qu'ils veuillent l'anéantir. Tuer leur était facile, sous le coup de la colère, mais pas de façon délibérée, ce qui expliquait pourquoi ils ne pouvaient lyncher qui que ce soit. Agir ainsi eût été non seulement contre nature, mais indigne. La présence du mal était d'abord quelque chose qu'il fallait reconnaître avant de s'en occuper, de lui survivre, de ruser et enfin d'en triompher.
Page 129
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Comme chacune avait compris depuis longtemps qu'elle n'était ni blanche ni mâle, que toute liberté et tout triomphe leur était interdits, elles avaient entrepris de créer autre chose qu'elles puissent devenir.
Page 61
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Sula avait probablement été pétrifiée, comme n'importe qui voyant sa mère brûler vive. Eva acquiesça, mais resta convaincue, au fond d'elle-même, que Sula avait regardé sa mère brûler non parce qu'elle était paralysée, mais parce qu'elle trouvait ça intéressant.
Page 89
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Nel Wright et Sula Peace, minces comme des arêtes et la fesse légère, eurent douze ans en 1922. Nel était couleur de papier de verre mouillé – juste assez foncée pour échapper aux coups des pur-sang noir d’ébène et au mépris des vieilles femmes qui se tracassaient pour des histoires de métissage néfaste et savaient que l’origine d’une mule ou d’un mulâtre était une seule et même chose. À peine plus claire, elle aurait eu besoin d’être protégée par sa mère pour aller à l’école ou d’une bonne dose de hargne pour se défendre elle-même. Sula était marron foncé avec de grands yeux paisibles, dont l’un s’ornait d’une marque de naissance montant du milieu de la paupière vers le sourcil, et dont la forme évoquait une rose avec sa tige. Elle donnait à son visage par ailleurs banal un air de passion brisée, de menace bleu acier, comme la balafre au rasoir d’un homme qui venait parfois jouer aux échecs avec sa grand-mère. Cette marque allait s’assombrir avec les années, mais elle était encore du même ton que ses yeux pailletés d’or, lesquels restèrent jusqu’à la fin aussi calmes et purs que la pluie.
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Vidéo de Toni Morrison
Vendredi 18 septembre 2020 / 9 h 45
Jean Guiloineau part sur les traces des petits cailloux semés par Geneviève Brisac et qui font écho ou référence à l'oeuvre de Virginia Woolf. Lectures par Anne Mulpas, poète, performeuse et artiste multimédia.
Directeur de la revue Siècle 21, Littérature & société. Jean Guiloineau est aussi traducteur : Nelson Mandela, Toni Morrison, Nadine Gordimer, André Brink, etc.
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