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Les livres des éditions Christian Bourgois éditeur sont toujours, pour moi, de superbes découvertes et sources de grands plaisirs littéraires. Cela a encore été le cas pour cette nouvelle de Toni Morrison. Pour les amateurs de proses courtes, c'est une véritable pépite. Une cinquantaine de pages d'une écriture ciselée, où la place de chaque mot a été bien pesée, suivie d'une généreuse et méticuleuse postface de Zadie Smith qui décortique à ce point des citations du texte, qu'on relit presque, une seconde fois la nouvelle.

La narratrice Twyla devenue madame Benson (après le mariage avec James Benson, pompier) et Roberta Fisk (devenue ensuite madame Kenneth Norton) se sont connues à l'âge de 8 ans, au cours d'un séjour de quatre mois dans l'orphelinat de St-Bonny (St-Bonaventure), dans des années 1950, dans l'État de New York. Les dates ne sont pas données de manière explicite dans le texte, mais elle résulte de petits calculs que doit faire le lecteur, aidé ici par une précieuse note de la traductrice (cf. p. 45) concernant la série télévisée « Budy Bunch ».

Dès la première page on sait qu'elles sont « de race[s] tout à fait différente[s ] ». Cependant, ce n'est qu'à la page 30, soit 12 ans plus tard, que les mots noir et blanc sont associés aux deux amies : « Une Noire et une Blanche dans un Howard Johnson sur l'autoroute et qui n'avaient rien à dire ».

C'est Toni Morrsion elle-même, qui résume le mieux son intention littéraire : il s'agit de « l'expérience d'ôter tous les codes raciaux d'un récit concernant deux personnages de races différentes pour qui l'identité raciale est cruciale » (p. 56)

Et Zadie Smith, de nous avertir, à juste titre, que nous sommes, nous lecteurs, les véritables « objets de l'expérience ». Nous mourrons d'envie de savoir laquelle est blanche et laquelle est noire. Mais l'écrivaine géniale ne nous aidera point, au contraire, elle mettra tout en oeuvre pour que nous n'ayons que notre propre perception des choses.

Je dirais quant à moi, que cette lecture transcende la question raciale (« J'ai longtemps essayé de me rassurer au sujet de cette question de race, avant de m'apercevoir que la vérité était déjà là et que Roberta la connaissait », p. 46) pour faire appel à l'humain en nous, pour nous interroger aussi que la mémoire de notre passé. Et quand je dis cela je pense, entre autres détails, au film « Le Magicien d'Oz » (p. 8) que les fillettes ont le droit (si elles ne se bagarrent pas) de voir à l'orphelinat. Twyla se souvient de ce film, certes très populaire, et même du numéro de la chambre (406) mais sa mémoire occulte des détails importants concernant l'incident avec Maggy, celle qui était, selon elle, « couleur de sable ».

Le texte pose entre autres discriminations aussi la question des orphelins puisque « sur cent trente cas pris en charge [au foyer] quatre-vingt-dix avaient moins de douze ans, avec de parents beaux, morts et au ciel. Nous, on était les seules à avoir été abandonnées […] » ou du handicap (Maggy est muette et probablement sourde aussi).

Si, comme l'écrit Santiago Artozqui « d'autres questions sembleraient pourtant plus essentielles à la compréhension des personnages : quand et comment Roberta a-t-elle appris à lire ? Comment cette enfant abandonnée se retrouve-t-elle aujourd'hui en limousine avec chauffeur ? Mais on a beau faire, la question qui revient, lancinante, demeure la même : qui est blanche et qui est noire ? Sommes-nous donc tous tellement endoctrinés par une culture soulignant les différences de couleur de peau que nous ne puissions envisager le monde sans lui appliquer cette grille de lecture ? C'est ce qui semble ressortir des pages de Récitatif. »

Je voudrais rassurer les lecteurs, cela n'est nullement frustrant de ne pas « apprendre » par la plume de Toni Morrison, la couleur de peau de Twyla et Roberta. Au contraire, le texte résonne encore plus dans notre mémoire par la suite.

Twyla a gardé de l'époque de l'orphelinat un autre souvenir, olfactif, celui des « fleurs de pommiers » et du talc « Lady Esther » (cf. p. 20), comme un gage de bonheur de cette époque où, elle « rêvai[t] beaucoup » (p. 11) on peut le dire la couleur de peau ne comptait pas (ou si ?), même si Roberta « sentait bizarre » (p. 8).

La fin de la nouvelle est-elle enveloppée dans cette neige magique comme un gage de pureté de l'enfance innocente ? La seule chose certaine est que le silence retombe du côté de Twyla.
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Récitatif est une nouvelle, - la seule d'ailleurs, écrite par Toni Morrison.
Je suis entré de plein pied dans ce récit en faisant la connaissance de Twyla Benson et Roberta Fisk, deux fillettes pauvres âgées de huit ans qui sont confiée à l'Assistance publique. Nous sommes dans les années 50 dans l'État de New-York. Elles vont passer quatre mois dans le même orphelinat, partageant la même chambre.
On sait peu de choses sur elles, d'où elles viennent, leur passé encore neuf… C'est tout d'abord à travers l'existence de leurs mères respectives qu'on apprend un peu ce qu'elles sont.
La narratrice, c'est Twyla. « Ma mère dansait toute la nuit et celle de Roberta était malade. » Et puis au détour d'une phrase presque anodine, dit comme cela sur un ton très dégagé, Twyla évoque le fait d'être coincée dans un lieu inconnu avec une fille d'une race tout à fait différente.
Le texte est court, à peine soixante pages, si l'on enlève la très riche postface d'une certaine Zadie Smith. Avec la postface on approche des cent-vingt-cinq pages, c'est dire…
C'est un récit de l'amitié, de la sororité… Un texte à la voix très attachante, même si l'on devine en creux beaucoup d'amertume et d'ironie…
C'est un livre qu'on pourrait qualifier d'expérimental.
Rien dans l'écriture n'est laissé au hasard…
Cette nouvelle extraordinaire a été conçue comme « l'expérience d'ôter tous les codes raciaux d'un récit concernant deux personnages de races différentes pour qui l'identité raciale est cruciale ». C'est ainsi que Toni Morrison a justifié le sens de l'existence de ce texte.
La narration est terriblement efficace, directe, rapide. Et je vous jure que cela fonctionne.
En dessinant les contours de cette nouvelle en forme d'énigme, Toni Morrison déploie dans cette histoire d'amitié tout le sens caché qu'elle a voulu exprimer lorsqu'elle disait : « J'aimerais écrire sur des Noirs sans avoir à dire qu'ils sont noirs. Exactement comme les Blancs écrivent sur les Blancs. »
Exercice de style oulipien ? Variations musicales ? Conte initiatique ? Jeu de miroirs ? Casse-tête philosophique ?
L'une est Blanche, l'autre est Noire, mais on ignore jusqu'au bout si c'est Twyla ou Roberta. J'ai fait l'expérience, - puisque ce récit est l'expérience non pas d'un texte mais celui du lecteur, j'ai lu et relu attentivement, revenant sur mes pas… J'ai observé les phrases limpides, ciselées à merveille, l'histoire elle-même porte cependant une identité raciale qui est importante dans les propos des protagonistes, le sujet est plusieurs fois évoqué et malgré tout, le lecteur que je suis s'est perdu dans cette recherche qui était peut-être vaine… C'était sans doute cela d'ailleurs que cherchait à obtenir la facétieuse Toni Morrison dans ce dédale énigmatique d'une histoire ordinaire.
Pourtant elles grandissent, leurs chemins continuent de se croiser, pourtant elles ne font rien pour chercher à chaque fois à se revoir, elles sont même parfois en désaccord sur la lecture qu'elles font de ce passé commun de quatre mois à peine. Mais elles avaient huit ans…
Que m'apprend cette expérience insolite ? Ce jeu en forme d'énigme nous en apprend plus sur nous, sur moi, sur nos représentations, la manière de guetter, décortiquer chaque phrase, chaque mot, chaque scène lue, de chercher à catégoriser, attribuer de manière différenciée ce qui pourrait relever de celle qui est Noire, de celle qui est Blanche…
« Ma mère dansait toute la nuit et celle de Roberta était malade. » Laquelle est une mère noire ? Laquelle est une mère blanche ? Laquelle est à même de danser toute la nuit ? Laquelle a le plus de risque de tomber malade et de le rester dans cette Amérique des années cinquante ?
Et Twila ? Et Roberta ? Deux prénoms... Laquelle est Noire, laquelle est Blanche ? Tiens, celle qui parle justement, la narratrice ? Celle à qui Toni Morrison confie naturellement sa voix ? Ou bien n'a-t-elle pas au contraire voulu nous perdre encore un peu plus, jouer de nous en s'attribuant la narration d'une femme blanche, sorte d'expérience immersive comme seuls savent le faire les grands auteurs ?
Et y penser brusquement, n'est-ce pas une manière vertueuse de nous obliger à nous poser les questions essentielles, oser poser les regards qui ne viendraient pas autrement ?
Ce récit n'appelle pas de réponse. C'est une énigme qui n'appelle pas de solution. Seulement un questionnement, seulement un cheminement, seulement un pas de côté… Un pas de côté pour nous regarder, nous qui observons ce texte à la loupe et je dois avouer que c'est une expérience jubilatoire de se regarder ainsi contempler un livre et ses pages dans tous les sens… Il est intéressant en effet d'observer la confrontation de nos intuitons à hauteur de ce texte.
Elles se reverront à quatre reprises pendant une bonne vingtaine d'années, à chaque fois c'est le hasard et chaque fois la rencontre est fugitive, presque superficielle, ce sont cependant des retrouvailles troublées par un souvenir encombrant qui continue de les hanter…
Elles se reverront une dernière fois, du moins, c'est sur cette dernière fois que se referme le livre… J'aurais tant aimé qu'elles continuent de se voir, de se revoir, qu'il ne soit plus question de hasard…
Je me suis retrouvé si fragile devant ce texte si fort...
Que m'importe que je ne sache pas laquelle est Blanche, laquelle est Noire…
La seule chose qui m'importe est de considérer Toni Morrison comme une grande écrivaine et qu'elle m'apprenne à sa manière à faire ce pas de côté. Il est intéressant en effet d'observer la confrontation de nos intuitons à hauteur de ce texte qui se déplie à l'infini...
Je remercie mon amie Isa de m'avoir prêté ce livre très inspirant… On pourrait en parler des heures…
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Twyla et Roberta passent quelques mois dans un foyer d'orphelins : la mère de la première dansait toutes les nuits, négligeant sa fille ; celle de la seconde était malade.
Devenues jeunes femmes, puis mères, elle se croisent à deux reprises des années plus tard. Un malaise entoure leurs retrouvailles.

L'une est noire et l'autre blanche, et ne pas savoir laquelle est d'une couleur ou d'une autre n'a à aucun moment gêné ma lecture.
Dans sa postface, plus longue que la nouvelle mais qu'il faut absolument lire, Zadie Smith nous explique que l'autrice s'est ingéniée à brouiller les cartes, cherchant à nous empêcher de déterminer qui est de quelle couleur.
Entretenir cette ambiguïté avait sans doute un sens dans l'Amérique du début des années 1980 (la publication initiale date de 1983), et en a sans doute encore un dans de nombreux milieux. Pour moi, si elles avaient été toutes les deux jaunes ou rouges, cela n'aurait rien changé...
Je me suis en effet plus intéressé à l'évolution des deux personnages, entre qui l'amitié d'enfance devient l'indifférence des jeunes adultes puis l'opposition frontale, avec le souvenir divergent d'un événement de leur passé.
C'est évidemment très bien écrit, dans un style plutôt épuré, facile à lire.
Un court mais très bion moment de lecture.
Lien : http://michelgiraud.fr/2024/..
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Une histoire de racisme, somme toute banale dans sa sobriété mais loin d'être inintéressante. C'est corrosif . On croit effectivement découvrir qui est la petite noire, devenue femme , qui est la fillette blanche, mais la postface de l'écrivaine britannique Zadie Smith nous donne encore plus à réfléchir et à remettre en cause ce qui avait peut être été trop rapidement déduit. Courte nouvelle mais si riche d'enseignement !
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Ce livre ne contient qu'un texte, très court, une nouvelle, la seule écrite par Toni Morrison, prix Nobel peu prolixe. C'est l'histoire de deux fillettes qui sympathisent à l'occasion d'un placement provisoire par les services sociaux dans un orphelinat. le lecteur comprend assez vite qu'elles n'ont pas la même couleur de peau. Aucun indice ne vient définitivement convaincre le lecteur de la couleur de peau de l'une ou de l'autre. le truc, expliqué dans la postface, repose sur des a priori culturels. L'inconvénient c'est que même si le texte marche aussi pour le lecteur français, il marche un peu moins bien, et ce n'est pas un problème de traduction. Par exemple, l'histoire n'est pas non plus située dans le temps, le lecteur la situe facilement dans la deuxième moitié du XXème siècle mais seul un lecteur baigné de culture américaine peut le situer avec plus de finesse avec les mentions de programmes télé de l'époque (heureusement il y a une note du traducteur). Et ce qui est plus embêtant, car aucune note ne peut y remédier, c'est que le texte repose sur le même principe avec les a priori sur la couleur de peau : prénom, adresse, travail, logement, voiture, vêtement, etc. Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'indices mais qu'ils sont contradictoires, pour la bonne raison que leur lien avec la couleur de peau n'est qu'une probabilité statistique et une question de vécu culturel. C'est un texte quasi expérimental conçu comme « l'expérience d'ôter tous les codes raciaux d'un récit concernant deux personnages de races différentes pour qui l'identité raciale est cruciale ». le lecteur est censé être perturbé par une oscillation incessante pour comprendre laquelle des fillettes est blanche et laquelle est noire, et, impossible de passer outre car c'est un élément majeur dans leur vie et dans leur relation puisque l'histoire repose sur leurs retrouvailles intermittentes et leur perception différente d'un événement qu'elles ont vécu ensemble et qui les préoccupe toutes deux. Il semble que "la plupart des lecteurs blancs estiment que Twyla est blanche, tandis que la plupart des lecteurs noirs la voient noire". Une fois n'est pas coutume, je regrette de ne pas avoir lu la postface plutôt avant ! le texte fonctionne quand même en français (ou plutôt devrai-je dire pour un français, car ce n'est pas du tout un problème linguistique) car on se prend à réfléchir à ce que pourrait donner la même histoire, quels indices ambigus marcheraient. Un texte très fort, « petit mais costaud », qui interpelle et amène à s'interroger au-delà de sa lecture sur les préjugés, les codes culturels, les conventions sociales, ...
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La seule nouvelle écrite par l'immense Toni Morrison... et c'est tout sauf un fond de tiroir.
La force de la nouvelle, c'est de dire beaucoup sous un format condensé. Mais Toni Morrison, elle, ne dit pas : elle nous laisse réfléchir par nous-mêmes.
Deux enfants se rencontrent dans un orphelinat où elles partagent quelques mois la même chambre. Puis la vie les sépare. Mais devenues adultes, de loin en loin elles se reverront par hasard, se heurteront, se rapprocheront, dans l'ombre d'un souvenir impossible à oublier, au fil des évènements qui marquent la conquête des droits civiques par la population noire.
Car l'une des enfants est blanche, et l'autre noire.
Sauf que Morrison nous laisse en décider, en nous privant impitoyablement d'indices.
Ça pourrait être sans importance. À la première lecture, je n'y avais même pas pensé.
Parce que je ne suis pas noire.
Mais Toni Morrison nous OBLIGE à prendre conscience que "ne pas y penser", c'est un privilège blanc. Aux États-Unis dans les années 70 comme aujourd'hui, c'est toujours impossible aux personnes noires de juste "ne pas y penser".
Lumineuse et combative postface de l'anglo-jamaïcaine Zadie Smith, et parfaite traduction de Christine Laferrière.

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Récitatif est la seule nouvelle de l'autrice, prix Nobel de littérature en 1993. Les deux personnages principales de ce récit sont Roberta et Twyla. L'une est blanche et l'autre noire, sans que le lecteur ne connaisse jamais la couleur de l'une et de l'autre. Élevées ensemble dans un orphelinat elles se croisent ensuite à plusieurs reprises de leur vie d'adultes et prennent la mesure de tout ce qui les sépare. La narration alterne, chacune devenant à son tour narratrice d'un épisode. D'après la post-face détaillée de Zadie Smith, l'enjeu principal pour les lecteurs de cette nouvelle serait de savoir qui est noire et qui est blanche. Elle cite d'ailleurs une critique qui affirme que "la plupart des lecteurs blancs estiment que Twyla est blanche, tandis que la plupart des lecteurs noirs la voient noire". C'est effectivement mon cas. Mais bien plus que la question de la couleur de peau de ses protagonistes, je trouve que c'est surtout une vision crue et sans artifice de la pauvreté, qui nous est donnée à voir à travers les différentes rencontres de Twyla et Roberta, que ce soit dans le regard qu'elles posent sur leur mère, la cruauté de leurs souvenirs d'enfance, leurs rêves d'ascension sociale et l'avenir qu'elles souhaitent pour leurs enfants.
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Une nouvelle de Toni Morrison qui narre l'histoire de deux jeunes filles Twyla et Roberta confiées par leur mère respective dans un foyer pour orphelins; elles ont huit ans, une est noire et l'autre blanche. Inséparables avant d'être séparées par la vie, chacune va poursuivre son existence. Leur chemins se recroiseront de façon inattendue à plusieurs reprises.
Toni Morrinson casse les codes des catégories: pauvres, riches, blanche, noire, un jeu de piste qui ne répond pas à nos questionnements. La post face nous ouvre des portes heureusement sur ce choix d'écriture bien réfléchi.
A découvrir, car la simplicité de la nouvelle cache une densité cachée qui appelle à la réflexion.
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Récitatif de Toni Morrison
Twyla et Roberta se sont connues dans un foyer, l'une a sa mère malade, l'autre dansait toute la nuit. Elles partageaient la même chambre dans cet endroit où cohabitaient plus d'une centaine d'enfants, orphelins pour la plupart. Malgré les promesses elles ne se donnent pas de nouvelles une fois sortie. Twyla travaille comme serveuse et un matin à la fin de son service de nuit, elle l'a voit sur la banquette, chevelure énorme, mais elle aurait reconnu ses yeux n'importe où. Elle était avec des potes, fin de la rencontre. Bien plus tard, dans un supermarché nouvelle rencontre, les deux en couple une avec James, un gamin, l'autre avec un veuf, quatre enfants par alliance, une limousine l'attend dehors, riche sûrement, c'est le quartier des cadres d'IBM. Et cette fois ci c'est 12 ans plus tard, elles se souviennent de Mary, une vieille qui travaillait aux cuisines qui était tombée les grandes s'étaient moquées d'elle, on disait qu'elle n'avait pas de langue, elles n'ont pas gardé le même souvenir de l'histoire…
La seule nouvelle écrite par Morrison, et à noter une originalité, Twyla et Roberta, l'une est blanche l'autre est noire, on sait jamais laquelle est blanche, laquelle est noire.

Postface de Zadie Smith( aussi longue que la nouvelle de Morrison et par ailleurs auteure de Sourires de loup et Swing Time) qui décortique le texte en essayant, entre autres et sans succès, de détecter qui est la blanche et qui est la noire, ce qui aurait dû être facile puisqu'on est dans des années de tension raciale mais non, impossible, tout est cadenassé brillamment.
Beau texte, très nerveux, 50 pages impressionnantes.
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J'ai reçu cette nouvelle de Toni Morrison via la masse critique de Babelio. J'aime beaucoup le travail de cette autrice, que je trouve d'un grand talent. Je suis curieuse de savoir ce que donne sa plume pour un format plus court. D'autant plus que Récitatif propose vraiment un concept unique.

Cette nouvelle a été créée dans le but de dévoiler l'expérience d'effacer tous les codes raciaux d'une histoire impliquant deux personnages de races différentes. Pourtant, on sent très rapidement que l'on est dans une configuration où cette identité raciale est cruciale pour les personnages. L'une des fillettes est Blanche, l'autre est Noire, mais jusqu'à la fin, on ignore s'il s'agit de Twyla ou de Roberta. Là où le texte est brillant, c'est qu'à aucun moment le lecteur est vraiment capable de déterminer les origines des deux personnages. Pourtant, l'histoire elle-même porte une identité raciale importante dans les propos des protagonistes. le sujet est évoqué à plusieurs reprises, et malgré cela, impossible de prendre une décision.

C'était probablement cela que la facétieuse Toni Morrison cherchait à obtenir dans ce dédale énigmatique d'une histoire ordinaire. En effet, les réflexions autour des jeunes filles, car elles se critiquent et donnent des indices sur leurs modes de vie respectifs, questionnent nos préjugés. On sait par exemple que l'un des deux mères est très attachée à la religion, mais elle pourrait aussi bien correspondre à un cliché racial comme à un autre. de même avec l'autre mère qui danse. Cette mère est-elle noire ou est-elle blanche ? Nous sommes pourtant, au fil du récit, portés dans une Amérique où les questions raciales restent centrales. Et Twyla et Roberta ne partagent pas la même opinion, notamment alors que la loi sur la mixité dans les écoles bouleverse les familles américaines.

On retrouve les deux femmes qui se croisent par hasard à des étapes clés de leur vie. D'abord à l'orphelinat, puis jeunes adultes, puis femmes mariées et mères, suivant la route tracée des femmes de l'époque. Toni Morrison a un style acéré et précis, on sent un vrai calcul de sa part dans chaque dialogue, chaque virgule, pour à la fois divulguer des éléments sur leur évolution, leur vie, leurs goûts, mais sans laisser tout voir. L'autrice place le récit du point de vue de Twyla, qui ne manque pas de caractère et n'a pas non plus sa langue dans sa poche.

Bien que ce soit court, le récit est aussi plein d'émotions. L'autrice fait notamment à plusieurs reprises référence à un événement marquant qui a eu lieu quand Twyla et Roberta étaient à l'assistance. Un événement violent dont elles n'ont pas le même souvenir, posant la question de la certitude de notre mémoire. Ainsi, en quelques lignes, l'écriture est capable de nous bouleverser comme de nous choquer, de nous attrister ou de nous révolter. Car la nouvelle s'ancre profondément dans l'histoire de l'Amérique, mais aussi dans une relation étrange entre deux femmes que tout oppose.

Récitatif reflète l'intelligence et la finesse de Toni Morrison. Récit de deux jeunes femmes de couleurs différentes dans une Amérique secouée par le conflit racial, on ne saura jamais laquelle est noire, laquelle est blanche. L'oeuvre interroge nos préjugés culturels, nous poussant à nous demander pourquoi telle caractéristique serait associée à une personne blanche plutôt qu'une noire. L'écriture est d'une grande finesse et fait la part à l'émotion dans cette relation atypique qui relie Twyla et Roberta, hantées par un passé dont elles n'ont pas les mêmes souvenirs.

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