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3,77

sur 452 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
À la fin du 17ème siècle, en Virginie, dans une des 13 colonies, on est à peu près un siècle avant la déclaration d'indépendance des Etats-Unis.

Toni Morrison nous raconte dans ce contexte une histoire de femmes, de celles qui ont fondé un pays, dans la douleur et la terrible égalité de la servitude.

C'est une autre histoire de l'esclavage qui nous est contée là. En effet, débarquaient dans les colonies des gens qui ne l'avaient pas vraiment choisi, condamnés de droit commun, fils et filles vendus pour ne plus être à charge de leurs familles au pays, main d'oeuvre exploitée, non payée, et brutalisée comme les esclaves africains, dans les plantations de tabac.

Dans un pays immense, s'affrontent aussi les communautés religieuses qui ont fui des persécutions en Europe. Ça ne les a pas rendues plus tolérantes. On chasse les sorcières, et on refuse des sacrements et de l'aide à qui ne partage pas le même clocher.

Autour de Rebekka qui a fait la traversée pour épouser Jakob, le commerçant, se regroupent Lina, la servante amérindienne, Sorrow , la métisse naufragée, Florens la petite esclave africaine donnée par sa mère . Une drôle de famille à l'écart d'une communauté, où se jouent des solidarités, de l'entraide dans les travaux de la ferme, des tragédies, des jalousies aussi.

On découvre le destin de ces personnages de l'intérieur de l'univers de chacune, leur regard sur le monde, et les hommes, avec une très belle langue, un certain lyrisme. La dramaturgie met en place nombre d'énigmes qui se résolvent patiemment de la complémentarité des récits.

C'est du grand art, une belle construction, un très beau texte, pas simple, certes, mais avec aussi un éclairage original sur l'histoire de l'esclavage, et les violences faites aux femmes.
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Il arrive parfois (trop rarement) que l'on repose un livre en se disant qu'il vous habitera toute votre vie. Que vous vous répéterez régulièrement certaines de ces phrases, car elles expriment, en quelques lignes, une vérité que vous n'auriez jamais réussi à formuler. Que les thèmes abordés touchent à l'universalité de la condition humaine et que ce texte est décidément, à lire et à relire. Eh bien, "le don" est pour moi un de ces romans là, bien difficile à chroniquer, car il entre d'emblée dans l'intimité de mes sentiments.
Le livre est constitué de plusieurs monologues qui s'entrecroisent : celui de Florens, esclave offerte par sa mère en paiement d'une dette de son maitre, celui du colon américain, maitre un peu malgré lui de Florens, celui de Lina, esclave africaine dans cette petite famille, celui de Sorrow, pauvre folle traumatisée, qui a rejoint cette drôle de communauté, celui de la maitresse, jeune européenne envoyée se marier aux Amériques par des parents qui n'ont pas envie de la doter... Des personnages détruits par la vie, l'esclavage ou la misère, qui ont reconstruit leur propre équilibre à leur manière, réinventé leur monde, et dont les visions confrontées font apparaitre la dramatique incompréhension entre les hommes. Car le don, dans ce roman est bien ambigu : une mère qui donne son enfant à un maitre, une mère qui donne une chance à son enfant, une femme qui se donne, qui donne son amour à un homme qui ne veut pas le recevoir ?
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Un roman dans l'Amérique du XXVIIe siècle, pas vraiment un récit historique, mais une galerie de portraits et d'émotions fortes.

Une Anglaise venue de la misère et la saleté des villes, une enfant noire dont la mère se souvient de l'Afrique, une Amérindienne dont la tribu est disparue, une fille rescapée d'un bateau fantôme, toutes ces femmes sont recueillies par un homme, un orphelin devenu commerçant, un homme bon qui voit en elles des orphelines à secourir.

Les chapitres présentent les points de vue et les histoires de chacun à tour de rôle, des destins de femmes, des amours et des naissances, des maladies et des morts.

Les romans Toni Morrison sont toujours sombres, une écriture concise qui va toujours droit au but, droit au coeur…
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Est-ce qu'en terme de société il existe une théorie du chaos ? Et d'ailleurs qu'est-ce que le chaos ?
Larousse, s'il vous plaît…. ». Confusion générale des éléments de la matière, avant la formation du monde... » Hum... » Ensemble de choses sans dessus dessous et donnant l'image de la destruction, de la ruine, du désordre »... Mum... » État de confusion générale »... bon... Wiki, quelque chose à ajouter ? « Le chaos est un concept religieux qui définissait l'univers avant l'intervention de Dieu. »
Bon Dieu je ne sais vraiment pas où il était encore passé celui-là, mais en tout cas c'est bien de la tête des hommes, de leur panse, de leur bourse, que ce chaos là est sorti.
C'est vrai que parfois, nous avons des images bipolaires qui nous envahissent la tête. L'Amérique ne s'est pas faite en un jour. Et dès le premier... c'était l'enfer.
Des presbytériens hallucinés, des mangeurs de sorcières, des amérindiens massacrés à la culture pulvérisée, des africains génocidés, enchaînés, des gosses d'anglais (« Bas rouges » ou « trente-six mois ») vendus comme des serfs, des femmes déportées, cédées, échangées. Un monde traumatisé. Le chaos des origines ou les origines du chaos ? Les voix de Toni Morisson nous reviennent, elles voyagent depuis le 17e siècle. Toni Morisson a ce don là, incroyable, rendre vie, donner parole. Rendre compte. Et surtout celui de nous faire entendre toute la complexité des douleurs du monde afin que nous puissions un jour trouver les mots pour les atténuer.

Astrid Shriqui Garain
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Magnifique.
Toni Morisson explore la liberté et surtout la privation de liberté sous toutes ses formes.
Nous sommes en Virginie à la fin du 17ème siècle, alors que les colonies nord-américaines appartiennent toujours à la couronne britannique.
La liberté ou plutôt la non liberté, qui peut revêtir tant de forme et s'écrire par tant d'histoires.
Celle de Rebekka jeune européenne de 16 ans, qui a traversé l'Atlantique, envoyée par son père trop heureux de toucher quelque argent pour se débarrasser d'une fille, pour aller épouser Jacob Vaark un colon néerlandais prêt à payer pour épouser n'importe quelle jeune fille pourvu qu'elle soit vierge et en bonne santé.
Celle de Lina une indienne ou encore celle de Sorrow une jeune métisse, toutes deux capturées et vendues comme esclave.
Celle de Florens une fillette de 8 ans que sa mère une captive africaine réduite à l'esclavage a offerte à Jacob Vaark le créancier de son maître espérant ainsi la remettre à un homme meilleur et la sauver d'un homme brutal.
Florens qui va rencontrer tout le mal qui gangrène les premières années de ces colonies et notamment tous ces Européens fraîchement arrivés avec leurs croyances religieuses extrêmes allant même jusqu'à accuser les femmes de sorcellerie.
Mais Florens est éprise de liberté et lorsqu'âgée de 16 ans, c'est d'un homme dont elle s'éprend, l'espoir d'une autre vite est aussi fort que la désillusion qui l'attend.
Et Florens comprendra que la liberté n'est qu'un mot qui n'a pas de sens dans ces colonies qui elles-mêmes ne sont pas libres mais vivent sous le joug des anglais.
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C'est un roman magnifique. L'histoire se déroule dans les années1680 en Virginie, l'un des derniers Etats esclavagistes. On suit le destin de Jacob Vaark, un fermier, de sa femme et des femmes esclaves qui s'occupent de sa ferme : Sorrow, Lina et Florens. On y parle de l'esclavage, du sort des femmes. Comme dans les autres romans de Toni Morrison, la voix narrative est superbe, originale, dense. C'est vraiment un roman poignant.
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La voix que Toni Morrison fait sonner dans chacun de ses romans,
épique, grandiose et infatigable,
compte très certainement parmi ce que le monde des Lettres a de plus précieux.


Les textes de l'autrice américaine n'ont rien de ce qu'Alice Zeniter qualifie de « fiction as usual », ce sont des chants,
terribles et lancinants,
plus puissants qu'un tremblement de terre, plus dangereux qu'un tsunami, plus déstabilisants qu'une déflagration.
Ce sont des forces pures et entières,
des noyaux d'énergie lancés à pleine vitesse,
des joyaux inestimables enrobés de terre glaise.


J'avais été emportée par L'oeil le plus bleu, il y a quelques années, subjuguée par Beloved, captivée par Love, et je dois avouer qu'Un don m'a submergée, littéralement.


Cette voix ne se laisse pas saisir sans y laisser quelques plumes. Dans ce texte, traitant de la servitude plus que de l'esclavage, le passé et le présent s'entremêlent sans cesse, parfois au sein d'une même phrase, les points de vue changent en permanence et les discours avec.
Il faut accepter de relire une fois, deux fois, trente fois une phrase parfois, pour la sentir infuser dans son sang et faire battre son coeur.
Il faut accepter de se laisser porter aussi. de laisser le temps faire, la langue nous guider, la poésie nous emporter de sa force implacable.
Il faut accepter que chacune des phrases de Toni Morrison est un trésor à découvrir, un bijou à déterrer, un don somme toute.


Les dernières pages de ce roman, déchirantes de grâce, sont à ranger parmi les plus grandes que la Littérature compte,
de celles qui nous font hésiter franchement à ne pas reprendre le livre une deuxième fois,
pour voir,
juste pour voir,
la sève qui cette fois,
irriguera notre palais et fera battre le tambour de notre âme.


Lien : https://www.mespetiteschroni..
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"N'aie pas peur. Mon récit ne peut pas te faire du mal malgré ce que j'ai fait" : Tout commence par une confession. Celle de Florens la narratrice, l'esclave. Seule, face à ses démons, elle se souvient et raconte à sa manière l'histoire de sa vie. Hantée par le terrible abandon de sa mère qui lui préfère son petit frère, cédée par un commerçant portugais en échange d'une dette envers Jacob Vaark, fermier libéral, la jeune Florens suit son nouveau maître vers le Nord, vers une nouvelle vie. Blessée, meurtrie au plus profond de son âme, la jeune fille se défend toutefois d'interpréter le message de "a minha mãe", le spectre de ses nuits, au coeur duquel se cache le secret de ce douloureux abandon. Sacrifice qui ne sera révélé qu'à la toute fin et qui donnera au roman, toute son ampleur.

Le temps s'écoule à la ferme Vaark. Entourée de Jacob Vaark et de son épouse Rebekka, émigrants européens épris de liberté, de Lina, l'intendante d'origine amérindienne, de Sorrow, la rêveuse - considérée comme une simple d'esprit -, Florens va découvrir l'amour, ses vertiges mais aussi ses désillusions, jusqu'au drame. Tout ce petit monde vit dans une parfaite autarcie aux accents de paradis perdu mais pour encore combien de temps ? Ce cocon familial qu'ils se sont construit malgré leurs différences peut-il survivre aux méfaits du temps ?

Si dans Beloved, l'auteur évoquait le récit bouleversant d'une mère visitée par le fantôme de son enfant, à qui elle a oté la vie afin de lui épargner la pire des conditions : naître esclave, dans Un don, les rôles s'inversent. L'enfant, qui est ici une jeune fille, est hantée par celle qui l'a mise au monde, en cette fin de XVIIe siècle. Période clé pour ce Nouveau-Monde, pour cette nation américaine naissante, si sauvage et qui ne fait pas encore grande différence entre esclaves noirs, blancs et indigènes. du moins, jusqu'à ce qu'une révolte - celle de Bacon - opposant serviteurs et esclaves contre les puissants (en 1676) vienne poser les fondements de la ségrégation raciale américaine. Telle une formidable conteuse, Toni Morrison, Prix nobel de la littérature en 1993 et écrivain engagé, offre une lecture à plusieurs voix, entremêlant les pensées des divers protagonistes dans un tourbillon de sang et de larmes, d'espoir et d'amour. Douée d'une plume métaphorique, fertile et soignée, l'auteur remonte aux origines de l'esclavage et l'explique au travers d'une mosaïque d'individus venus d'ailleurs.
Lien : http://au.fil.de.mes.lecture..
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Un livre magnifique qui transforme la souffrance des personnages en un récit sensible.
Chaque femme se raconte , ce qui peut être déroutant, mais cela nous permet de mieux comprendre leur histoire.
Entre la migration forcée, l'esclavage la maladie et la mort, se tisse l'histoire des débuts des Etats-Unis et de ses premières américaines.
Très beau et très triste : pour moi 5 étoiles sur Babelio.
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Difficile d'ajouter un bon mot après de telles critiques.
Pour moi, il s'agit d'un de ces rares romans à lire et relire. Si l'histoire est tragique, elle est universelle (les deux vont peut-être ensemble) et elle est servie par une écriture clairvoyante, poétique. La vie de chaque personnage est pleine de sens, enrichit l'histoire, chacun a un rôle majeur.
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