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Sandor Marai nous offre avec Les étrangers un de ces plus beaux textes.
C'est le récit à la troisième personne d'un jeune hongrois docteur en philosophie qui arrive à Paris à la fin des années 20, après avoir passé une année à Berlin où il n'a pas fait grand chose.
Le livre est composé de deux parties, la première étant consacrée à sa vie dans le Paris des années folles où il croisera de nombreux artistes, étrangers pour la plupart d'entre eux. Notre personnage, dont nous ne connaîtrons ni le nom, ni le prénom, a rêvé de cette ville sans trop savoir ce qu'il était venu y chercher. Il vit au jour le jour dans des hôtels miteux, sans aucun projet, ni recherche d'activités. Il ne semble pas avoir prise sur les évènements et les rencontres. Il ne sait pas ce qu'il fait là mais il sait qu'il ne veut pas retourner en Hongrie, ni donner de nouvelles à sa famille.
Il est entre parenthèses, préoccupé essentiellement par la gestion de son maigre pécule dont il ne reste rien à la fin de la première partie.
Il se fait quelques vagues relations avec lesquelles il arpente les rues et les cafés de la capitale et rencontre une jeune femme, Eva, dont les mains, qu'il a l'impression de reconnaître, l'attirent, comme les siennes, il l'apprendra plus tard, ont attiré Eva.
Ce sont ces mains d'ailleurs qui, dans la deuxième partie, l'agrippent pour le faire monter dans un train en direction de la Bretagne.
Changement de décor : nous sommes dans le Finistère, en bord de mer, et le couple nouvellement formé vit une étrange liaison. Les corps se parlent dans des décors incandescents mais les mots sont absents.
Cet épisode fait l'objet des plus belles pages du livre : description de la maison des pêcheurs où ils vivent, fêtes champêtres, feu de forêt, journées sur le bateau de pêche ou baignades dans l'océan. Nous ressentons le ravissement de Marai découvrant cette nouvelle contrée.
Etranger à lui-même, aux autres, à sa maîtresse, au pays, le jeune hongrois comprendra qu'il est temps de retourner chez lui.
Magnifique roman d'apprentissage où le cheminement du personnage passe par l'inaction, le déphasage, l'absence à soi et aux autres.
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Un jeune Hongrois dans le Paris des années 20, abandonnant des études de philosophie qu'il a commencées à Berlin, choisit de vivre pendant plusieurs mois sans attaches, de chambres d'hôtels miteux en petits boulots, dans les cafés où traine une population d'artistes semi-oisive, fasciné par une ville à laquelle il reste malgré tout étranger.
Loin de sa famille à laquelle il n'a jamais dit qu'il était en France, il vit une année que l'on peut qualifier d'apprentissage, quasi clandestinement, mais conscient de pouvoir revenir en arrière à tout moment - c'est à dire rentrer chez lui.

De Paris, il va suivre une jeune femme en Bretagne, mais elle demeurera une énigme, jusqu'à ce qu'elle révèle sa véritable nature et ce qu'elle pense être son désir profond : épouser un Breton, un homme de sa région, de bonne famille, qui parle sa langue.
Il vit la vie d'un étranger certes, mais à aucun moment il ne semble éprouver le désir de s'installer, semblant étranger non seulement au pays, mais à la société. Et la liberté - même illusoire - que lui procure sa vie à Paris, il sait qu'il ne la retrouvera pas chez lui.

Un très beau roman de Sandor Marai, même si ce n'est pas celui que j'ai préféré, sur la jeunesse, l'exil, l'ambiguïté de l'homme pris entre le besoin d'enracinement et le désir de liberté, les plaisirs simples d'une vie sédentaire et l'impossibilité de mener l'existence d'un autre.
Comme au coeur de son propre pays une Bretonne à Paris reste nostalgique de sa Bretagne natale, un Russe le sera de sa Russie, un Hongrois de la Hongrie, mais avec en plus ce statut d'étranger, qui malgré le sentiment d'être Européen, d'appartenir à une même famille, les renverra malgré tout à leurs différences : leur langue, leur culture, leurs coutumes, les paysages qu'ils ont laissé derrière eux. Et à une difficile - bien que possible - intégration.
Le roman ne se conclut pas, une porte reste ouverte, vers la liberté, d'autres aventures pour celui qui, malgré sa nostalgie, s'est senti à l'étroit dans sa patrie d'origine...
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Roman à résonance autobiographique "les étrangers" décrit le quotidien d'un jeune exilé hongrois à Paris à la fin des années folles. Mi-roman mi-journal ce texte mélange un peu les genres, dans une écriture serrée qui rend chaque description extrêmement précise et juste, où le pragmatisme l'emporte sur les considérations philosophiques et où les reflexions ne sont que la conséquence d'une expérience de vie assez désastreuse dans laquelle l'exil n'est ressenti qu'en négatif, en dépit du fait que le personnage a choisi de lui-même de venir à Paris. Tout cela produit une impression de malaise, en dépit du style admirable de l'auteur, et même parfois d'ennui, l'analyse des sentiments de l'exilé devenant assez répétitive au fil du récit. Hésitant sans cesse entre spleen et réalité, ce texte n'a ni la puissance d'écriture d'une Nina Berberova, ni son regard panoramique et implacable, et reste assez superficiel
Trop long, pas vraiment abouti, ce livre ne m'a pas vraiment convaincue, alors que j'avais été entièrement séduite par "la soeur".
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Quel bonheur cette lecture. Ou cette écriture. Car le plaisir est surtout dans l'écriture. Pas facile. Peu d'histoire.
Mais une musique, un rythme, des rappels, des solos, quelques sonates, un concerto... mais surtout une tonalité, qui s'apparente à une douceur, à une merveille des mots, bref, un livre dans lequel il est je pense nécessaire, pour en bénéficier, de se laisser aller bercer dans une langue extrêmement travaillée, finement, ciselée, riche, singulière, un phrasé mélodieux, drôle dans ses descriptions si précises, parfois répétitives mais pour un effet ironique et tout en dérision, bref, un livre qui m'a portée avec délices et bonheurs grâce à son écriture.
L'histoire ? maintenant ! le livre se présente en deux parties bien distinctes. Livre Premier et Livre Deuxième.

Tout le bien que je pense de ce livre se rapporte surtout au Livre Premier. La vie à Paris du jeune homme, les descriptions si détaillées, je les ai lues avec une véritable délectation, et elles n'ont pas beaucoup vieillies, alors qu'elles datent de 1926...
Le Livre Deuxième est de mon point de vie moins bien écrit et l'intérêt est moindre. Mais qu'importe.

L'oeuvre porte sur l'identité. Et l'auteur ne le savait pas, c'est un thème qui nous revient brûlant. Alors si, il le savait, lui, rescapé des boucheries, lui écoutant les discours européens, pan-européens (Aristide Briand, par exemple). Cette thématique, présente dans tout le livre, est très intéressante. En 1926, lui le Hongrois exilé à Paris y rencontre un citoyen du monde... qui dit, incidemment, "là-bas chez eux"... et à juste titre le jeune homme trainera longtemps ce "là-bas chez eux". Ce jeune homme se sentira toujours étranger, dans une Europe beaucoup plus européenne qu'on ne pense. Cette quête d'une identité nationale est pathétique chez l'auteur.
J'aime ce livre pour sa plume qui me rappelle celle de Thomas Bernhardt, entre autres, une plume complexe, mais qui ne prend pas le lecteur pour un bulot, et j'aime ce livre pour sa quête identitaire.
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Etranger quelque part, étranger à soi-même, étranger l'un à l'autre... trois variations aux échos infinis sur l'identité illustrées par la quête personnelle d'un jeune hongrois venu s'installer à Paris en 1926. Il a 28 ans et on ignore son nom ; docteur en philosophie il arrive à Paris sans but déterminé, après un an passé à Berlin, et découvre la capitale française qui lui est parfaitement inconnue. Il y rencontre d'autres étrangers, comme lui, ou des compatriotes, connaissant des situations peu ou prou similaires à la sienne : Borsi, un sculpteur Hongrois, Vassilieff, un Russe originaire de Kazan. Ce sont eux, au début, qu'on identifie comme les étrangers. L'art, l'exil, le statut de l'étranger, l'identité, l'Europe, sont au coeur de leurs réflexions. Ces thèmes sont traités sans pathos, avec ironie, désinvolture presque. Tout au long de cette première partie, le jeune homme s'interroge sur la forme que pourrait ou devrait prendre son avenir, ici, ailleurs, ou "là-bas chez lui". Formule qu'il ressasse à l'envi quand il se sent exclus ou renvoyé à ses origines, reprise de la bouche même de l'un des rares Français, Emile, qu'il côtoie. "Là-bas chez eux" a expliqué un jour Emile en parlant de lui à Eva sa compagne, par opposition à "ici chez nous" bien évidemment. Les bouffées de xénophobie de la même Eva n'empêcheront d'ailleurs pas le jeune hongrois de la suivre plus tard en Bretagne. Des deux côtés : rejet et attirance.

On comprend bien vite que ce jeune homme, aussi fier que cérébral, se cherche lui-même dans la grande ville étrangère, décor de sensations et d'impressions nouvelles (la fête du 14 juillet, les rencontres inopinées), ville dépouillée de tout attribut touristique (ce pourrait être Vienne, Londres...) et lieu d'une introspection identitaire qui le rend également un peu étranger à lui-même : ses racines lui paraissent soudain incertaines et bien floues (on le prend même pour un Turc). D'où vient-il ? Où doit-il construire sa vie : à Gyarmat, à Budapest, ici ? Une lettre jamais envoyée à sa famille symbolise cet état de "stand-by". L'écriture est élégante et soignée et le récit a des accents fortement autobiographiques, très construit, trop peut-être, dans un style qui mêle l'ironie à la mélancolie et à la gravité. On retrouve l'ambiance cosmopolite du Paris de l'Entre-deux-guerres dans le quartier des artistes de Montparnasse au Dôme en particulier qu'il se plait à fréquenter le ramenant peut-être lui le Hongrois, pétri de culture allemande, au meilleur de cet esprit mitteleuropa que le traité de Versailles vient de bel et bien enterrer. Et seul finalement son passeport de citoyen du "Dôme" lui paraît acceptable. Quatre mois s'écoulent ainsi.

La deuxième partie est composée de trois chapitres dont le premier compte à lui seul deux cents pages plus personnelles sous forme de souvenirs : de retour à Paris, le jeune homme écrit et raconte un séjour de deux mois en Bretagne où il a suivi Eva qui a laissé tomber Emile. Mais l'histoire avec Eva a brusquement tourné court car celle-ci l'a quitté à son tour. Cette partie consacre en l'amplifiant, par la mise en abyme du récit retrospectif introduit dans le roman, la thématique identitaire première soulevée lors de son arrivée à Paris. Etranger il l'a été encore en Bretagne : un peu moins peut-être mais d'une autre manière qu'à Paris. Et il note avec toujours autant de distance et d'ironie que les étrangers, Anglais pour la plupart, en Bretagne, étaient des boucs-émissaires comme d'autres l'étaient à Paris (quand la forêt a brûlé on l'a expliqué par le fait d'avoir retrouvé des mégots anglais !). Mais ce qui frappe surtout dans son aventure hasardeuse avec Eva relatée rétrospectivement c'est l'incapacité grandissante de ces deux êtres à se trouver, chacun creusant un peu plus le fossé qui les rend doublement et définitivement étrangers l'un à l'autre. Ce déplacement du thème idenditaire sur le terrain de l'intimité amoureuse loin d'apporter une tonalité plus légère au roman en assombrit l'issue, toute relation semblant en définitive vouée à l'échec ou à l'étiolement chez ce jeune homme en transit que l'appel du "Dôme" rattrape à la fin dans une conclusion rapide et somme toute attendue.

Une lecture troublante que j'ai beaucoup aimée pour ce rapport à "l'étranger" triplement décliné et finement décrypté. Il est toujours salutaire de se voir dans le regard d'un autre même si le portrait du français dressé ici véhicule des clichés de buveur d'apéritifs variés et d'incorrigible mangeur d'ail dans lesquels on n'est pas obligé de se reconnaître.
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Nous sommes en 1926 et un jeune Hongrois de 26 ans, docteur en philosophie, décide de rejoindre Paris après une année d'études à Berlin. Il y est immigré fugitif car sa famille n'est pas au courant du voyage ni de sa précaire installation, sur un coup de tête, dans une vie de bohème. Il se choisit un petit hôtel plutôt miteux où les murs sont fins - le voisin est d'ailleurs particulièrement actif - et le ménage paraît douteux. Mais pour les intentions du narrateur, c'est tout ce qu'il y a de plus suffisant. Il flâne dans les rues parisiennes, sans but ni projet abouti car c'est en badaud rêveur qu'il flambe son maigre pécule à l'envi. Il voit s'écouler les jours dans une bienheureuse insouciance et c'est peut-être sa conception de la vie. Il est ailleurs et cet ailleurs, Paris, l'intrigue et le surprend chaque jour. Il laisse libre cours à cette vie désinvolte faite de rencontres - quoique ses "amis" soient aussi déracinés que lui-, d'observations et de remises en question.

La première partie du roman se concentre sur cette vie solitaire faite de déambulations et autres surprises journalières. Quant à la seconde partie, elle fait une large place au voyage vers Morlaix et Saint-Malo où le narrateur n'est pas tout seul puisqu'il se risque à la vie de couple. Paris demeure tout de même un personnage de premier ordre qui hante le jeune homme et le pousse à se dépasser : accepter des petits boulots pour survivre, être opportuniste pour se faire une place et ne pas perdre la face. Tout part de là et tout pourrait y revenir.

Je ne connaissais pas Sándor Márai mais ce roman-ci me l'aura fait découvrir et aimer. Quelle écriture classieuse et élégante ! Il y a quelque chose de délicieusement suranné et qui nous rend cette période fascinante du fait des décennies passées mais aussi de cet homme solitaire qui, tout au long du livre, est plus étranger qu'intégré à l'intelligentsia parisienne. On a de l'empathie pour lui car il doit y avoir deux mondes distincts dans sa tête, deux extrêmes qui le taraudent : la vie en Hongrie avec sa famille aimante et l'effervescence à la française enthousiasmante même si codée.
Il y a quelque part de la gravité dans le propos malgré l'indolence toute relative du narrateur. Cette tranche de vie peut sans doute piocher dans l'expérience de son auteur, car Sándor Márai y a lui-même vécu cinq ans. En a-t-il gardé quelques regrets ou interrogations ? La fascination s'est-elle mêlée à une sorte de résignation désabusée ?
Car l'étranger de Sándor Márai c'est non seulement son personnage sympathique mais c'est aussi, à n'en pas douter, un peu de lui-même.

Chapeau bas !
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C'est le premier roman de Sandor Marai que je lis et probablement pas le dernier. J'ai été vraiment intéressé par le style, la progression toute en zig-zag de l'intrigue (impossible de deviner à l'avance ce qui va se passer pour ce jeune homme hongrois qui aimerait tant trouver sa place dans un pays qui est finalement si peu accueillant pour celui qu'il considère comme un étranger). J'ai aimé ces tableaux assez saisissants du Paris populaire de l'époque (1926) et de sa bohème artiste mais également du Finistère, où le narrateur vit quelques mois avec une jeune femme, Eva. La fin du roman rend compte d'une certaine amertume, qui est peut être aussi celle de l'auteur qui toute sa vie a erré sans visiblement se poser bien longtemps au même endroit.
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Pour qui veut découvrir l'oeuvre de Marai tout en puisant des informations sur sa vie, ce livre est un passage obligé ! En nous confiant le récit d'un hongrois qui arrive à Paris pour quelques mois le lecteur en apprend beaucoup sur la vie de l'auteur, ses sentiments d'appartenance à la Mitteleuropa, ses interrogations de jeune homme et de hongrois. Pour le Français qui comme moi vit à Paris ce livre est d'une étonnante actualité et hormis un départ en vacances je n'ai pas pu le lâcher avant de l'avoir terminé. Au final ce livre confirme mon opinion qu'il nous faut lire Marai pour « échanger avec lui » sur la vie, l'amour et l'existence avec le même intérêt qu'en lisant Kundera ou Zweig : il nous permet de mieux comprendre ce qu'être européen veut dire et nous guérit du sentiment que nous pouvons avoir parfois de n'être plus que des sous produits de la culture occidentale dominée par les anglo-saxons.
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Il fut un temps où je goûtais ce genre de lecture, qui décrivait une époque révolue avec un côté bohème. Ce temps-là est révolu, il faut que je me rende à l'évidence.

Je me suis donc ennuyée tout au long de cette lecture qui, littéralement, "n'avance pas". Au point que l'on retrouve, en fin de volume, les mêmes comparaisons et les mêmes personnages.

Je n'avais déjà pas apprécié ma lecture du dernier roman de l'auteur "La soeur". Ce roman-çi est soit disant son meilleur. Je vais donc abandonné là cet auteur.

L'image que je retiendrai :

Le restaurant Julien chez qui il faut absolument manger.
Lien : http://motamots.canalblog.co..
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Malgré tout mon intérêt pour la Hongrie et la Bretagne, je n'ai pas du tout accroché à ce livre vanté et prêté par ma belle-soeur. Je me dis que c'est peut-être parce qu'à aucun moment je n'ai ressenti de véritable émotion. le style et le fond m'ennuient, alors je préfère abandonner. Je tente La ballade d'Iza de Magda Szabo en espérant que cela m'intéressera.
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