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Windisch est meunier .
Le veilleur de nuit est assis sur un banc.
Le chien aboie.
Il y a un rat dans la paille.
Et puis des lézards, des crapauds, des chouettes, des cigognes et des merles et des grillons et des corneilles., mais pas de faisan.
Ah, non, suis-je bête, le faisan , c'est l'homme.
Le menuisier occupé à terminer le cercueil de sa mère se blesse avec une écharde, sa femme la lui enlève et il lui caresse les seins avec son doigt plein de sang.
Un autre doigt, visqueux, sort de la toison de la femme de Windisch, il voit le doigt. Il sait qu'elle s'est prostituée en Russie.
Atterrissons : nous sommes en Roumanie, sous Ceausescu, et tout ce beau monde, sauf le veilleur de nuit veut émigrer.
Actes de naissance, pas simple, il faut se donner à l'abbé.
Passeports, pas simple, il faut se donner au policier, même l'argent ne suffit pas. « il cherche les demandes de passeport avec les femmes qui veulent émigrer sur un matelas …et doit parfois recommencer jusqu'à sept fois ! »
Et la postière récupère l'argent des timbres et s'achète de l'eau de vie.

Herta Muller, prix Nobel 2009, parsème ces phrases plates, énumératives, d'un peu de piment fantastique : un pommier qui mange ses propres pommes, et qu'il faut donc brûler, un trou dans le cerveau, une araignée dans l'oreille, la chouette qui apporte la mort, le papillon qui traverse les joues du tailleur, la boule de feu dans la gorge du meunier,…
et aussi de symboles, le doigt, la mouche sur le cadavre, la larme de verre à remplir d'eau de pluie, et le souvenir de ces anciens prisonniers de guerre.
Et puis, miracle, l'écriture s'ouvre pour s'approcher au plus près de la faim, ce qu'est la faim, se réjouir de la soupe aux herbes, donner son manteau dans la neige pour un morceau de pain, le hérisson rentre alors, pour quelques heures, ses piquants.
Se prostituer pour ne pas mourir de faim.
Quatre pages, qui valent bien un prix Nobel.
LC thématique octobre : un verbe dans le titre


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J'espère que le jury Nobel n'a pas choisi Herta Müller juste parce qu'elle représentait une minorité opprimée. Comme dans plusieurs de ses livres, elle décrit ici l'exil, et surtout l'attente de l'exil, dans une communauté germanophone en Roumanie.
Décrit ? Il s'agit d'une évocation, dans une prose poétique et surréaliste, entremêlée de moments d'une crudité difficile à supporter.
La situation de ces familles sous le régime de Ceaucescu, sous la corruption et les abus de pouvoir de l'administration et de l'église, l'exil comme seule solution, les souvenirs de guerre, les rancunes accumulées (justifiées ou non), les superstitions résiduelles, mais aussi des visions inexplicables, des images incompréhensibles... La prose d'Herta Müller est tout le contraire de ma phrase précédente. Tout est dit sèchement. En des phrases courtes. Sans sentiments. Avec des répétitions. Mais aussi des fulgurances.

Un livre extraordinaire par le style et par les images, qui coupe le souffle, à la limite de l'écoeurement par moments, et avec des moments qui me sont restés hermétiques mais que j'ai admirés. Vraiment une expérience (dure pour moi dans un moment difficile) choquante mais stupéfiante ; chacun décidera s'il tente l'aventure, je ne regrette pas du tout d'avoir embarqué.
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Un roman sans joie, dont aucun personnage n'est vraiment sympathique.

Cet ouvrage de la récipiendaire du Nobel 2009 n'est pas facile d'accès. Comme plusieurs autres lecteurs, j'avais d'abord refermé le petit bouquin après les premiers chapitres, rebutée par l'écriture sèche et la sexualité crue.

J'ai repris la lecture en 2014 et j'y ai rencontré la vie difficile, l'impuissance devant les autorités qui s'emparent de tes biens, l'attente de passeport avec toutes les compromissions nécessaires pour l'obtenir… sans pour autant y trouver quelque espoir ou bonheur lorsque les papiers arrivent finalement.

J'ai tenté de déchiffrer les métaphores et les descriptions d'un pays rude et désespéré, fait tantôt de sécheresses et tantôt de pluies abondantes.

J'ai découvert d'étranges légendes : un pommier qui mange ses pommes, une chouette qui annonce la mort, et un grand faisan qui n'a pas livré sa signification…

Un monde sans joie, c'est étrange, mais n'est-ce pas la qualité de la littérature que de nous amener en des lieux émotionnels différents?
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Un peu maso de ma part de repiquer à Herta Muller et son univers froid comme la mort, oppressant, désespérant. Mais cet univers est si singulier, le rendu du réel si saisissant que j'ai pris sur moi de me refaire mal (d'autant que le roman est court), pour mon bien.
Nous sommes toujours sous le régime glauquissime de Caeaucescu, cette fois-ci l'homme dans le titre n'est plus un renard mais un faisan, on est toujours dans une périphérie urbaine mal définie entre masures de campagne et banlieue sale, et l'on attend. On attend le départ, la délivrance du passeport toujours repoussée, papier pour le lequel il faut donner toujours plus de sacs de farine, toujours plus d'argent, toujours plus de son corps pour les femmes. En attendant on erre, on s'épie, on se tait, on s'adonne à des étreintes froides.
Les personnages, même ceux qui arrivent à partir, sont prisonniers du livre, seul le lecteur peut quitter cet univers en refermant les pages.
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Je connaissais la réputation de l'écriture de Herta Müller, concise, froide, déprimante, et pour cette raison j'avais tardé à la lire.
J'ai été surprise par la part d'imaginaire et de poésie qu'il y a dans ce court récit, où éléments naturels et émotions se confondent. J'ai souvent repensé à Colline de Jean Giono, lu il y a quelques semaines, où la nature est également une part importante de l'imaginaire.
Le début est comme l'entrée dans un rêve où le paysage est changeant, interfère avec la réalité, le rêve est d'ailleurs récurrent dans le récit par l'entremise du veilleur - quelle ironie! - seul homme du village à avoir décidé de ne pas émigrer.
Nous sommes dans les années 80, dans une Roumanie dirigée par Ceaucescu, le "père du pays", au coeur d'une petite communauté allemande - celle dont Herta Müller faisait elle-même partie. Tous attendent leur visa pour quitter le pays et aller en Allemagne, comme Windisch, le meunier, sa femme et sa fille Amélie.
Mais Windisch a beau amener jour après jour les sacs de farine exigés par le milicien du village afin d'obtenir les papiers réglementaires, celui-ci repousse sans cesse l'échéance. le meunier sait bien que la solution se trouve en Amélie, que le milicien attend, lui ainsi que le prêtre qui doit lui délivrer son acte de naissance, en présence bien sûr de la jeune fille... Mais Windisch, dont la femme a survécu au Goulag en se vendant, ne peut pas se résoudre à livrer sa fille aux deux hommes corrompus.
Cette réalité du pays où Herta Müller a grandi est racontée à coups de phrases courtes. Les corps y sont extrêmement réalistes et omniprésents; les analogies au lait - le ciel, les nuages, les flaques - créent une atmosphère malaisante qui rôde tout au long des pages.
Bien que parfois opaque, j'ai trouvé cette lecture fascinante par ce qu'elle est capable à la fois de dire et d'éveiller sur cette partie de l'histoire roumaine.
Je suis curieuse de découvrir d'autres oeuvres plus récentes d'Herta Müller.
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" Chacun doit faire la putain pour survivre " et, c'est ce que raconte Herta Mûller dans son roman, dans sa fable et un peu dans cette biographie déguisée des années passées sous la dictature de Ceaucescu !
Un meunier ( Mûller est meunier en Allemand ! ) Windisch veut émigrer vers l'Ouest et, il a beau livrer des sacs de farine volés au maire, avancer de grosses sommes d'argent : le passeport promis n'arrive pas . En dernier recours, il décide de laisser sa fille chérie : Amélie se livrer à la prostitution avec un milicien et un pasteur !
Un roman étonnant avec des petits chapitres aux titres poétiques qui, sans suite logique vont faire apparaître la vie difficile des ruraux écrasés, persécutés, martyrisés par l'oppression, la maltraitance ! On sent dans ce récit froid, dépourvu de sentiment, dans ce monde sans joie : toute la douleur que Herta Müller et les roumains d'origine Souabe comme elle ont du supporter mais, en même temps à cette noirceur vient s'ajouter l'évocation de la nature, omniprésente avec les chouettes, la lune, les fleurs séchées par la chaleur, le pommier qui dévore ses pommes et, les intérieurs dépeints avec des objets qui ont une vie autonome : le coucou, le couteau, les tableaux, les draps, la vaisselle et la larme de verre à remplir avec de l'eau de pluie !
Bref, : un univers parfois surréaliste avec une musique blanche qui enveloppe les personnages, avec la crudité du langage et, en même temps la luminosité des accents de la poésie !
Herta Müller a obtenu le Prix Nobel de littérature en 2009 pour l'ensemble de son oeuvre " pour avoir dépeint l'univers des déshérités avec la densité de sa poésie, la franchise de sa prose ".
L.C thématique de février 2023 : un animal dans le titre.
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Dans son village de Roumanie, en attendant le passeport qui lui permettra d'émigrer en Allemagne, Windish, le meunier, traîne sa carcasse. le roman d'Herta Müller se passe dans ce village de Roumanie où le temps s'égrene de sac de farine en sac de farine ... le temps, parlons-en car la conjugaison d'Herta Müller laisse à désirer d'autres temps ... du présent de l'instantanéité au présent de l'éternité, le présent d'énonciation ne laisse que peu de place au futur. Les phrases sont courtes (présent de l'instantanéité) mais le temps se traîne sur la durée (présent de l'éternité) ... Oui, Herta Müller n'écrit quasi exclusivement qu'au présent.
En plus de cette obsession pour le présent ( et on est loin du Carpe Diem), Herta Müller nous vend les obsessions de Windish : l'oeil fixe, comme l'idée fixe, le doigt aussi, le sexe féminin et puisque c'est chouette, les chouettes (les empaillées sont l'obsession du mégissier). C'est assez particulier comme texte ... C'est un peu comme les oeuvres d'Elfriede Jelinek tout en étant radicalement différent ... C'est malaisant ... Car derrière les obsessions des personnages, il y a quelque chose qui fait que chacun se retrouve avec un trou de mélancolie dans la tête : le mal du pays.

Le mal de la Roumanie de Ceausescu, de la Russie et de son hiver sans fin, mais il y a encore l'Allemagne qui corrompt les hommes et les femmes, la Wehrmacht et les SS ... Et l'atmosphère ne s'assainit pas du fait que l'Eglise est au coeur du village car l'Eglise a en son jardin un pommier qui dévore ses pommes ...

Ainsi, le paradis perdu, l'Eden se retrouve livré aux influences de Satan, et depuis, "les vers sont dans les fruits". La nature se pourrit, les hommes et les femmes mangent les fruits pourris et les vers, et la terre se creuse à force des pluies diluviennes, et les chemins pleins d'ornières ne mènent qu'à d'autres chemins lézardés.

PS : Pourquoi ce titre : "L'homme est un grand faisan sur terre" ? Deux occurences dans le texte, dans la bouche du veilleur, tout d'abord, et Windish lui répond que l'homme est plus fort que les animaux ...
La deuxième occurence, c'est Windish qui reprend à son compte la phrase du veilleur après sa plus cruelle déception, lorsqu'il tombe au plus bas et qu'il en prend un coup à son orgueil ... Et qu'il se rend compte que cette phrase, finalement, lui parle.

L'homme est-il un grand faisan sur Terre ? L'homme est-il au moins grand ? Ou n'est-il qu'un faisan, que l'on chasse dans les campagnes ? L'homme n'est-il pas plutôt un oiseau de proie ? Ou un oiseau de mauvais augure ? La chouette surplombe le texte du début à la fin ... L''Homme serait, du coup, une grande chouette sur la terre. En même temps, les oiseaux volent, non ? Lorsqu'ils ne sont pas en cage ou empaillés dans un grenier ... L'homme ne vole pas par contre mais il peut se mettre en cage ou se retrouver empaillé ... En tout cas, c'est sûr, l'homme est un animal dépourvu de plumes et d'ailes donc il est terrestre, sur terre, comme le grand faisan, comme les oiseaux qui ne volent pas ou si peu, comme le coq et la poule. D'ailleurs, le coq de Windish a un drôle de destin lui aussi ... Et il finit dans une grande casserole. Est-ce que l'homme ne serait pas, aussi, un grand coq sur terre ?


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Ca n'arrive pas souvent, mais là, ce roman m'a complètement échappé.

L'écriture est sèche et plate même dans les moments où l'on voit l'imaginaire se mêler à la réalité du présent. A travers des phrases courtes et froides, l'autrice décrit plus qu'elle ne raconte. Mais elle ne décrit pas les gens, ou très peu, au point que les pierres, l'herbe, les ornières et la vaisselle semblent plus vivants que les personnages.

Il y a sans doute plein de symbolisme dans ce bouquin. La chouette qui revient à toutes les pages, adossée à la mort; le blanc, qui apparaît même où on ne l'attend pas; les pommes, qui se font manger par les hommes ou par le pommier lui-même.... Mais franchement me dire qu'il faudrait débattre des heures avec d'autres lecteurs pour y trouver un sens ne m'enchante guère.

Le fil principal de l'intrigue, tiré par ces villageois qui ne savent plus quoi vendre ou donner pour obtenir un passeport tant ils sont tous déjà allé si loin pour ne récolter que du vide est désespérant, volontairement. L'emballage est aussi désespérant, même l'absurde que l'on touche du doigt est désespérant...

Et finalement ne mettre qu'une étoile à un Nobel, signe de mon déplaisir lors de cette lecture, suffit en soi à être désespérant...
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J'attendais beaucoup de ma lecture d'Herta Müller. Je tournais autour de ses livres depuis des années.
Et puis, je suis tombé sur un épisode de l'émission de France culture "Les romans qui ont changé le monde" consacré au livre d'Herta Müller "Le renard était déjà le chasseur". Mathias Enard y recevait Claire de Oliveira et Traian Sandu pour en parler et c'était passionnant. J'y ai donc vu un signe qu'il était temps de me jeter à l'eau et de lire la prix nobel de littérature 2009.

Je suis alors passé à la médiathèque Jean Moulin de Margny-les-compiegne et j'ai trouvé le titre de ce petit opus drôle. Je l'ai donc emprunté.
L'histoire se passe en Roumanie. Un homme Windisch ne pense plus qu'à une chose partir, quitter ce pays si dur pour un autre ou sa femme, sa fille et lui pourront avoir une vie meilleure. Mais pour cela, il faut des passeports et comme dans beaucoup de ces régimes, la seule manière d'en obtenir est de payer. Alors le vieux meunier va payer encore et encore et encore et il va le payer très cher même ce voyage vers un monde qu'il espère meilleur...

Le rythme de ce livre est assez lent. On ressent ainsi le temps qui semble ne pas vouloir s'écouler et les jours qui se succèdent et cette attente interminable du personnage principal pour obtenir le fameux sésame pour sa nouvelle vie.

J'ai aimé l'histoire, j'ai apprécié le personnage principal mais j'ai eu plus de mal avec le style très particulier de l'auteure fait de phrases courtes, parfois presque sans continuité. en tout cas, c'est comme cela que je l'ai ressenti. Malgré tout, je pense que je me plongerais dans quelques temps dans un autre de ses livres pour voir si c'est avec le style d'Herta Müller en général ou seulement avec ce livre que je n'accroche pas.
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Chapitres courts, phrases courtes, sans affect, narration morcelée : au lecteur de reconstituer la triste histoire de ce meunier roumain Windish et de sa famille appartenant à la minorité de langue allemande. Ils veulent fuir le pays et le régime de Ceausescu mais pour obtenir un passeport sont obligés de céder au chantage des puissants : le maire, le juge, le curé qui réclament des sacs de farine et les faveurs de la jeune Amélie.
Le temps est long, la mort est omniprésente, tout s'anime ( le paysage, les meubles, les animaux ) vers une fin certaine.
L'autrice procède par images surréalistes et allégorie pour suggérer l'oppression de cet univers tout en écrivant le réel dans le quotidien le plus banal par petites touches.
Du grand art assurément !


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