Je suis seul et assis sur un rocher, mais je ne sais pas où. Il fait nuit, et le ciel au-dessus de moi a un aspect étrange. Il n’y a pas de lune brillante ni de nuages lustrés ; aucune planète familière ne brille comme une lampe dorée ; aucune étoile brillante n’étincelle comme un joyau vivant dans les profondeurs bleues et limpides de l’éther.
Je ne vois qu’une immense voûte noire — en apparence dure, et frettée de points lumineux bleu pâle. C’est un ciel mort et funèbre ; et pour comparer les petites choses aux grandes, il me fait penser à une mine de charbon constellée de feu-follets. Tout, autour de moi, est enseveli dans une obscurité qui serait absolue, si ce n’était le faible reflet de la lumière des étoiles sur la surface blanche et gelée du sol. Pas un être vivant n’est visible ; une terrible immobilité règne ; pas un souffle d’air ne vient effleurer ma joue ; et la rigueur du froid est plus terrible qu’en Arctique.
« Monsieur,
« J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article sur la possibilité de voyager vers les autres corps du système solaire. C’est un problème auquel j’ai moi-même travaillé pendant de nombreuses années, et je crois que j’ai maintenant découvert un moyen de le résoudre d’une manière pratique. Si vous voulez bien voir mes expériences, et me faire l’honneur de venir ici, je serai heureux de vous les montrer en toute confiance à tout moment qui vous convienne. — Cordialement,
Nasmyth Carmichael. »
La lettre ci-dessus, avec la mention « Privé », m’était transmise par l’intermédiaire du rédacteur en chef du Jour d’après-demain. L’auteur était pour moi un parfait inconnu, et au début, je ne savais pas quoi faire. Cet homme était-il un charlatan, ou un excentrique ? Il n’y en avait aucun signe dans ses phrases franches et simples. Avait-il réellement trouvé un moyen de traverser les espaces célestes ? De nos jours, il vaut mieux ne pas être trop sceptique quant à ce que la science permet d’accomplir. Il est, en effet, sage de garder l’esprit ouvert et suspendre son jugement. Nous sommes aux limites de l’inconnu, et à toute heure la lumière de notre intelligence peut pénétrer l’obscurité, et révéler à nos yeux les secrets des mécanismes internes de la nature.
La Science est tenue, sans doute, d’expliquer tout ce qu’elle peut, sans faire appel à un acte spécial de création ; mais l’origine de la vie et de l’intelligence semble lui échapper. À l’heure actuelle, la génération spontanée à partir de la matière morte est hors de sa portée. Nous croyons que la vie est le produit de la vie. Quant à l’hypothèse que des pierres météoriques, des "fragments moussus d’un autre monde" ont peut-être apporté la vie sur Terre, je ne sais pas quoi penser.