Le jardin de Monet à Giverny

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L'ancien Musée d'Art Américain n'a pas changé de look mais de nom en 2009. Il est devenu le Musée des impressionnismes et veut s'intéresser à l'histoire de l'impressionnisme et à ses conséquences sur l'art du 20ème siècle. A l'occasion de son ouverture, une exposition est entièrement consacrée à Claude Monet et à son travail dans la région de Giverny.
Il est toujours aussi agréable de se rendre dans ce musée proche de quelques centaines de mètres de la maison et des jardins de Claude Monet où l'artiste vivra de 1883 à sa mort en 1926, soit 43 années.

Aujourd'hui, comme souvent, le ciel normand bleu diaphane, presque délavé, est morcelé de nuages moutonneux qui laissent filtrer quelques rayons de soleil au gré de leurs humeurs. Il fait lourd.
- Is that parking free ?
Je ne suis pas encore sorti de la voiture que déjà un touriste japonais s'inquiète de savoir si son budget vacances résistera durablement aux prix exorbitants des places de parkings en France.
Je lui souris béatement pour le rassurer.
- Oh ! Yes, it is free !
J'accompagne ma réponse d'un geste significatif en arrondissant les doigts de ma main droite : « Zero !… Free ! ».
Rassuré l'homme s'éloigne rejoindre sa compagne qui semble s'impatienter.

J'entre dans le musée. le beau catalogue de l'exposition attend les visiteurs. Je verrai à la sortie. Une bonne vingtaine de tableaux du peintre semblent un peu perdus dans les grandes salles réfrigérées. J'aperçois des toiles montrant le jardin du peintre, quelques vues des bords de la Seine ou de l'Epte et, surtout, le fameux étang aux nymphéas. Je repense à Paul Cézanne parlant de Monet : « Ce n'est qu'un oeil, mais bon dieu, quel oeil ! »
Faute de la quantité, je vais me contenter de la qualité ! Aucun souci à se faire, avec Claude Monet, nous sommes dans le tout meilleur de l'impressionnisme. Un régal !

Je remarque que le musée d'Orsay s'est délesté, à regret certainement, de sept de ses toiles. J'en reconnais certaines d'entrée : le bassin au nymphéas avec son pont japonais et, ma préférée, le jardin de l'artiste aux iris bleu mauve vibrants dans la lumière. Qu'il est beau ce tableau !
La visite est entrecoupée de documents historiques divers se rapportant à la vie de l'artiste : courriers autographes signés, livres sur le jardin et beaucoup de photos d'époque dont plusieurs de Théodore Robinson, peintre faisant partie de l'importante colonie d'artistes américains venus s'installer à Giverny autrefois, attirés par la présence de Monet.
Sur une vieille photo d'époque, la famille Hoschedé Monet est installée au grand complet dans le jardin. Nombreuse famille car Claude Monet, veuf de sa première femme Camille décédée à 32 ans, a épousé en 1892 Alice Hoschedé, veuve également. le couple, Alice et Claude, a déjà 8 enfants à eux deux issus de leur premier mariage. Cela fait du monde ! Je reconnais Blanche au premier plan, beaucoup plus jeune que la Blanche vieillissante aux cheveux blancs que l'on voit sur les photos de la fin de vie de l'artiste : la belle-fille de Monet fut la dernière compagne attentive et dévouée de ses dernières années. Elle peignait souvent avec lui dans la campagne environnante. Une de ses toiles est exposée.

De nombreuses études de nymphéas sont présentes. La plupart ont été retrouvées dans l'atelier du maître après son décès. Elles servaient d'études préparatoires pour les « Grandes Décorations » données à l'Etat par Monet en 1927. Je retrouve l'harmonie picturale des fameux « Nymphéas » que j'avais admirés au musée de l'Orangerie à Paris : la symphonie des couleurs, les saules pleureurs trempant dans l'onde, les reflets des nuages dans l'éclat du soleil primesautier, les vibrations des feuillages dans l'eau troublée par le vent, la lumière volage. Seul Monet était capable de rendre ce fouillis aquatique de façon aussi réaliste, souvent proche de l'abstraction.
Je reconnais deux des nombreux nymphéas que possède le Musée Marmottan Monet. Les courbes gracieuses de l'agapanthe et de l'hémérocalle ne pouvaient qu'inspirer l'artiste. Plus loin, j'apprécie un beau paysage du musée d'Orsay : « Champ de tulipe en Hollande ». L'artiste aimait le pays des moulins et des canaux depuis son premier séjour en 1871 à Zaandam avec Camille.

La visite a été trop rapide. Je m'assois un long moment, pensif, au milieu des grandes toiles, immense jardin d'eau qui m'entoure.
Quel travail colossal avait fait cet homme âgé, pensai-je ! Monet n'avait plus besoin de se déplacer sur le motif, il lui suffisait de piocher dans la « palette » de son jardin. Son style de peinture en fin de vie, peut-être dû à ses problèmes visuels, était proche de l'art moderne…

En sortant du musée, je prends le catalogue. Je ne retournerai pas visiter la maison rose de Monet et son jardin. Je les connais si bien.
J'aperçois le couple de japonais qui m'a accosté en arrivant se diriger d'un pas allègre en direction de la maison rose. Je leur fais un signe de la main. L'homme sifflote, heureux.

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