Ma mère disait toujours: "Attendez la nuit pour dire que le jour a été beau."
Jusqu’à épuisement des balles.
Jusqu’à ce que le tumulte retombe pour faire place à des râles et des pleurs qui formaient une étrange musique envoûtante.
Encore quelques secondes et une ultime détonation, séparée de celles qui avaient précédé, se fit entendre. Une négligeable réplique après un séisme majeur.
La dernière balle que le tueur, enfin repu de son carnage, tirerait aujourd’hui.
Dans sa propre bouche.
Il entra. Calmement. Sans gestes précipités.
Les battants se balancèrent quelques secondes derrière lui.
Un témoin resté dans le couloir aurait pu entendre, à peine assourdis par la porte fermée, les hurlements d’horreur qui accompagnèrent les rafales de coups de feu.
Jusqu’à épuisement des balles.
Il était attendu.
Une bonne âme avait-elle eu le courage de venir donner l’alerte ? À moins que les cris venant du rez-de-chaussée n’aient suffi.
Il n’approcha pas son visage de la vitre pour scruter l’intérieur. Il devait agir d’instinct, être capable de s’adapter à toutes les situations.
Il entra. Calmement. Sans gestes précipités.
On pourrait penser que, lorsqu’un dingue se tient devant vous un pistolet à la main, tout le monde autour a la présence d’esprit de fuir pour se mettre à l’abri. Ça, c’est la théorie, mais dans la pratique… La plupart s’échappèrent vers le vestibule ou s’engouffrèrent dans le large escalier qui menait aux départements de lettres et d’histoire. Eux s’en sortirent.
Avec le chargement automatique des balles, il aurait facilement pu dézinguer encore deux ou trois types dans le couloir. Il préféra compter intérieurement les visages apeurés que croisaient ses yeux, comme on effeuille une marguerite.
Je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout.
Pan !
Deuxième cible.
Petite, mignonne, cheveux en chignon, lunettes à grosse monture, robe en tweed à carreaux un peu démodée. Comme Maxence, elle n’avait pas bougé d’un iota. Pas de nuit blanche pourtant. Pas un milligramme d’alcool dans le sang. Une étudiante modèle, qui n’avait pas loupé un cours depuis la rentrée. Elle était demeurée pétrifiée, tout simplement. Il y avait quelque chose de pathétique dans son regard : on aurait dit qu’elle avait renoncé d’avance, que toute tentative de fuite lui avait paru inutile, qu’elle s’offrait au tueur en victime consentante. Il y a des gens comme ça…
Pan !
Deuxième cible.
Petite, mignonne, cheveux en chignon, lunettes à grosse monture, robe en tweed à carreaux un peu démodée. Comme Maxence, elle n’avait pas bougé d’un iota. Pas de nuit blanche pourtant. Pas un milligramme d’alcool dans le sang. Une étudiante modèle, qui n’avait pas loupé un cours depuis la rentrée. Elle était demeurée pétrifiée, tout simplement. Il y avait quelque chose de pathétique dans son regard : on aurait dit qu’elle avait renoncé d’avance, que toute tentative de fuite lui avait paru inutile, qu’elle s’offrait au tueur en victime consentante. Il y a des gens comme ça…
Avec le chargement automatique des balles, il aurait facilement pu dézinguer encore deux ou trois types dans le couloir. Il préféra compter intérieurement les visages apeurés que croisaient ses yeux, comme on effeuille une marguerite.
Je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout.
Pan !
On pourrait penser que, lorsqu’un dingue se tient devant vous un pistolet à la main, tout le monde autour a la présence d’esprit de fuir pour se mettre à l’abri. Ça, c’est la théorie, mais dans la pratique… La plupart s’échappèrent vers le vestibule ou s’engouffrèrent dans le large escalier qui menait aux départements de lettres et d’histoire. Eux s’en sortirent.
Enfin, lorsque cette petite fille qu'elle avait été, cette lointaine silhouette à l'horizon de sa mémoire, eut fini par ne faire plus qu'un avec Camille, elle plaça le canon du pistolet sur sa tempe, et sans trembler, sans éprouver la moindre peur, elle partit rejoindre les fantômes de son passé.
« L’historien, disait souvent François à ses étudiants, doit toujours chercher à distinguer les causes apparentes d’un événement de ses causes réelles. L’attentat de Sarajevo déclencha la Première Guerre mondiale mais il n’en fut pas la cause profonde. » Il était persuadé qu’il en allait de même dans nos vies personnelles.