Quand vous punissez un enfant, cela ne vous fait pas plaisir. Pour autant, il ne faut pas regretter de l'avoir fait.
Si l'on veut prouver que l'on est sain d'esprit, l'apparence est essentielle. Elle sait que les gens remarquent d'avantage les femmes négligées que les hommes, et qu'ils sont toujours prompts à en tirer des conclusions hâtives.
Leur relation avec Camille aurait-elle été différente si elle avait un frère ou une sœur ? Ce que l'on racontait sur les enfants uniques avait-il un fondement ? Surprotégés, craignant sans cesse d'être remis en question, écrasés par un amour trop grand pour leurs maigres épaules ?
Perdait-il la tête? Faisait-il partie de ces gens qui passent leur temps à chercher partout le chiffre du diable ou s'imaginent que le moindre de leur rêve constitue une expérience prémonitoire ? Qui interprètent tout à travers le prisme de leur obsession?
François ne s'était jamais fait à ces réseaux sociaux - pour lui le comble de l'exhibition et de l'impudeur. Il ne comprenait pas comment des gens pouvaient volontairement étaler leurs moindres faits et gestes, qui ne passionnaient personne d'autre qu'eux.
Il détestait quand elle faisait exprès d'employer des mots qu'il ne connaissait pas. Une manière de le rabaisser, de lui rabattre son caquet. Ils n'appartenaient pas au même monde, mais il préférait encore sa famille ignare à ces petits-bourgeois tout fiers de leur culture, de leurs livres et de leurs bonnes manières.
Mathilde sait qu'elle n'aura pas de seconde chance. Elle a conscience de vivre l'un de ces rares moments où vos choix sont moins le fait d'un quelconque libre arbitre qu'imposés par la nécessité.
François ressentit un pincement au coeur, sans pouvoir en identifier l'origine. Peut-être parce que, à ce moment-là, il aurait aimé échanger sa place avec celle de ce jeune homme. Ne plus avoir de contraintes. Goûter à son insouciance naïve. Savoir que l'on a encore la vie devant soi, même si celle-ci ne vous mène vers aucun endroit précis.
Elle se souvenait encore de la tête effarée qu'il avait faite à Noël, lorsqu'il avait ouvert son cadeau et découvert le smartphone. Il n'avait même pas cherché à faire semblant : " Qu'est-ce que tu veux que je fasse de ça ? " avait-il maugréé.
Debout à moins d'un mètre du jeune homme, François l'observait pourtant avec une sorte de fascination: il ressentait le même sentiment d'infériorité qu'en présence de Le Bris, cette impression d'humilité qui suscitent en vous ceux qui savent travailler de leurs mains.