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sur 55 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un titre annonciateur d'une fin, mais la fin de quoi ? Et s'agit-il d'un événement positif ou négatif ? La fin du bonheur, la fin d'une carrière d'écrivain, la fin de la tristesse avant un nouveau départ ?
Le narrateur écrit des livres depuis 20 ans. Des fictions. du moins est-ce ce qu'il veut faire croire à ses lecteurs. Mais il n'est pas dupe, et son entourage non plus. Il sait qu'il est "devenu un menteur, un narrateur obsessionnel et un cannibale, tout ce [qu'il vit, il] le transforme en matériau" pour ses romans. Et cela ne le rend plus heureux, au point d'être dysthymique (trouble dépressif chronique, moins sévère que la dépression), et incapable d'écrire. Mais est-ce la seule cause de son mal-être ? Son couple va mal, sa fille aînée a décidé de partir en internat, son meilleur ami se meurt d'un cancer. Ce contexte cafardeux lui ôte toute inspiration, mais il s'accroche à une ultime tâche comme à une planche de salut : rédiger des réponses aux questions posées par des internautes. La banalité de ces questions pourrait faire craindre des alignements de platitudes, mais le narrateur prend à chaque fois la tangente et se sert des questions comme d'un prétexte à dire ce qui lui tient à coeur, sous forme de tranches autobiographiques en flash-back, et à amener, l'air de rien, une multitude de thèmes. L'amour, l'amitié, la paternité sont les plus récurrents, mais aussi les rêves de jeunesse usés par l'érosion du quotidien, les regrets et l'espoir, le métier d'écrivain (égratignant au passage les polars scandinaves), le monde de la publicité et celui de la politique, et, comme on est en Israël, les attentats, Tsahal et la colonisation des territoires palestiniens. Mais là où le texte est le plus captivant, c'est dans le jeu permanent entre réalité et fiction, dans lequel on se perd avec délices. Dans quelle mesure le narrateur est-il le double de l'auteur, dans quelle mesure le narrateur est-il sincère ? Faut-il le croire quand il dit : "Je mens toujours dans ce genre d'interviews, tu sais, je fournis des réponses d'écrivain. Cette fois, je me suis efforcé d'être sincère ou, du moins, de tendre à la sincérité, et il y a quelque chose de libérateur là-dedans". Mais après tout, l'important n'est pas là mais dans le plaisir du lecteur (le mien en tout cas) à se laisser balader entre vérité et imagination.
Même s'il m'a moins émue que "Le cours du jeu est bouleversé", ce roman rusé, drôle et touchant, savoureux et addictif, est un grand moment de lecture et de littérature, tant il est riche, profond, intelligent et sincère.

En partenariat avec les Editions Gallimard grâce à une opération Masse Critique de Babelio, que je remercie vivement !
Lien : https://voyagesaufildespages..
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C'est l'histoire d'un écrivain, ou plus exactement d'un romancier. Faiseur d'histoire depuis toujours : ado incapable de se masturber sans fantasmes construits (avec situation initiale, péripéties et adjuvants) ; jeune homme se lançant dans l'écriture pour rattraper un trip à la boisson hallucinogène frelatée ; mari racontant ses conquêtes imaginaires à sa femme pour mieux la reconquérir ; père transportant sans vergogne ses enfants dans ses romans et les dépouillant de leur vie intime…
Jacques Laurent avait écrit un « Roman du roman », Eshkol Nevo, lui, a voulu rédiger un roman du romancier. Comment se dépatouiller d'une vie passée à imaginer, tout en se colletant avec le monde (et en Israël peut-être encore plus qu'ailleurs il est difficile de faire comme si le monde extérieur n'existait pas) et une famille qui aspire à des relations de confiance ? Pour y répondre, Nevo imagine une construction auto-fictionnelle plutôt rigolote à partir d'un romancier (lui-même ?) répondant à des questions d'internautes plus ou moins convenues, entre désir d'authenticité et impossible renoncement à la forme narrative. Très vite, l'interview tourne à la confession : ami mourant, couple en crise ; très vite aussi les réponses données aux questions prennent leur autonomie et se transforment en scènes pathétiques ou comiques (le plus souvent les deux) tandis que la frontière entre rêve et réalité se fait de plus en plus mouvante. Un écrivain scandinave devient un double fantasmé, des pattes de homard hantent les ascenseurs ; mais de cette confusion que la forme de l'interview devrait encore rendre plus obscure naît paradoxalement un modèle de composition où les informations, amenées par fragments, dessinent le motif clair d'une crise existentielle finalement surmontée. L'interview est devenue narration et les incongruités racontent métaphoriquement l'histoire d'un homme qui ne sait dire la vérité sans détours.
Tout cela est fort plaisant mais, là où le bât m'a blessée, c'est que je n'ai pu m'empêcher de penser à Rousseau et que j'ai trouvé chez l'auteur les mêmes complaisances que dans les « Confessions ».
Ainsi, même dans l'autodérision, Nevo se donne le beau rôle. Il a abandonné lâchement un compagnon de voyage malade ? C'est sa très grande faute, mais 1) il n'était pas tout seul 2) il a été bien puni (ça m'a rappelé le vol du ruban dans le Lagarde et Michard et cette capacité inouïe de Rousseau à se flageller en faux derche jamais à court d'excuses). Il a vendu son âme à un homme politique dont il abhorre la politique ? Oui mais bon, la rédemption viendra avant le mot fin. Homme de gauche et de dialogue, il est capable de rencontrer et des Arabes et des colons israéliens (quand même pas en même temps, le lecteur aura rectifié de lui-même) : un point partout, balle au centre. Et quand il annonce qu'il va raconter un épisode humiliant de sa vie, c'est pour nous narrer l'attaque d'une romancière vampire qui lui a planté ses canines dans la veine jugulaire pour lui pomper ses souvenirs (et aussi son talent, n'en doutons pas…). Perso, j'ai connu des hontes moins glorieuses.
Et non seulement il est complaisant mais il n'a pas assumé jusqu'au bout le côté foutraque de son livre. Donc il explique (« Les livres représentent parfois un puits où se terrer. Et cette interview aussi est une sorte de puits. »). Il surligne. Au moment où il quitte la chambre d'hôpital son ami meurt, il ne se contente pas de « Il a remonté la couverture jusqu'au cou et a fermé les yeux. ». Non. Il ajoute : « Je savais qu'il faisait semblant de dormir. Alors, je me suis retenu de pleurer. » (Et, en plus, il va à la ligne entre les deux phrases.) Il rabâche. Il explique que sa fille lui en veut de s'être retrouvée dans un de ses romans. Sa femme lui explique que sa fille lui en veut de s'être retrouvée dans un de ses romans. Sa fille écrit un blog où elle explique qu'elle lui en veut de s'être retrouvée dans un de ses romans.
Donc le bouquin est bien, il est malin, mais il est loin d'être génial. Et puis Nevo ne parle que de lui. Et les affres drolatiques d'un écrivain israélien au bord de la dépression, ça me cause moyen. Nevo ne m'a pas parlé de moi. Égoïste.
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C'est quand j'ai réalisé que ce livre me rappelait tout à la fois A l'ombre des jeunes filles en fleur, le Voyant d'Etampes et beaucoup de Philippe Roth que j'ai eu la puce à l'oreille. Aïe, ce billet ne sera pas que laudateur et au-delà des nombreuses qualités que je reconnais à ce roman, je dois avouer qu'il ne m'a pas entièrement conquise.

Pourtant, des qualités, il en a, indéniablement. L'originalité du format d'abord : point de chapitrage classique mais une succession de questions telles celles que des Internautes peuvent laisser à leur idole du moment, d'une généralité et d'une fadeur qui ne présage rien de bon. C'est un premier plaisir de lire la rupture de ton entre ces questions insipides et ce qu'en fait le narrateur. Amorces inoffensives, elles ouvrent à un déluge d'émotions, d'histoires, de souvenirs.

« Vous avez toujours voulu être écrivain ? » est la première. « Y a-t-il quelque chose d'autre que vous souhaitez ajouter ? », la dernière, forcément. Entre les deux « quel est votre souvenir le plus ancien ? », « rêvez-vous de vos personnages ? », « êtes-vous impliqué dans la conception de la couverture de vos ouvrages ? ». Et bien d'autres.

A partir de cette trame ingrate, malgré une dysthymie (une maladie proche de la dépression) contre laquelle il mène « une lutte acharnée, une guerre de tranchées pour ainsi dire » (ce qui dit autant le combat que l'immobilisme ce de ce dernier), le narrateur va écrire un roman. Avec des personnages dont on découvre peu à peu l'histoire, des péripéties dont la véracité sera sans cesse interrogée, des propositions légèrement divergentes des mêmes événements.

Piégé par le dispositif narratif qui exhibe une quête de vérité tout en même temps qu'il la subvertit en introduisant des pans de dialogues, des dérobades, des contradictions, le lecteur enquête malgré lui sur le narrateur, recoupe, subodore, élucide et se laisse ainsi parfaitement mener en bateau. Il aura pourtant été prévenu dès le début : le narrateur invente des anecdotes, « celles-là mêmes censées révéler l'expérience intime [l]'ayant poussé à écrire. » Et tout le problème réside dans le fait qu'elles se sont « tellement perfectionnées devant les publics successifs qu'[il] n'[est] déjà plus certain de les avoir réellement vécues. »

Il faudra donc procéder à un tri sur des fondements qui ne tiendront qu'à notre propre jugement, à notre propre propension à déceler le vrai du faux. Considérer la répétition des motifs à la fois dans La dernière interview et dans ses oeuvres précédentes comme un indice sinon d'avéré au moins d'obsédant. L'expérience en communication politique, l'ami à l'hôpital, le voyage en Amérique du Sud, les copains, les matchs, le service militaire.

Quelques aspects plus politiques aussi amenés par des questions qui n'ont alors plus rien de neutre (ça alors ! Même là nous aurions été bernés, il ne s'agirait pas d'une vraie interview au départ ? Damned !) : les réactions à la traduction arabe des ouvrages du narrateur écrivain, ou encore « Etes-vous favorable à l'accord de Paix « deux Etats, deux peuples » ? ». A ces questions, le narrateur répond en citadin de gauche, contre l'extrémisme des colons ultraorthodoxes, dans un désir d'ouverture et de respect des Palestiniens et de leur droit à habiter cette terre tout à son honneur. Mais aussi « Que faire ? Nous ne sommes pas tous Amos Oz. Nous ne sommes pas toujours concernés et disposés à fournir une réponse suprêmement élaborée à chaque question. Ce qui ne signifie pas que je ne vais pas répondre à cette question, en fin de compte. Mais à ma manière. Bien sûr que je répondrai. Je n'ai pas envie d'y répondre, mais j'ai encore moins envie qu'on pense que j'évite d'y répondre. » Un petit côté Bartleby qui se soigne.

Quand on relit le roman à rebours, qu'on revient sur les premières choses qu'on a crues, on est encore plus admiratif de sa construction en spirale, en serpent de mer dont les anneaux s'enroulent autour de notre crédulité. Et de la façon dont ces manières de faire sont mises au jour, dénoncées autant par le narrateur qui s'en repent, mais récidive, que par les autres personnages qui l'en accusent. Autres personnages qui ne sont que des fictions, des mises en scène décidées par le narrateur, naturellement. C'est vraiment très ingénieux et très abouti.

Avec tout ce que je viens d'écrire de louanges, vous vous demandez sans doute où le bât blesse et pourquoi je vous ai annoncé une puce à l'oreille. C'est que, malgré tout ce dont je viens de vous parler, malgré l'humour et l'autodérision qui débordent de ce livre, le narrateur m'a beaucoup agacée. C'est fait pour, me direz-vous, il est parfaitement agaçant, ça fait partie de son charme. Oui, oui, oui. Un homme qui se gratouille les croûtes du nombril et se trouve, à raison, tout à fait pathétique de le faire, plus encore d'en écrire chaque étape par le menu et de mêler les gens qu'il aime à cette narration honteuse. C'est exactement cela. C'est horripilant et c'est fait pour. On applaudit !

« « Comment, en tant qu'homme, réussissez-vous à décrire des personnages féminins ? » Personne ne l'a remarqué, mais en fait, tous les personnages féminins de mes livres sont des variantes des trois mêmes femmes. Ma femme. La femme imaginaire qui est le négatif de ma femme et avec laquelle j'ai renoncé à vivre dès l'instant où j'ai décidé de me marier. La femme que je suis. J'ai honte de l'avouer mais c'est la troisième qui m'attire le plus. » Quand j'ai lu cela, tout au début du roman, j'ai éclaté de rire et présagé que j'allais passer de très bons moments. Mais ensuite, j'ai tourné en rond avec les spirales du serpent et ai bien peu retrouvé l'élan de ce rire initial : même parmi les femmes qu'il aime, c'est lui qu'il préfère, c'est vrai, toute la suite en sera la démonstration éclatante. On n'est pas loin du solipsisme stérile là.

« Quand avez-vous pleuré pour la dernière fois ? », « Comment conciliez-vous vie familiale et écriture ? » « Comment réussissez-vous à affronter la solitude inhérente à l'écriture ? » Sans doute que l'on ne peut rendre compte du monde que par la vision qu'on en a. Sans doute aussi que ce mélange d'(auto ?)fascination pour le métier d'écrivain, la dysthymie, la crise de la quarantaine et les problèmes conjugaux sont une manière exacte, sinon universelle au moins parlant à beaucoup, de dire la manière dont nous sommes aujourd'hui plantés dans notre présent.

Des doutes existentiels, un confort de vie qui laisse désoeuvré, seulement obnubilé par du cérébral, une crainte de mourir réactualisée par le contexte politique, l'incapacité à trouver du sens à tout cela, à savoir ce que l'on est au-delà de son amour si mal servi pour des personnes à qui notre rapport déceptif à nous-mêmes finit par faire un mal de chien. Des personnes que l'on aime uniquement pour se prouver à quel point on est un pauvre type ? Pauvre Dikla, pauvre Shira, la femme et la fille du narrateur, leur vie n'est pas seulement pillée pour faire de bonnes histoires, elles finissent même par disparaître complètement dans la voix qui dit « je », accumule les versions, les recompositions, les modèle sans leur laisser le moindre souffle d'existence propre.

Evidemment, c'est un roman. Evidemment, les reproches que je lui fais sont un hommage à sa composition magistrale puisqu'elle m'a prise au point de porter crédit à la réalité de ce personnage exaspérant de narrateur.

Mais, j'avoue que je suis lasse de lire des fictions mettant en scène ces aspects-là. de ce que cela voudrait dire à propos de nos individualités modernes incapables de sortir d'elles-mêmes. Ces petits arrangements tièdes et automatiques avec la vérité au point qu'on la perde de vue, cette inertie obsédée de soi, empêchée d'aller chercher ailleurs que dans le passé et les ruminations de quoi nourrir son désir à être, ce prisme autocentré dans lequel je ne m'identifie jamais, tout cela me fatigue. Cette quête de l'autodérision qui devrait tout justifier, tout sauver. Je suis un connard égocentrique mais je le sais et ça me fait rire jaune, noir et cela me rend irrésistible. N'est-ce pas chérie, hein ? dis que je suis irrésistible ! Bah non, pas là, non. Ca ne marche plus, ça ne m'attendrit plus, ça me fatigue.

Vous me direz que je n'ai qu'à m'identifier au narrateur plutôt qu'aux personnages féminins qu'il dénie. Apparemment je n'ai pas la structure qui me permette cette acrobatie. Et ce n'est pas qu'une question de genre. Si c'avait été une narratrice qui avait ainsi gommé tout ce qui n'avait pas été son ego, j'aurais été pareillement exaspérée. Bien sûr, il se trouve que le modèle où c'est l'homme l'écrivain emporte avec lui des décennies de patriarcat et bien des clichés sexistes qui permettent une identification clé en main pour ses lecteurs et lectrices. Mais c'est, pour ce qui me concerne, plus une question de narcissisme que de sexe. Une question de rapport au monde où le « je » n'envahisse pas tout.

Mais si je suis incapable de monter sur un piédestal et de m'identifier aux hypertrophiés narrateurs désabusés, il faudrait au moins que je parvienne à ne plus me considérer obligée à un rapport empathique, compatissant, presque conjugal avec eux. Peut-être qu'alors, sans me sentir appelée à ressentir quoi que ce soit pour ces gusses, j'apprécierais le talent du romancier pour ce qu'il est, c'est-à-dire immense ? Et que ce billet aurait pu se contenter d'être dithyrambique. Ou alors, perdant tout son sel, cette lecture m'aurait ennuyée… Pas simple, cette histoire !
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L'écrivain israélien Eshkol Nevo, auteur de cinq romans,dont un d'entre eux, "Trois étages" a été adapté par Nanni Moretti- au cinéma - et on devrait le retrouver en 2021 lors du prochain festival de cannes si tout va bien- prend un angle assez original pour son sixième roman.

L'écrivain israélien Eshkol Nevo prétend répondre à toutes les questions posées par ses lecteurs internautes.Cette "interview" n'est qu'un prétexte pour raconter la vie tourmentée d'un écrivain qu'on imagine proche de l'auteur, lui permettant d'aborder des thèmatiques comme la création littéraire , ses relations de couple, la politique.

Résultat des courses : 480 pages sous la forme d'un vrai-faux entretien avec un faux-vrai écrivain célèbre pour répondre aux interrogations d'une armée anonyme d'internautes.

Un roman proche de l'autofiction, on se demande souvent où est le vrai ou est le faux et cela apporte pas mal de dimension ludique à l'éxercie.

Dans la dernière interview, il y a aussi beaucoup de finesse et une pincée d'humour pour un ensemble qui nous émeut et nous pousse à la réflexion sur notre propre vie; l'essence même d'un acte créatif, non?
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un écrivain Israélien répond à une interview d'internautes qui nous permet le découvrir au travers des réponses qu'il fournit. Il nous dévoile tous les aspects de sa vie, ses interrogations, ses doutes, sa difficulté à assumer son métier d'écrivain, en particulier vis à vis de sa femme Dikla et de sa fille aînée Shira. L'obsession de la dégradation progressive de son couple est prégnante dans sa narration et son épouse qui a d'abord apprécié son métier le lui reproche bientôt. Les frontières entre les évènements de sa vie et le contenu de ses livres sont floues, il n'hésite pas à y mettre du vécu personnel de nature à froisser Shira au point qu'elle quitte à 16 ans le domicile de ses parents. Ses talents d ‘écrivain le conduisent à accepter de devenir la plume des discours de « Yoram Sirkin », un politique fabriqué par une communication astucieuse qui se révèlera rapidement un être corrompu peu sympathique et dans lequel, on peut reconnaître un « Netanyaou ». L'amitié, l'amour, la compassion pour le peuple palestinien, l' humanisme, les anecdotes truculentes, irriguent ce roman et lui confère une grande profondeur.
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Un écrivain israélien à succès a accepté de répondre aux questions d'internautes sur ses romans. Chaque question l'amène à réfléchir sur sa vie, sur son couple, sur ses relations compliquées avec ses enfants, ou encore sur le cas de son ami atteint d'un cancer.

Eshkol Nevo revient avec un roman mi-autobiographique, mi-fiction combinant l'intime, comme le social ou le politique.

Ne connaissant absolument pas l'auteur, je me suis plongé dans cette interview qui retrace une vie, où l'on peut apprendre que le narrateur est atteint de dysrythmie (un trouble du rythme cardiaque), que sa femme veut le quitter… Une vie qui tombe en ruine, et ce questionnaire lui permet d'en parcourir les méandres.

Une interview qui devient un véritable récit, avec comme fondement la question de la vérité. Car la vérité, est-ce vraiment ce qui s'est produit ? Est-ce des faits avérés ? Ou l'intervalle entre ce qui est arrivé, ce qui aurait pu arriver ou ce que nous redoutons ? le narrateur s'interroge sur cette vérité littéraire car le besoin de transformer la réalité en fiction est forte.

Un narrateur qui aime la terre d'Israël, qu'on ressent à travers les lignes, les mots, même si ce narrateur est un narrateur voyageur, il n'oublie jamais ses origines, sa ville, son pays.

« La dernière interview » est le récit d'un écrivain. Et l'écrivain est un personnage préoccupé, hypersensible, attentif aux injustices. L'écrivain a besoin de l'écriture pour se libérer.

Une très belle découverte, qu'il en soit de l'auteur comme du roman à la fois simple mais bourré de questionnement. Une plume vivante et sensible, un récit entraînant. Eshkol Nevo embarque son lecteur dans cette dernière interview qui met en lumière des moments tout simplement ordinaires de la vie d'un homme.
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Eshkol Nevo, écrivain chevronné,  anime des ateliers d'écriture. Il sait qu'une composition chronologique et linéaire d'un roman est passée de mode (comme je l'ai lu récemment sur le blog de Claudialucia à propos d'un autre livre). Il subit une crise : sa fille ainée a quitté le domicile familial pour un internat dans le Néguev, son couple se dissout avec l'indifférence de Dikla, sa femme, son meilleur ami Ari est hospitalisé avec un cancer en phase terminal et lui-même se trouve en panne d'inspiration pour un nouveau roman.

Il imagine de répondre à une "dernière interview". Sauf que l'interview n'en est pas vraiment une : pas de journaliste pour lui poser des questions, le relancer, exiger des précisions ! C'est un questionnaire venant d'Internet. Et l'écrivain (Eshkol Nevo lui-même?) répond, ou non, fait de longues digressions si bien que le lecteur oublie complètement  la question posée.

"


Réponses sincères ou affabulations?

Quelle importance! Un des sujets de l'interview est le métier d'écrivain. L'écrivain raconte des histoires, invente des histoires, brode sur son histoire et  celle de sa famille ou sur une histoire entendue dans l'autobus (les Israéliens ne se privent pas de parler fort dans leurs téléphone et d'étaler leur vie privée dans les transports en commun). Au lecteur de recoller les anecdotes livrées dans le désordre et  de plonger dans le monde de l'auteur!

Quand il n'écrit pas, l'auteur présente ses livres à l'étranger et en Israël. Il ne recule pas devant des invitations en milieu difficile comme dans les colonies dans les territoires. Quand on lui demande pourquoi il est venu il répond :

"La curiosité. Je suis curieux de vous connaître. de même que les implantations, plus généralement. le fait que
vous ayez choisi d'habiter dans un endroit pareil... exerce une influence sur l'avenir de notre pays. Et sur ma
propre existence. À vrai dire, je pense que vos communautés représentent un obstacle à la paix. Franchement ?
Je pense que vous anéantissez toute chance que moi et mes enfants vivions jamais une existence normale dans ce
pays. Mais tout cela, je le pense de loin. "

Ou dans un lycée conservateur où un de ses livres au programme du bac a été étrangement censuré.

"Elle m'a tendu le livre recouvert d'une protection plastique de bibliothèque, je l'ai ouvert et presque aussitôt je
les ai remarqués : les passages en blanc. Chaque fois que la voix de l'ouvrier palestinien apparaissait dans
l'ouvrage original, un blanc l'occultait. Au début, peu de passages de ce genre, ensuite, plus nombreux, et, à la
fin de l'ouvrage, lorsque le Palestinien va en prison, il n'y en avait plus besoin."

La lycéenne avait imaginé que les blancs étaient la "voix du silence", très poétique.....

Dans cette interview, le lecteur fera connaissance avec l'auteur, sa famille et même son célèbre grand-père Levi Eshkol, Premier ministre de l'Etat d'Israël de 1963 à 1969, que l'auteur n'a pas connu. le lecteur assistera à une leçon d'écriture :

"qu'est-ce qu'une intrigue? Qu'est-ce qu'un rebondissement dans l'intrigue....

C'est aussi un joli roman sur la paternité. Un écrivain reste à la maison. Quand il est père de trois enfants il a le temps d'aller les conduire à l'école, de leur inventer des histoires....

Je vais chercher les autres ouvrages pour rester dans l'univers de cet auteur!



Lien : https://netsdevoyages.car.blog
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Chaque expérience de lecture dépend du moment qu'on a choisi pour lire un livre. Lorsque j'ai commencé “ La dernière interview, je venais de reprendre mes lectures après des mois difficiles, suite à un deuil très douloureux. Il faut dire qu'au début le style m'a surpris et la concentration m'a joué des tours.
Mais je savais que je ne pouvais pas être déçue d'un écrivain comme Eshkol Nevo, dont j'ai lu presque tous ses livres. J'ai enfin trouvé le moment opportun et la magie a opéré.

Eshkol Nevo aime jouer avec les lecteurs. Parfois on se pose la question s'il parle de lui-même mais on se rend compte en même temps que c'est la fiction qui guide presque toute la lecture.
Le livre est fait de questions- réponses, où les internautes posent de différentes questions à un écrivain. Dans ses réponses il parle de sa vie de famille, de la crise qui traverse son couple, de sa carrière et de divers sujets et tout cela sous forme d'anecdotes avec l'humour qui ne manque jamais.
Ce sont des histoires qui font réfléchir et peuvent toucher chacun de nous. Pour ma part j'ai beaucoup aimé l'histoire des deux amis qui se soutiennent dans la maladie. Quelques larmes se sont mises à couler, parce que cela m'a rappelé combien c'est difficile d'accompagner une personne qui a le cancer. Mais rassurez-vous, rien n'est triste dans ce livre. Il y a toujours cette légèreté qui nous fait penser qu'on a passé de magnifiques moments de lecture.

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je ne connaissais pas l'auteur, je ne sais pas si c'est auto-biographique car fiction et réalité s'entremêlent. le narrateur répond à des questions d'internautes sur un site web: ce n'est pas spontané et l'auteur n'a pas eu envie d'y revenir, il a décidé de cesser d'écrire, sinon, il aurait fallu regrouper les thèmes, éviter les répétitions. Outre les anecdotes, le narrateur répète ce qu'est devenue sa vie, il est victime d'une dys-ryhtmie (proche d'une dépression) sa femme veut le quitter, sa fille aînée a choisi l'internat, son meilleur ami se meurt d'un cancer; le tout se passe en Israël et dans tous les pays où l'écrivain est allé donner des conférences (même des pays à risque pour lui comme la Palestine et la Syrie)notamment en Amérique du sud.
Heureusement, il ne répond pas vraiment aux questions des internautes car elles sont assez peu originales: pourquoi, où et comment écrivez-vous etc. Ecrit en 2018, sortira en août 2020 (je m'aperçois que je n'ai pas attendu la date de sortie, désolée)
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Autre roman de la rentrée littéraire lu récemment.

Le dernier roman d'un écrivain israélien, qui visiblement remporte un succès dans de nombreux pays mais que je n'avais encore jamais lu.

La forme de ce roman est très particulière et originale. C'est une interview fictive d'un écrivain via messagerie Internet.
Aussi, lit-on 466 pages de questions réponses sur une multitudes de thèmes: vie de l'écrivain, travail d'écriture, relations avec sa compagnes et ses enfants, inspirations, Israël, le conflit israélo-palestinien...

C'est passionnant à lire car chaque réponse quasiment donne lieu à un court récit, très complet et détaillé, romanesque et inventif comme de la pure fiction.

Voici donc un livre inclassable mais marquant parmi tous les livres publiés à l'occasion de cette rentrée littéraire.

A lire je pense!
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