Troisième roman de
Colin Niel que je lis, troisième coup de coeur…
Darwyne a 10 ans, il vit avec sa mère dans un bidonville de Cayenne. Plus que tout, le petit garçon aimerait que sa mère l'aime et ne plus la partager avec les beaux-pères de passage. Mais Yolanda ne montre aucune affection à cet enfant différent, aux jambes tordues et au regard sans cesse tourné vers la forêt qui borde leur cabane. La forêt, Yolanda l'a en horreur, elle est terrifiée par cette immensité inconnue et menaçante. Arrive dans leur vie Mathurine, éducatrice pour les services sociaux, qui mène une enquête après avoir reçu un signalement de maltraitance. Très vite Mathurine est fascinée par le lien entre l'enfant et la forêt. Entre cette femme en mal d'enfant et l'enfant mal-aimé, petit à petit une relation se noue.
Au coeur de ce roman, un enfant. Un personnage étonnant et attachant, avec une grande part de mystère. Est-ce que
Darwyne est simplement un petit garçon handicapé et solitaire ? Ou est-il un être fantastique, qui appartient plus à la forêt amazonienne qu'au monde des hommes ? Tout le temps du roman, il est à la lisière des deux mondes, incapable de choisir. On ne peut qu'être touché par cet enfant, rejeté par tous à cause de sa différence, y compris et surtout par celle qu'il aime plus que tout. Mais on peut aussi, et surtout pour ma part, être fasciné par le lien mystérieux qui unit l'enfant et la forêt.
Darwyne comprend la forêt, mais cette connaissance n'a rien de théorique. Il ressent, vit la forêt, comme personne, connaît chaque plante, chaque arbre, chaque créature.
La relation entre
Darwyne et sa mère, amour absolu d'un côté et rejet de l'autre, est douloureuse pour le lecteur. le garçon représente tout ce que Yolanda rejette. Elle souhaite une autre vie à ses enfants, qu'ils s'extraient de la pauvreté, du bidonville et de cette proximité avec la forêt, pour rejoindre un monde civilisé, vivre dans une vraie maison et avoir un véritable emploi. Comme l'a fait sa fille aînée. Mais
Darwyne la renvoie à une animalité qui l'effraie, alors elle lui renvoie sa peur sous forme de colère et est prête à tout pour le (re)dresser.
Si par son travail Mathurine côtoie la pauvreté extrême, elle ne la vit pas. Passionnée par la forêt, elle s'y réfugie pour oublier le quotidien, les piles de dossiers d'enfants maltraités et surtout son désir d'enfant. C'est donc un tout autre regard qu'elle porte sur
Darwyne. Elle voit toute la beauté de cet enfant extraordinaire et cherche doucement à l'apprivoiser.
Yolanda et Mathurine incarnent deux figures maternelles, mais aussi l'opposition entre deux mondes. Yolanda est le seul lien qui retient
Darwyne dans le monde des hommes, Mathurine le relie encore un peu plus à la forêt. Encore aujourd'hui, la forêt amazonienne cache de nombreux secrets (pour info, entre 2014 et 2015, 381 nouvelles espèces animales et végétales ont été découvertes dans la région amazonienne !). Il y a d'ailleurs une très belle scène dans laquelle Darwyyne feuillette les livres naturalistes de Mathurine qu'il trouve bien pauvres. Car lui a vu bien plus dans la forêt. Des plantes, des animaux, des créatures plus étonnantes encore peut-être qui n'ont jamais été répertoriés. Cette scène illustre parfaitement à la fois ce qui nous reste à découvrir de la forêt amazonienne (trésor inestimable malheureusement en grand danger…) et le mystère lié à ce monde primaire, inconnu, à la fois fascinant et inquiétant. Une forêt qui semble d'ailleurs douée d'une volonté propre et avancer à la rencontre de
Darwyne. Jonhson, le beau-père n°8, a l'impression que la forêt pousse plus vite sur leur terrain que sur ceux des voisins. Et il s'interroge. Est-ce à cause de l'emplacement, de la lumière, de la terre sur leur parcelle ? Ou y a-t-il une raison plus étrange liée à
Darwyne ? Comme ces animaux qui rôdent près du carbet et s'approchent de l'enfant…
Comme dans les précédents romans que j'ai aimé de l'auteur, ce nouveau roman mêle à la fois des thématiques sociales très actuelles (ici maltraitances familiales, pauvreté, condition des immigrés …) et le rapport de l'homme à la nature. C'est un très beau roman, fort et vibrant,à l'atmosphère envoûtante frôlant parfois le fantastique. Je me suis complétement laissée porter par l'histoire de cet enfant extraordinaire inspiré d'une légende amazonienne et par cette immersion dans la splendeur de la forêt.
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