Depuis un an et demi, Antoine et Martin cherchent des traces sans en relever aucune. Des renards, des sangliers, mais l'ours Cannellito ne se manifeste pas. Il est le dernier spécimen de son espèce. Sa mère a été abattue en 2004, et il n'a pas trouvé de femelle pour se reproduire — elles ont été tuées, elles aussi.
Garde au parc national des Pyrénées, Martin anime anonymement sur Facebook le groupe STOP HUNTING FRANCE. Simple espace d'expression où pointer les pratiques barbares de la chasse à sa création, le groupe lui sert à présent à enquêter et à dénoncer les atrocités commises et revendiquées à coups de photos tout sourire, « trophées » brandis sur les réseaux sociaux. Martin publie les noms et les coordonnées des coupables (je pèse mes mots), afin que le peuple fasse sa loi, puisque la justice ne bouge pas. Lorsqu'une nouvelle image apparaît sur la toile, ni Martin ni les administrateurs du groupe ne trouvent d'infos. Sous le pseudo Leg Holas, une femme, arc au bras, pose devant le corps d'un lion tué sauvagement. Plus que les autres, ce cliché blesse Martin : l'absence de mise en scène et le regard dément de la meurtrière l'interpellent.
Elle s'appelle Apolline Laffourcade. Toi, lecteur, tu le sais. Parce que l'auteur a décidé de te la présenter. Et si tu es comme moi, tu vas la haïr dès ses premiers mots. Une petite bourgeoise de 20 ans qui se dit passionnée par la faune et à qui son père, pour son anniversaire, vient d'offrir un arc dernier cri, et un voyage en Namibie pour voler la vie d'un lion qui n'attend qu'elle. « Apo » a beau jouer la gentille fille à papa, sortir les violons quand elle parle de sa mère morte récemment, elle n'a provoqué chez moi que colère et dégoût. Une envie de la livrer en pâture à la nature sauvage qu'elle saccage, pour qu'elle reçoive au centuple le mal qu'elle est capable de faire.
Et c'est là que tout bascule. Car une fois en Afrique australe, l'auteur introduit un autre personnage : Kondjima, qui a vu son troupeau de chèvres massacré… par un lion. Loin des lubies de la gamine gâtée, le jeune homme a comme une revanche à prendre. Et c'est bien lui qui m'a le plus perturbée, parce que je n'imaginais pas un instant faire l'effort de comprendre sa position. Entre le thriller et le récit d'aventures,
Colin Niel a réussi à m'entraîner dans cette histoire sans que je puisse lever le nez du bouquin. Je suis malade si je marche sur la queue du chat alors un roman sur la chasse, pensez-vous ! Les thèmes – l'impact de l'homme sur la nature, la préservation de la faune, le climat – sont si bien exploités qu'on perd assez vite de vue l'aspect fiction. J'ai été touchée par la question de l'honneur, à travers le personnage de Kondjima, j'ai aimé les positions radicales de Martin, fervent défenseur de la cause animale… et j'ai détesté Apolline tout du long. le style est simple, dynamique, et la tension toujours présente sert l'intrigue jusqu'au clap de fin. Ni tout blanc ni tout noir,
Entre fauves pousse à s'interroger, dans des décors joliment décrits.