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EAN : 978B00HNBR020
Gallimard (30/11/-1)
3.8/5   5 notes
Résumé :
181 pages.
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EXTRAITS - 7 ( 121 )

Fragments Posthumes



La plante qui dans sa lutte infatigable pour l'existence ne parvient à porter que des fleurs étiolées, nous jette soudain, une fois qu'un heureux destin l'a soustraite à cette lutte, le regard de la beauté. Ce que la nature veut nous dire par cette volonté de beauté qui perce partout et tout de suite, il ne devra en être question que plus tard : il nous suffira ici d'avoir attiré l'attention sur cet instinct lui-même, car nous avons quelques chose à apprendre sur le but de l'Etat. La nature s'efforce d'atteindre la beauté : l'ayant atteinte quelque part, elle prend alors soucis de sa reproduction ; elle a besoin pour cela d'un mécanisme hautement artificiel, l'intermédiaire entre le monde animal et le monde végétal, s'il s'agit de perpétuer la belle fleur individuelle. C'est un mécanisme semblable, mais plus artificiel encore que je reconnais dans l'essence de l'Etat, qui me paraît être également, selon son but ultime, une institution d'entretien et de protection pour des individus, pour le génie, si peu que son origine cruelle et son comportement barbare laisse deviner de telles fins. Ici également il nous faut distinguer entre un mirage, que nous cherchons à atteindre avec avidité, et un but effectif que la volonté s'entend à atteindre par nous, peut-être même contre notre conscience. Et dans l'énorme appareil dont est entouré le genre humain, dans la mêlée sauvage où l'on vise les fins égoistes, il s'agit finalement aussi d'individus : mais on a pris soin que ces individus ne puissent pas se réjouir de leur situation anormale. En fin de compte, ils ne sont eux aussi que des outils de la volonté et ils ont à pâtir en eux-mêmes de l'essence de la volonté : mais quelque chose est en eux, pour quoi la ronde des astres et des états est donnée en spectacle. En cela également le monde grec est plus sincère et plus simple que les autres peuples et les autres époques, tout comme d'une façon générale les Grecs ont en commun avec les autres génies d'être comme les enfants et, en tant qu'enfants, fidèles et véridiques. Pour les comprendre, il suffit de savoir parler avec eux.

L'artiste grec ne s'adresse pas avec son oeuvre aux individus, mais à l'Etat ; et l'éducation par l'Etat n'était à son tour rien d'autre que l'éducation de toute la jouissance de l'oeuvre d'art. Toutes les grandes créations de l'art plastique et de l'architecture aussi bien que celles des arts des Muses ont en vue de grandes impressions populaires, que l'Etat entretient. La tragédie en particulier est chaque année un acte de célébration dont la préparation est assurée par l'Etat et qui réunit le peuple tout entier. L'Etat était un moyen nécessaire de l'effectivité de l'art. Mais s'il nous faut désigner comme la fin propre de la tendance de l'Etat ces êtres individuels, ces hommes qui s'immortalisent dans le travail artistique et philosophique, alors la force prodigieuse de l'instinct politique, au sens le plus étroit du sol natal peut nous apparaître comme une garantie de ce que cette suite de génies individuels est une suite continue, de ce que le sol sur lequel seulement ils peuvent grandir ne sera pas rompu par un tremblement de terre et ne sera pas entravé dans sa fertilité.

Pour que l'artiste puisse voir le jour, nous avons besoin de cette situation pareille à celle du faux bourdon, exemple du travail servile : pour que la grande oeuvre d'art puisse voir le jour, nous avons besoin de la volonté concentrée de cette situation de l'Etat. Car lui seul, force magique, peut contraindre les individus égoïstes aux sacrifices et aux préparatifs que suppose la réalisation de grands desseins artistiques : ce dont relève presque avant toute chose l'éducation du peuple, dont la fin est de faire comprendre l'exemption de ces individus, en même temps que leur fantasme, comme si la foule avait à encourager elle-même l'épanouissement de ces génies par sa participation, son jugement, sa culture. Je vois là partout uniquement l'action d'une volonté qui pour atteindre son but, sa propre glorification dans des oeuvres d'art, dépose de multiples mirages entrelacés bien plus puissants que le discernement lui-même par lequel on comprend que que l'on est livré à une illusion. Mais plus l'instinct politique est fort, plus la suite continue des génies est garantie : en supposant que l'instinct trop surchargé ne commence pas à se déchaîner contre lui-même et à planter ses dents dans sa propre chair : car alors suit la malédiction des guerres et des luttes partisanes. Il s'en va semble-t-il presque comme si la volonté avait de temps en temps besoin de tels déchirements de soi comme d'une soupape, en quoi elle est encore fidèle à sa nature redoutable. Du moins, à l'ordinaire, régularisé par de tels évènements, l'instinct politique travaille-t-il avec une force nouvelle et surprenante à préparer la naissance du génie. Il faut en tout cas constater que dans la surcharge de l'instinct politique chez les Grecs la nature témoigne de ce qu'elle exige de ce peuple dans le domaine artistique ; en ce sens le spectacle horrible des partis qui s'entre-déchirent est quelque chose qui inspire le respect, car du sein de cet assaut et de ce choc s'élève le chant inouï du génie...
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