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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Grand historien spécialiste de l'histoire de la classe ouvrière et pionnier de l'histoire de l'immigration en France, Gérard Noiriel a publié tout au long de sa carrière une quantité impressionnante de travaux. En 2018, il s'inspire de l'oeuvre d'Howard Zinn sur les États-Unis (« Une histoire populaire de l'empire américain ») et décide de proposer à son tour une « histoire populaire » de la France, de la Guerre de Cent ans à nos jours. Un travail colossal, qui vise à mettre en lumière non pas le point de vue exclusif des dominés ou des dominants, mais plutôt de proposer une analyse de la domination et de la manière dont s'articulent et se mettent en place les relations de pouvoir qui lient les hommes entre eux. le résultat est un ouvrage de près de huit cent pages d'une densité et d'une richesse incroyables qui apporte un contre-point bienvenu à l'histoire réactionnaire qui a actuellement le vent en poupe, notamment dans les médias. Ici, il n'est pas question d'étudier l'histoire de France par le biais de tel souverain ou tel grand homme politique. Non, ce qui intéresse Gérard Noiriel, c'est le peuple où, pour être plus précis, les classes populaires. L'ouvrage se décline en une quinzaine de chapitres, chacun consacré à une période bien précise, dans lesquels l'auteur détaille les spécificités des classes populaires de l'époque : comment vivent-elles ? Quelles sont ses interactions avec le pouvoir en place ? Quelle est son degré d'implication dans la vie publique ?…

L'auteur revisite ainsi toute l'histoire de France qu'il choisit de débuter à la fin de la Guerre de Cent Ans, époque à laquelle l'État royal parvient véritablement à s'imposer. de la même manière, c'est seulement à partir de ce moment qu'on peut parler véritablement de « peuple français », en tant qu'ensemble d'individus liés entre eux par leur dépendance au même pouvoir souverain. Noiriel étudie ainsi dans un premier temps le glissement du féodalisme à une dépendance collective au pouvoir royal en nous exposant la manière dont cet état souverain s'est construit, ainsi que les conséquences que cela a eu sur les classes populaires. C'est par ce prisme que l'on revisite les Guerres de religions (où l'on découvre que les arguments religieux furent en fait bien souvent des prétextes pour justifier des intérêts sociaux), les règnes de Louis XIII et Louis XIV (où on réalise que la grandeur d'un état ne fait pas nécessairement le bonheur de son peuple), puis ceux de Louis XV et Louis XVI (qui virent l'essor du capitalisme marchand et la perfectibilité des moyens de contrôle et d'identification des « marginaux »). L'auteur consacre également un chapitre à l'empire colonial français, ce qui lui permet d'aborder la mise en place du système esclavagiste ainsi que la progressive racialisation du droit colonial qu'il analyse comme étant avant tout un moyen de briser les solidarités de classes.

Il faut attendre la fin du XVIIIe et la Révolution française pour que les classes populaires parviennent enfin à véritablement s'imposer sur la scène politique française. Et encore, que de résistances à accorder ne serait-ce qu'un minimum de pouvoir au peuple ! Très vite, la démocratie balbutiante qui se met en place vacille, car elle repose sur deux conceptions contradictoires de la citoyenneté : d'un côté la délégation de pouvoir à des représentants, de l'autre l'implication directe des citoyens défendues notamment par les sans-culottes. C'est évidemment la première conception qui prend le pas sur la seconde qui ne cesse d'être discréditée, et ce dès la fin de la Révolution. Suivront plusieurs autres régimes sur lesquels l'auteur s'attarde plus ou moins longuement (Consulat, Premier Empire, Restauration, Second Empire...), avant que la république ne soit de nouveau proclamée. Noiriel focalise ensuite son étude sur la progressive structuration de la classe ouvrière (qui compose alors la grande majorité des classes populaires) et sur la répression auxquelles elle fut alors confrontée de la part du pouvoir républicain. En filigrane, on suit les grands moments de l'histoire de France : la Commune de Paris, l'affaire Dreyfus, la Première Guerre mondiale, la crise des années 1930, la parenthèse du Front populaire, la fin de la IIIe République, le régime de Vichy…

Avec la Libération, et grâce l'instauration d'un rapport de force favorable aux classes populaires, on assiste au milieu du XXe à la mise en place d'un certain nombre de droits dont nous bénéficions toujours aujourd'hui, et ce malgré les tentatives de plus en plus nombreuses de détricotage de l'état social entrepris par le pouvoir. Pour la première fois de leur histoire, les classes populaires voient reculer l'insécurité qui était depuis toujours leur lot quotidien et bénéficient enfin d'un filet de sécurité. Après cette conquête des droits, qui a été une des caractéristiques majeures de la décennie d'après guerre, c'est l'accès à la consommation qui devient celle des années 60, puis l'entrée dans la mondialisation à partir des années 80. Aujourd'hui, le libéralisme a triomphé et les luttes sociales menées par les classes populaires sont désormais totalement marginalisées sur la scène publique (par les médias comme les partis) au profit des questions sécuritaires. Noiriel termine son analyse par une conclusion de quelques pages consacrées au programme et à la première année du quinquennat d'Emmanuel Macron. L'occasion de se rendre compte que, en dépit d'un discours de rupture, le président actuel s'inscrit au contraire dans une longue lignée d'hommes politiques ont les arguments et le vocabulaire remontent aux XXe, voire XIXe siècle.

Cette « Histoire populaire de la France » est un ouvrage de synthèse passionnant qui réunit une masse de documentation absolument colossale et nous permet de découvrir l'histoire de France, non pas à travers le parcours des « grands » de ce monde, mais à travers celui des classes populaires. le voyage est captivant et permet de mieux comprendre l'évolution de notre pays, que ce soit sur le plan politique, économique ou social. Au terme de cette lecture, on pourrait être tenté de se sentir découragé face aux défaites innombrables infligées tout au long de notre histoire à cette classe qui représente pourtant la majorité de la population. Ce serait toutefois faire abstractions des nombreuses victoire qu'elle a aussi remporté afin de se faire entendre et de faire en sorte que les intérêts d'une minorité ne priment pas sur ceux de la majorité. « Même lorsqu'il est vaincu, le peuple influe toujours sur le cours de l'histoire parce qu'il n'est jamais possible d'effacer complètement la trace de ses combats » : l'ouvrage de Gérard Noiriel l'illustre parfaitement.
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Parcourir l'histoire du XIIIème siècle jusqu'à aujourd'hui sans attribuer la marche de l'histoire aux Grands Hommes mais seulement en portant le projecteur sur les classes populaires, était un pari très Risqué.
Et c'est une réussite totale.
Je me suis donc retrouvé à parcourir ces 7 siècles d'histoire de la France, a travers les petites gens, les gens de peu, les « rien ». On en ressort, grandis, fortifié, plus intelligent, plus ouvert et plus noble.
Nous ne venons pas de nulle part et nos vies ont du sens. Nos relations se sont enrichies de milles détails, de milles faon de vivre et il existe un lien ténu entre le croquant du 18ème siècle et les ouvriers promouvant le théâtre de Jean Villars.
A la lecture de cette belle somme on comprend les gilets jaunes et les peurs, les frayeurs de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. On peut également à travers cette lecture entrevoir des possibilités de rédemption, qui ne viendra d'aucun Grand Homme mais de nous, humains (femmes et hommes) vivant en notre temps et léguant un horizon à ceux qui viennent après nous.
Lecture INDISPENSABLE !

(Sur mon site des citations en plus et mes croquis note de lecture)
Lien : https://tsuvadra.blog/2019/0..
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40 ans de travaux de recherche historique, une écriture très fluide et imagée = chef d'oeuvre !
Facile à lire sur un sujet extrêmement bien documenté, on se sent intelligent à la fin de ce livre. Chaque chapitre pour chaque époque, est un petit livre en soi. Et on peut lire les 750 pages en plusieurs fois !
L'histoire retient essentiellement les faits et gestes de l'élite au pouvoir et les livres qui parlent du versant populaire, comme celui là, sont très rares.

On retient quelques messages fort en fil rouge de l'oeuvre globale :
Le peuple à toujours été écarté des décisions de gouvernance, sous divers prétextes (pas d'éducation, manque de leader...)
Les soulèvements qui ont abouti, même sur de très courtes durées, bénéficient de l'appui d'une élite intellectuelle, mais les divergences d'intérêt font généralement tourner court la tentative.
Ce sont les outils de communication (de l'imprimerie aux réseaux sociaux) qui permettent l'effet de masse.
La répression des Élites gouvernantes a toujours été violente, voire sanglante.
Aujourd'hui le peuple ne possède nulle part le pouvoir, et ce depuis très longtemps.
Enfin l'élite s'est toujours arrangée pour faire passer l'immigration comme normale quand elle en a besoin pour disposer d'une main d'oeuvre exploitable, et surfer sur la peur populaire de l'immigré en période de crise.
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De Jeanne D'Arc au début du premier mandat d'Emmanuel Macron, il y a pas de loin de sept siècles qui se sont écoulés. (Le temps de passer d'une quasi absence de témoignages directs de ceux en bas de la pyramide féodale, à une profusion de témoignages de n'importe qui sur n'importe quoi via les réseaux sociaux.)
C'est sur ce temps long que Gérard Noiriel retrace en détails pour nous l'histoire populaire de la France afin de bien constater qu'aucune révolte n'arrive de nulle part.

Ce livre est le résultat d'un très long travail dont on lui sait gré, et si ça ne peut être passionnant pour tout le monde, c'est au minimum utilement instructif.
Parce que ce livre se termine juste avant le mouvement des gilets jaunes, je voulais ajouter pour ceux que ça intéresse que M. Noiriel a écrit un article à ce sujet (entre autres) :

https://noiriel.wordpress.com/2018/11/21/les-gilets-jaunes-et-les-lecons-de-lhistoire/
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De la Guerre de cent ans à Macron, voilà un ouvrage de synthèse s'attachant à éclairer le lecteur sur l'action et le rôle du peuple dans les événements qui ont fait l'histoire de France, siècle après siècle. Peu de rois, peu de ministres, peu de chefs de guerre ici, mais un peuple qui subit, agit et se révolte. La fracture de la Révolution française de 1789 dont sont sortis la société et les conflits modernes est bien mise en évidence.
L'auteur insiste avec raison sur l'immigration qui a contribué à construire la France y compris à travers bien des difficultés, et sur son corollaire, les crispations identitaires.
Cet ouvrage de 800 pages notes comprises et une véritable somme indispensable à celui qui veut prendre du recul sur notre société contemporaine.
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Un livre à mettre entre toutes les mains, et notamment celles des plus jeunes (enfin… pas trop jeune quand même).

Dans la lignée des excellentes histoires populaires qui voient le jour depuis quelques années (H. Zinn sur l'Amérique, C Conner sur la science, C Harmann sur l'humanité), Noiriel livre une relecture du roman national qui, pour poursuivre avec cette idée de roman, nous fait passer de la princesse de Clèves à Germinal.
Non pas pour nous faire mieux pleurer, mais parce que l'histoire des France n'a de sens que si elle parle de l'histoire des Français (de mêmes que le siècle de Louis XIV s'éclairait « soudain » d'un nouveau jour sous l'excellente plume de Pierre Goubert dans Louis XIV et vingt millions de Français).
Et, comme chaque fois que l'histoire analyse des faits historiques significatifs et leurs ressorts, elle est aussi une brillante sociologie autant que science du politique (au sens de l'étude des mécanismes du vivre en communauté/société, et non du seul pouvoir institutionnel) et, encore, géographie humaine.
Elle est même, dans le cas de la France, pays impérialiste s'il en est, histoire du monde.
Résumer cette somme n'aurait aucun sens (outre que je ne vois aucun intérêt aux résumés de livre sur Babelio). En revanche, je crois fermement que le bouquin de Noiriel est sans doute l'un des meilleurs actuellement disponibles pour comprendre l'état actuel de notre pays et nombre des sujets qui le traversent et le déchirent.

Le comprendre, non seulement : s'en faire une idée juste aussi ! Car Noiriel est engagé, il a raison de l'être. Que nous raconte l'histoire de notre pays, pour qui veut bien la lire comme il faut ? Oui : si chacun pense savoir comment il la faut lire, toutes les lectures, et donc tous les récits dont elles accouchent, ne se valent pas ! Car l'enjeu est celui du vivre ensemble, question elle-même intimement liée à la justice sociale.
Aussi faut-il comprendre comment l'État a réussi à imposer sa marque au peuple et comment, dans ce cadre, les luttes entre les catégories sociales (et à l'intérieur de celles-ci) se sont développées ; en métropole, dans les colonies, dans les ateliers de la proto-industrialisation, dans les tranchées de la Grande Guerre ou les usines des années 1930…
Il s'agit de comprendre comment les dominants ont su dominer, de mettre à jour les processus de ce rapport social, ses vecteurs (crises économiques, pression fiscales ou démographiques), et ses moments de tension. Et de saluer, aussi, les tentatives de renversement des pouvoirs ou groupes de domination dont ces siècles sont la scène : paysans écrasés par la pression fiscale sous l'ancien régime puis ouvriers broyés dans les grandes industrie ; sans culotte de l'ère révolutionnaire ; femmes de tous âges luttant pour leur émancipation politique, colonisés puis immigrés…

Mettre en lumière les jeux de rapport de pouvoir dans l'histoire longue des luttes (le temps long des mouvements populaires, des révoltes, des émotions), éclaire le passé et le présent. Noiriel est aussi un instructeur d'éducation civique. Il nous donne les armes de la formation d'un esprit critique qui devrait être la base de la formation citoyenne ; à cet égard son travail sur les mots et leur emploi, sur les faux semblants, les manipulations sémantiques est tout aussi profitable que nombre d'histoires vécues qu'il rapporte qui viennent donner sens à l'Histoire.
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J' ai dévoré ce livre très important qui place pour une fois la classe populaire au centre de l'histoire de France. Ouvrier moi même je suis content car tous un pan de l'histoire m'était inconnu au sujet des sujets des gens de rien comme on dit qui se sont battus de tous temps pour améliorer leur condition.Mention spécial à la période de 1848 à la commune de Paris et au front populaire.C'est un moment très spécial de lire ce livre en pleine révolte citoyenne actuelle.
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Un livre qui ne tient pas en place sur les rayonnages de la bibliothèque, toujours sorti, toujours ouvert à l'un ou l'autre de ses chapitres, aux titres parfois lourds d'images ("chapeau bas devant la casquette")
Se lit sans fin, avec le bonheur de se plonger dans l'histoire de ces confrontations qui font avancer le temps, entre ceux qui luttent et ceux qui gouvernent.
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Ouvrage passionnant et très documenté - Avec le bouquin de François Reynaert (Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises,) constitue un bon décrassage du cerveau en matière d'histoire de France.
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