Guy Parigot et Georges
Goubert à propos du Centre Dramatique de l'Ouest
Guy PARIGOT et Georges
GOUBERT évoquent les débuts du Centre
dramatique de l'Ouest. Des
documents d'archives montrant la célébration du 25ème anniversaire du centre et deux extraits de
pièces de théâtre, alternent avec leurs propos.
Il n'empêche qu'un cardinalat comme celui qu'obtint Mazarin peut paraître étrange à des esprits de la fin du XXe siècle. Un cardinal qui ne fut jamais prêtre et ne reçut même aucun des ordres mineurs ; mais il suffit de savoir que des princes de Savoie, des Colonna, un Barberini et même un Casimir polonais se trouvèrent dans la même situation.
N'empêche que ce fut sous les traits d'un cavalier séduisant et fringant que cet homme jeune parut d'abord : cheveux longs, bouclés et flottants, œil noir velouté, moustache et barbiche légères et élégantes, bottes, épée, pourpoint, rubans et dentelles... C'est ainsi que Mazarin se présenta à Richelieu, à Louis XIII, à la Cour, aux ministres, puisqu'il ne devait revêtir l'habit ecclésiastique - sans enthousiasme sans doute - qu'en mars 1633, après sa seconde mission en France.
Très digne, la reine montra le jeune roi couché et feignant de dormir, et des centaines de Parisiens purent défiler, admiratifs, devant la couche du jeune monarque, qui se souviendrait toujours de cette insupportable humiliation. Il était néanmoins prisonnier.
Les plus ardents (chrétiens fervents) se rassemblaient dans un organisme presque secret, la Compagnie du Saint-Sacrement créée en 1627 par le duc de Ventadour. Elle avait essaimé dans une cinquantaine de villes. Elle pratiquait la charité et le rachat aux Barbaresques des captifs chrétiens. Elle assurait aussi la surveillance des mœurs, de la vertu qui se voit, des "nudités de gorge", des hardiesses des "prétendus réformés" et dénonçait les Juifs qui se regroupaient, les compagnons de métiers qui s'entraidaient et surtout les "libertins" qu'elle cherchait à écarter des "allées du pouvoir" pour y introduire avec une force presque incoercible ses membres ou leurs affidés. Elle était en quelque sorte l'âme du "parti dévot" omniprésent.
Ce qui caractérise essentiellement les Grands, c'est la haute conscience qu'ils ont de leur grandeur, l'auto-admiration qu'ils en tirent, la faculté de commander et surtout de s'enrichir à volonté qui leur paraît en découler.
On ne peut dorénavant et moins que jamais soutenir qu'il s'agit ici, pas plus qu'auparavant, de "Fronde parlementaire", mais bien d'un complexe mouvement de rébellion et révolte qui regroupe l'aristocratie de l'épée et de la robe, des officiers roturiers et de bons bourgeois de boutiquiers et de la basoche, une partie du petit peuple et même du clergé : à sa tête, Gondi son chef parisien, ambitieux sans limite et agent du pape et donc de l'Espagne. Bref, ces agitations virulentes se ramenaient à une haine commune - Mazarin -, et à des ambitions et des appétits provisoirement concordants.
Sur 100 enfants qui naissaient, 25 mouraient avant l'âge d'un an, 25 autres n'atteignaient pas leur vingtième année; 25 autres disparaissaient entre 20 et 45 ans. Une dizaine devenait sexagénaire.
Tous ont eu, au moins par moments, la conscience des limites de leurs pouvoirs (même Louis XIV), ce qui a conduit les historiens à soutenir justement que le propre de la monarchie "absolue" est d'être "limitée", par opposition à la tyrannie, au despotisme à la turque ou à l'orientale.

En fait, deux grandes « sociétés » — et une foule de petites — se méprisent, se jalousent ou se haïssent dans ce royaume vétuste. Deux « races » coexistent, et la race noble est au fond persuadée qu’un sang exceptionnel coule dans son système artériel : qui n’est pas noble est ignoble. Au noble seul, l’épée, la girouette, le droit de chasse, le droit de litre et de tombeau à part dans l’église familiale. Seul, le noble est véritablement « né ». Les roturiers se contentent d’exister, comme une race un peu spéciale d’animaux, assez inférieure au cheval. Seul, le noble est naturellement « apte », d’abord à combattre et à commander, ensuite à savourer toutes les délices de la vie noble, de la fainéantise brute aux plus hautes spéculations de l’esprit — pour quelques-uns tout au moins. Seul, le noble est apte à bien juger, et les parlements se ferment désormais à tout ce qui sent la roture ; à bien prier Dieu, et l’épiscopat tout entier est noble d’« extrace » ; à bien commander à la guerre, et les cadres de l’armée sont interdits aux roturiers, sauf dans quelques spécialités où le talent, même ignoble, est cependant requis ; à bien commander auprès du roi, et il faudra l’astuce financière d’un banquier roturier, étranger et mécréant (Necker), pour rompre le cercle aristocratique qui tentait, auprès du monarque, noble d’entre les nobles, de gouverner seul la mosaïque routinière et particulariste…

Sans le savoir, la France est fédéraliste. Sauf pour de rares et grands esprits, en pointe sur l’opinion énoncée et les sentiments confus, non, décidément, la France n’est pas une Nation…
Est-elle seulement un État ? Si un État, ce sont des ministres, des bureaux, des percepteurs, des porteurs d’hermine et des traîneurs de sabre, alors oui, la France est un État… Mais qu’est un État où la désobéissance, selon le mot de Lavisse, tempère encore l’absolutisme ? Qu’est un État où les manières d’asseoir, de répartir et de percevoir l’impôt, où la nature même de cet impôt change d’une province à l’autre ? Où, dans la multiplicité des coutumes et des tribunaux, en l’absence de loi générale, de code digne de ce nom, le premier souci, lorsqu’on doit soutenir un procès, consiste à trouver le tribunal compétent, et la loi — ensemble de dispositions sibyllines recouvertes de gloses — selon laquelle on plaidera ? Où la justice s’achète, se revend, se monnaie, se dénonce ? Est-ce un État, ce pays où l’on refuse habituellement le service militaire, où les familles et les paroisses conspirent pour sauver les recrues de la milice et entretenir les déserteurs ?