« Maya fut arrachée du sol et ses mains n’agrippèrent que le vide. Un moment de flottement en l’air, un instant en apesanteur, puis elle heurta violemment la surface de l’eau.
Nora ne sut émettre aucun son en voyant sa fille passer par-dessus bord. Elle se précipita à son tour vers le flanc du bateau, tendit les mains devant elle, cherchant un corps, un vêtement, une mèche de cheveux à attraper, en vain. Elle reconnut la voix de l’autre femme, toujours hystérique, qui rugissait et l’insultait, et sentit deux mains la pousser dans le dos. Elle perdit l’équilibre et tomba à son tour. Une vague immense souleva le bateau et le redéposa à plus de dix mètres devant elle. Là, dans l’eau glacée, elle vit le faisceau de la lampe torche, de plus en plus fin, s’éloigner, et enfin s’éteindre. À bord, tout était redevenu normal, le problème écarté et l’ordre revenu pour de bon. »
Coincés entre la vie terrestre et la vie céleste. Comme bloqués entre deux mondes. Ils me font penser à eux, oui. Des âmes, entre deux mondes.
Chapitre 16 : « Adam avait déjà vu un camp de populations déplacées. De nombreux, même, vu l’état de son pays. Mais l’habitude ne fait pas le cuir plus épais. »
Chapitre 34 :
« - Vous vous appelez vraiment Paris ?
- Mon supérieur s’appelle Toulouse et mon adjoint Marseille, cela répond à votre question ? »
Quel livre ! Quelle belle leçon d'humanité ! Merci pour ce livre qui nous ouvre les yeux sur toute les atrocités dont les hommes peuvent être capables, à commencer par leur faire croire que l'Europe c'est l'Eldorado et à ceux qui disent les aider à accéder quitte à ne pas hésiter à sans débarrasser si besoin sans scrupules ni regrets. Merci à ce petit bonhomme de toute son humanité malgré l'enfer qu'il a connu, à cette famille qui ira jusqu'au bout pour que son rêve aboutisse. Un livre poignant, à lire absolument.
-La somme de tous les obstacles est intimidante, je suis d'accord. Mais si on les prend un par un, rien n'est insupportable. Je verrai à ce moment-là.
-C'est légèrement inapproprié. Qui a trouvé le nom?
-N'y voyez pas de racisme, ce sont les migrants iraniens eux-mêmes. Quand ils sont arrivés sur place, ils ont vu un morceau de forêt. Alors ils ont appelé l'endroit "La Forêt". En langue perse, jangal. Ici, on a entendu jungle prononcé à l'anglaise. Un simple quiproquo.
Alors il a fallu trouver un endroit pour les parquer. Le long de la côte, à l'écart du centre-ville, entre une forêt et les dunes, il y avait un ancien cimetière qui jouxtant une décharge. L'état à fait place nette à coups de bulldozer et on a invité les migrants à s'y installer il y a un an de ça.
Ils ne sont pas pires que les autres, mais ce sont les plus nombreux, ils essaient de faire la loi. C'est naturel. C'est la survie. Nous devenons tous des monstres quand l'Histoire nous le propose. Nous réussissons même à trouver des ennemis chez nos propres frères.
Divers dialectes, diverses langues pour un même espoir contenu dans quelques prières murmurées accompagnèrent le début du voyage.
Selon la préfecture, ils sont 5 000. Selon les humanitaires, 7 500 hommes, 1 500 femmes et près de 900 enfants. Donc 10 000, le double du chiffre officiel.
– Des femmes ? reprit Bastien. Je n’en vois aucune.
– Normal. Avec plusieurs milliers de types qui n’ont pas baisé depuis des mois et qui ont parfois une culture où tu ne demandes pas spécialement l’autorisation quand t’as une petite envie, je vous jure qu’il ne fait pas bon porter une jupe dans le coin. Les femmes, comme la plupart des gosses, sont gardées plus loin, dans une partie réservée du camp, et à peu près protégée.