L'avantage de mépriser consiste à se sentir supérieur à qui l'on méprise.
Diane aimait sa mère au point d'être capable de saisir, à 4 ans, le sentiment d'injustice que celle-ci éprouvait à ne pas avoir une vie à la hauteur de son attente.
« Elle est maladivement jalouse de sa fille. C’est ça qui l’empoisonne. » (p. 14)
"La bêtise, c'est de conclure" a écrit Flaubert. Cela se vérifiait rarement autant que dans les querelles, où l'on identifiait l'imbécile à son obsession d'avoir le mot de la fin.
Elle travaillait tellement que le temps ne contenait plus de pulpe. Chaque jour était le trognon d'un jour et ce n'était pas elle qui en croquait la chair.
Une précaution instinctive voulut qu’elle vive sa grossesse comme une longue absence.
Diane vit à nouveau que sa mère ne mentait pas. A l'université et à l'hôpital, elle avait déjà pu observer l'effarante capacité d'oubli des gens : ils oubliaient ce qui ne les arrangeait pas, ou plutôt, ils oubliaient quand cela les arrangeait, c'est-à-dire très souvent. Là, elle sentait l'intensité de la souffrance de sa mère et la sincérité de son oubli.
C'etait donc cela, le sens, la raison d'être de toute vie : si l'on était là, si l'on tolérait tant d'épreuves, si l'on faisait l'effort de continuer à respirer, si l'on acceptait tant de fadeur, c'etait pour connaître l'amour.
- Plaisante, ma chérie, plaisante ! Ici, tu vis dans l'intelligence. Tu vas découvrir les patients d'un cardiologue : dans neuf cas sur dix, la pathologie est causée par un excès de graisse, et le soin consiste à mettre le malade au régime. Quand tu conseilleras d'arrêter le beurre, on te regardera comme un assassin. Quand on reviendra te voir trois mois plus tard et que tu t'étonneras qu'il n'y ait pas de changement, on te mentira sans complexe : "Docteur, je ne comprends pas, j'ai suivi toutes vos recommandations." En choisissant la cardiologie et la recherche, nous optons pour la noblesse ; en exerçant en tant que médecins, nous ne soignons que des cochons.
C'était donc cela, le sens, la raison d'être de toute vie : si l'on était là, si l'on tolérait tant d'épreuves, si l'on faisait l'effort de continuer à respirer, si l'on acceptait tant de fadeur, c'était pour connaître l'amour. (p17)