Un roman d'
Amélie Nothomb, c'est un peu comme une bouteille de Beaujolais nouveau : ça sort tous les ans à la même période, les gens se l'arrachent dans les magasins ; on est plein d'espoir en l'ouvrant, et pourtant, chaque année, on est déçu.
Voilà donc Nothomb lancée sur le thème très en vogue des relations toxiques, avec une mère rongée par la jalousie et une fillette précoce et pleine de mansuétude envers sa mère, à qui elle pardonne même, dans sa grande sagesse d'enfant de huit ans, de lui préférer son petit-frère, et surtout d'idolâtrer sa plus jeune soeur. Quelle grandeur d'âme ! Quelle lucidité pour cette enfant qui, dès sa naissance, a pris acte du désamour de sa mère ! C'est admirable, vraiment. Et pas du tout invraisemblable.
Il faut dire aussi qu'en 160 pages, avec 3 bons centimètres de marge de chaque côté et une police d'écriture taille 16, Nothomb n'a pas le temps de développer ni d'approfondir, et tant pis si ça coince niveau crédibilité. Eh oui, les contraintes éditoriales étant ce qu'elles sont, il faut bien que le nouveau Nothomb, comme le Beaujolais nouveau, paraisse à la période prévue, pour la rentrée littéraire, même si cela doit se faire au détriment du style, de la profondeur et de l'originalité
Les personnages, qui étaient auparavant la grande force de Nothomb par leur côté excessif ou atypique, sont ici manichéens, creux et forgés sans nuance : d'un côté les victimes, comme Diane, Célia ou la petite Mariel. de l'autre, les bourreaux, Marie et Olivia, mères toxiques et imbuvables (comme le Beaujol... bref). Entre les deux, une galerie de personnages inconsistants : les maris, Olivier et Stanislas, et Elizabeth, l'amie de Diane, dont le trait le plus marquant est d'avoir pour nom de famille "Deux", ce qui fait bien rire ses camarades. Quant à Diane, on a bien du mal à s'identifier à cette jeune femme qui dès le berceau avait compris, avec une lucidité inconcevable pour un nourrisson, que sa mère ne l'aimait pas, par pure jalousie.
L'intrigue elle-même est improbable : comment admettre l'absence totale de réaction du mari, des parents, des professeurs devant la détresse de Diane et la relation manifestement anormale entre mère et fille ? Comment accepter le fait que Diane, à 15 ans à peine, quitte le domicile familial pour aller vivre chez une amie, avec la bénédiction de tout son entourage ?
Truffé d'incohérences, écrit dans un style d'une platitude sidérante, bien loin des fulgurances qu'on pouvait trouver dans les premiers romans de Nothomb, ce livre accumule les poncifs et tombe dans la psychologie de bas-étage en mettant en parallèle deux relations toxiques entre mère et fille, comme si Diane, après avoir vainement cherché en Olivia une mère de substitution, devenait elle-même une figure maternelle positive pour la petite Mariel en laquelle elle se reconnaît. Ne parlons même pas de la fin, abrupte et sans aucune vraisemblance, qui conclut ce roman par une queue de poisson grotesque, trait devenu d'ailleurs récurrent chez Nothomb.
Frappe-toi le coeur est donc un roman dont on peut largement se dispenser, vu sa piètre qualité, ses invraisemblances et son traitement superficiel d'un thème déjà rebattu. Pour ceux qui voudraient tout de même se laisser tenter, ce roman présente un avantage non négligeable : il est vite lu et donc vite oublié.
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