On n’en veut jamais autant aux gens qu’on aime que quand ils n’ y sont pour rien.
(...) pour aimer un lieu, il faut l'avoir contemplé de haut. Ce doit être pour cela qu'on imagine Dieu au-dessus de la Terre : sinon, comment ferait-il pour nous aimer ?
Je hais la haine et pourtant je la ressens. Je connais ce venin qui s'inocule dans le sang en une morsure et qui infecte jusqu'à l'os.
Il y a des femmes qu'il faut aimer malgré elles et des actes qu'il faut accomplir malgré soi. p.55
Il y a des tentatives de consolation qui décuplent la douleur.
Zoïle,
Tu as changé. Je le regrette et ne te le reproche pas. Tu dois avoir tes raisons. Ce que tu as pris pour de la froideur était le réflexe inquiet d'une femme qui se découvrait aimée au-delà de ses espérances. Non que cela m'ait déplu, au contraire. Mais l'art de recevoir des diamants avec grâce n'est enseigné nulle part et pas plus qu'une autre je n'en ai la science. Si je t'ai perdu, je m'incline et te remercie pour les carats du passé. S'il demeurait le moindre espoir que tu me reviennes, je t'attends et te promets, sinon d'être plus habile, au moins de ne plus te cacher le désarroi bienheureux qui t'es dû.
A toi, Astrolabe.
Aliénor, tu es un baobab, c'est pour ça que tu ne bouges pas, les premiers hommes d'Afrique ont essayé tous les arbres et chacun avait son utilité: tel brûlait bien, tel faisait de bons arcs et de bons outils, tel gagnait à être mâchouillé pendant des heures, tel poussait si vite qu'on déguisait un paysage en un an, tel, si on le râpait, parfumait la viande, tel lavait les cheveux, tel rendait sa virilité à celui qui l'avait perdu à la chasse, il n'y avait que le baobab qui décidément ne servait à rien, que fait-on par ailleurs de ce qui n'est bon à rien, arbre ou homme, on décrète qu'il est sacré, voila son utilité, il sert à être sacré, pas touche au baobab, il est sacré, on a besoin du sacré, tu sais c'est ce truc qui sert à rien mais qui aide on ne sait pas à quoi, ça aide, si ton coeur est oppressé, va t'asseoir à l'ombre du baobab, prends exemple sur lui, sois grand et inutile, crée un réseau de branches sans autre idée que ta prolifération, aucun arbre d'Afrique n'est aussi immense que celui qui ne sert à rien, voila, tu as compris, le grand est inutile, on a besoin de grandeur parce que c'est absolu, c'est une question de taille et non de structure, si le baobab rapetisse prodigieusement, il devient un brocoli, le brocoli peut être mangé, le baobab est le brocoli cosmique dont parlait Salvador Dali, Aliénor, elle, c'est la version humaine du phénomène, ses dimensions sont à mi-chemin entre le baobab et le brocoli, c'est pour ça que ses écrits fascinent. (p.102)
Tout lecteur devrait recopier les textes qu'il aime : rien de tel pour comprendre en quoi ils sont admirables. p.48
On est vraiment indulgent que quand on est amoureux fou ; dès qu’on aime un rien moins, la vacherie naturelle reprend le dessus.
J’avoue ma sidération face à ces gens innombrables qui, s’il faut les en croire, souffrent du peu de sens de leur existence. Ils m’évoquent les élégantes qui s’écrient, devant une garde-robe fabuleuse, qu’elles n’ont rien à se mettre. Le simple fait de vivre est un sens. Vivre sur cette planète en est un autre. Vivre parmi les autres en est un supplémentaire, etc. Déclarer que sa vie n’a pas de sens, ce n’est pas sérieux.