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EAN : 9782843032806
243 pages
La Dispute (03/10/2016)
3/5   1 notes
Résumé :

Le franc CFA, créé en 1945 comme « franc des colonies françaises d’Afrique » est aujourd’hui arrimé à l’euro. Il est en cours dans quinze États africains. Si la monnaie est un attribut de souveraineté, les économies de ces pays demeurent sous la coupe d’une double tutelle : française et européenne.

Les économistes qui ont collaboré à cet ouvrage, spécialistes des questions monétaires et de l’Afrique, montrent que les peuples concernés souffre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le vol circulaire des oies captives

Une remarque préalable. La majorité des auteur-e-s semble partager les positions de John Maynard Keynes sur l'analyse et les rôles de la monnaie. Je n'aborde pas cela ici, sauf sur un point.

Je me contente de souligner l'intérêt des analyses sur l'histoire et les fonctions du franc CFA. Et, en regard ou en m'éloignant largement des textes, je discuterai d'éléments plus généraux mais qui me paraissent indispensables pour penser une émancipation de toutes et tous du néolibéralisme et de ses versions néocolonialistes pour cette région du monde.

Le franc CFA, monnaie du privilège colonial, « exprimant d'une façon imparable le passé au présent », les relations asymétriques, la « colonialité monétaire »…

Les auteurs dressent un historique complet de cette monnaie un peu particulière. Ils insistent, entre autres, sur le « faible taux de bancarisation des économies de la zone franc », la « forte répression monétaire », les impacts sur les politiques macroéconomiques, les contraintes sur les politiques budgétaires et monétaires, les « mesures arbitraires du FMI » qui s'ajoutent à « un attelage colonial »… Une monnaie à la fois « dysfonctionnelle et de répression politique ».

Ils parlent aussi, entre autres, de Françafrique, de l'insertion primaire des pays concernés dans les échanges internationaux, de dévaluation (80% de 1948 à 1994), d'arrimage à l'euro et de change fixe, de « discipline de gestion financière », d'enrichissement des élites politiques dirigeantes, des comptes d'opérations, de stabilité monétaire et d'instabilité sur les marchés des biens et services et sur « le front de l'emploi », des réserves de change, du prix des importations, de sécurité alimentaire (mais pas des réformes agraires radicales nécessaires), de financement des « économies émergentes » et de sous-financements chroniques, de rationnement du crédit, de fuite des capitaux, de division du travail, « le franc CFA sert essentiellement à maintenir les pays africains dans la vieille division du travail, qui fait d'eux des sources de matières premières et des débouchés pour les entreprises françaises et européennes », de prédominance des entreprises étrangères dans les secteurs économiques clés, du caractère extraverti des économies africaines, de flux financiers illicites, d'accumulation prédatrice, de répression politique, d'instrument de tutelle, de symbole de la domination, de monnaie coloniale et extractive…

Le titre de cette note est extrait d'un article.

Quelques points pour élargir la discussion.

Je ne partage pas la vision qui fait de la monnaie une des « très anciennes institutions » indépendamment de l'analyse des organisations sociales et du sens des mots à travers l'histoire. L'analyse de la monnaie aujourd'hui, doit être « dérivée» me semble-t-il de l'analyse du capitalisme et de son fonctionnement « objectif » derrières les apparences. La monnaie est une « forme » du capital, un « rapport social ». Et sauf à étendre, comme s'ils recouvraient des « essences » le sens des mots, les mondes grecs ou égyptiens (le shat par exemple) ou les pratiques « monétaires » africaines, ne nous disent rien sur la monnaie dans le système capitaliste.

« Souveraineté monétaire », souveraineté politique. Deux problèmes me semblent à discuter. Si je partage bien des critiques faites sur la création et le fonctionnement de l'euro ou à l'organisation monétaro-politique de la communauté européenne, l'analogie avec la monnaie « unique » CFA dans une partie de l'Afrique me paraît très discutable.

Quant aux débats sur la souveraineté, je ne partage pas son usage pour les Etats mais bien pour les populations citoyennes (le souverain). La souveraineté des choix démocratiques qui impliquent la maitrise de l'organisation socio-économique de la société (nous en sommes loin, y compris dans les pays dits démocratique dont deux domaines au moins sont hors de sujet de cette démocratie : les mondes des relations économiques et celles des relations personnelles au sein des familles). La démocratie et donc la souveraineté s'arrête à la porte des usines et des bureaux, des logements et des chambres à coucher… Souveraineté implique, à mes yeux, organisation (auto-organisation institutionnelle) des citoyen-ne-s. Que les auteurs ne parlent que des cadres étatiques et de plus sans évoquer le système capitaliste (qui ne se laisse pas réduire aux relations (néo)coloniales) me laisse très songeur.

Comment par ailleurs penser les décolonisations au delà des décolonisations « formelles » sans remise en cause des arbitraires découpages territoriaux, sans unification dans des ensembles étendus et choisis par les populations, sans construction d'institutions démocratiques…

Il conviendrait aussi de discuter de la création monétaire, qui reste un privilège des établissements financiers privés.

Il est par ailleurs inquiétant que les mouvements d'émancipation en France ne s'expriment pas sur les nécessaires expropriations des multinationales « françaises » et leur socialisation « locales » au bénéfice des populations concernées (sans oublier la dimension syndicale de telles campagnes dans les entreprises en France), les réparations dues en regard des « préjudices » de la traite négrière et de la colonisation, la dénonciation des politiques du franc CFA et de la « gestion » par l'Etat français de la monnaie d'autres pays…

Sommaire :

Avant-propos, par Michel Maso, directeur de la fondation Gabriel-Péri

Introduction, par Demba Moussa Dembele, Kako Nubukpo et Martial Ze Belinga

Chapitre 1. de quoi la monnaie est-elle le nom ?, par Massimo Amato

Chapitre 2. Des rapports entre monnaie et souveraineté : une analyse socio-historique, par Jérôme Maucourant

Chapitre 3. La genèse du franc CFA, par Nadim Michel Kalife

Chapitre 4. le fonctionnement et le rôle des comptes d'opérations entre la France et les pays africains, par Bruno Tinel

Chapitre 5. le franc CFA et le financement de l'émergence en zone franc, par Kako Nubukpo

Chapitre 6. de la nécessité de la souveraineté monétaire dans les pays africains de la zone franc, par Demba Moussa Dembele

Chapitre 7. Émerger avec le franc CFA ou émerger du franc CFA ?, par Ndongo Samba Sylla

Chapitre 8. Institutions francs CFA : colonialités, incohérences, accumulations prédatrices, par Martial Ze Belinga

Chapitre 9. Europe-Afrique : des sociétés bien différentes, un même besoin de s'émanciper du capitalisme mondialisé, par Denis Durand et Hédi Sraieb

Conclusion, par Bruno Tinel

Lien : https://entreleslignesentrel..
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critiques presse (1)
LaViedesIdees
01 juin 2017
L'ouvrage pose de véritables questions qui, pour la plupart, dépassent de fait le cadre de la zone franc et font écho à la crise récente de la zone euro.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
le franc CFA sert essentiellement à maintenir les pays africains dans la vieille division du travail, qui fait d’eux des sources de matières premières et des débouchés pour les entreprises françaises et européennes
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Video de Kako Nubukpo (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Kako Nubukpo
Le franc CFA, qui incarnait un des derniers vestiges de la Françafrique, va disparaître et sera remplacé par une nouvelle monnaie, l'Eco. Comment cette décision remet-elle en cause la place qu'occupe la France sur le continent africain, en particulier dans ses anciennes colonies ?
Pour en parler, Hervé Gardette reçoit Kako Nubukpo (économiste, ancien ministre togolais de la Prospective et de l'Evaluation des politiques publiques) et Christophe Boisbouvier (directeur adjoint de RFI, chargé de l'Afrique).
L'Invité des Matins de Guillaume Erner - émission du 26 décembre 2019 À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/saison-26-08-2019-29-06-2020
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